Soutenir l’économie avec des Prêts Immobiliers Garantis par l’État.

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Par Laurent Denis Publié le 24 novembre 2020 à 5h52
Credit Immobilier Banque Refus
@shutter - © Economie Matin
11,5%11,5% des dossiers de crédit immobilier depuis début 2020 ont été refusés.

Longtemps. La crise économique mord salement notre pays et s'incruste. Sa gestion chaotique tente de s’opposer aux ravages du covid-2019. Elle propage le chaos et le vide. Les mesures prises suintent l'absurdité et l'injustice. Purement dogmatique, le rationnement délibéré du crédit est terriblement dangereux pour l'économie française. En temps de crise, le risque global de crédit ne s’apprivoise ni avec des mesures d'ajustement, ni avec des restrictions qui précipitent la chute économique, donc la vague des défaillances de remboursement. Les décideurs et les prêteurs étranglent l'économie française et accroissent la crise. Le manque de soutien financier de la France à ses entreprises est, tout simplement, indigne. Silencieuse et moins spectaculaire, l'asphyxie du crédit immobilier aux Particuliers est néfaste pour toute l'économie française. Il faut maintenir les visites de biens immobiliers. Et prendre des décisions audacieuses : comme un Prêt Immobilier aux Particuliers, Garanti par l’État. Le point sur cette proposition.

L’asphyxie de l’économie par le crédit ne sauvera pas les banques.

D’un premier côté, le crédit, instrument essentiel de sortie de crise, est désormais compté. Il n’est plus un produit de marché, mais une denrée rognée, planifiée. À l'été 2019, selon une analyse contestable et à coup sûr obsolète, à l'injonction du Comité Européen du Risque Systémique (CERS), les banques françaises alliées au très Haut (et stratosphérique) Conseil de Stabilité Financière (enseigne commune d’Autorités bancaires et financières existantes nuisant d’ordinaire séparément) ont décidé de rationner lourdement le crédit immobilier aux Particuliers. Sans aucune considération pour la crise économique arrivée par la suite, sans aucun débat public, le HCSF et les établissements théoriquement prêteurs maintiennent leur politique restrictive suicidaire en 2020, et sans doute en 2021, puisque nul signe, ni aucune information transparente ne permettent d'en subodorer la disparition.

L'objectif clairement visé par cette conjuration contre l’économie est la sécurité des organismes bancaires prêteurs. Telle est la priorité suprême. La seule, en fait. La stabilité financière est à interpréter seulement comme la stabilité des établissements de crédit ; il faut voir en réalité des synonymes dans ces termes. La préservation des banques est désormais au-dessus de tout, y compris au-dessus de la gestion de la crise économique en vue d’en sortir au mieux. Avec une telle approche, les Entités chargées de prévenir le risque systémique enclenchent et alimentent une version inédite du risque systémique, que la crise pourrait bientôt faire naître sous nos yeux.

Or, la vague de défaillances de remboursement de crédit est inévitable. Elle ne sera pas non plus écartée en restreignant les nouveaux crédits. Au contraire, la poursuite d’une activité de crédit intense est, plus que jamais, essentielle pour soutenir l’économie ainsi que les agents économiques dans leurs capacités de remboursement.

Rendre plus juste et plus efficace économiquement la dette de crise.

De l’autre côté, la généreuse politique du « koikilencoute » fait sur-exploser la dette publique, déjà fracassée : déjà 120% du PIB au compteur à fin 2020, avec plus de 200 milliards de dette publique d'un coup d'un seul (mars-octobre 2020). Ce poids financier supplémentaire s’ajoute à la destruction simultanée de Produit Intérieur Brut. Dépenser lourdement de manière exceptionnelle n'est pas, en soi, critiquable. Mais la question de la justice de cette dette nouvelle et celle de son efficacité économique sont curieusement bien peu débattues.

Quoi qu’il en soit, la dette publique taguée « Covid » restera marquée par son scandaleux déséquilibre, entre ses bénéficiaires et ses débiteurs : une partie seulement des Français en bénéficie, alors que tous les Français, présents et futurs, la rembourseront. L’injustice financière complète les malheurs de la crise. Et ajoute à la politique d’étranglement du crédit, qui est celle de l’accélération des effets de la crise.

Parmi les utilités élevées de l’économie figure l'immobilier, notamment celui des Particuliers ; dont son financement. L'interdiction des visites en vue d'un achat immobilier fait partie des mesures bornées, fortement incomprises. À juste titre. L’entêtement dans la restriction du crédit bancaire aux Particuliers s'ajoute aux mesures de massacre d'une fonction essentielle de toute économie domestique : l'habitat.

La garantie d’État donnée aux prêts immobiliers de Particuliers, quels qu’ils soient, corrigerait, un peu, la révoltante inégalité d’endettement public au titre des mesures de crise. Tout en stimulant l’activité économique. Car la (très discutable) supérieure préservation des prêteurs et la nécessité du crédit immobilier aux Particuliers sont conciliables.

Innover : avec les « Prêts Immobiliers Garantis par l'État » (ou PIGE).

Il est temps de permettre et de même de faciliter l’activité des professionnels de l’immobilier. Il est temps simultanément de rétablir la fonction de financement des banques envers les Particuliers. Il est donc hautement légitime de solliciter également le financement public pour ces activités économiques de transactions immobilières, de distribution et d’octroi du crédit à l’habitat. La disponibilité du crédit immobilier constitue évidemment l’un des déclencheurs essentiels des transactions.

Par exemple, tout comme l'État garantit une (faible) partie des besoins de financement des entreprises, avec les « Prêts Garantis par l'État » (PGE), l'État pourrait garantir une (petite) partie des crédits aux Particuliers. Sous la forme de « Prêts Immobiliers Garantis par l'Etat » (ou PIGE). Le principe est identique à celui retenu pour les entreprises : il s'agit de laisser le crédit largement ouvert à un moment crucial pour l'économie, tout en préservant la qualité des organismes bancaires prêteurs, puisque c’est l’objectif indiscutable (la « stabilité financière. »)

Les modalités d’application d’une telle garantie publique massive peuvent différer : la garantie donnée par l’État aux prêteurs pourrait s’appliquer soit à des prêts individuels (il en existe déjà une solution logistique avec les Prêts à Taux Zéro), soit à des cohortes de prêts identifiés par les prêteurs selon des critères objectifs et des limites de risque. Le montant d’intervention publique est ajustable ; il pourrait être circonscrit : 2% ? 5%? des montants des nouveaux crédits. Car en vérité les crédits aux Particuliers sont déjà fortement sécurisés financièrement, par les emprunteurs eux-mêmes : cautionnement mutuel (chèrement tarifé par les prêteurs, avec « l’argument » décisif qu’il est moins cher qu’une sûreté), sûretés réelles (hypothèques, privilèges de prêteur de deniers) adossées à la valeur des immeubles financés. Jamais le coût du risque des crédits immobiliers aux Particuliers n'a été aussi bas, selon la dernière étude sur le financement de l'habitat publiée par la Banque de France (juillet 2020). Soit une enveloppe de garantie de l’ordre de 5 milliards d’euros à 10 milliards d’euros, selon le pourcentage de garantie retenu et en regard d’une année de production de 250 milliards d’euros de nouveaux crédits immobiliers aux Particuliers en 2021. La garantie publique d’un tel risque ne présenterait donc pas un coût démesuré, en regard de son bénéfice comme instrument exceptionnel de crise. Ce serait une dépense publique efficace, selon les critères imposés par la crise ; et un « signal fort » de soutien économique.

Sauver les banques en stimulant l’économie.

Plutôt que d’étouffer les projets des Particuliers en restreignant à l’avance et par dogme à la fois les transactions immobilières et le crédit immobilier aux Particuliers, ne serait-il pas préférable d'aller de l'avant en garantissant la casse seulement éventuelle ? N’est-il pas préférable d’agir de manière volontariste, plutôt que de décréter certaines des pertes de crédit qui ne sont que probables et de parier (erronément) sur leur inévitable occurrence, en interdisant les ventes immobilières et en réduisant le crédit à l’avance ? Au plus mauvais moment, à contre-temps.

Demain, les banques pleureront (encore). La vague des défaillances de remboursement arrive. Elle choquera l’économie. Les banques, qui n’auront pas prêté assez activement pour soutenir véritablement l’économie, seront généreusement soutenues par des fonds prélevés aux citoyens qui n’auront plus ni travail, ni entreprises. L’Histoire des crises économiques et bancaires est aussi répétitive, qu’explicite et bien connue.

S’il faut (encore) sauver le système bancaire, sauvons-le donc en sauvant aussi, pour une fois, l’économie, ses agents actifs, les entreprises, les ménages. Les crises de dimension historique nécessitent des changements radicaux de principes, de méthode et de fonctionnement (de « paradigmes », en snob courant). Le « temps long » qui nous est souverainement infligé avec sa part d’arbitraire, et aussi de mépris, réclame et nécessite la révision en profondeur des principes d’action publique. La crise économique offre aussi aux décideurs l’occasion de penser pragmatiquement et d’en faire la démonstration. Agissons pour une fois avant l’accident bancaire.

De surcroît, la France possède la chance de disposer d’un efficace réseau indépendant de distribution bancaire, avec les Courtiers en crédit et les Intermédiaires bancaires (IOBSP). Qui a fait la preuve de sa robustesse et de son efficacité ces dernières années. Il est en relation avec les prêteurs, comme avec les réseaux des Professionnels de l’immobilier. Il a la confiance des Particuliers : les Intermédiaires bancaires sont une modalité de présentation très prisée de leurs demandes de crédit.

La stabilité financière incombe à l’État ; et à personne d’autre. Les banques n’ont pas à faire payer à l’économie tout entière le prix de leur protection de temps de crise. Au risque, sinon, d’amplifier cette dernière et, justement, d’entraîner finalement les dégâts si redoutés dans les entreprises bancaires. Pour l’heure, la plus essentielle des mesures de préservation de la stabilité financière consiste à sortir efficacement de la crise, lorsque les conditions seront réunies. En ce sens, le Prêt Immobilier Garanti par l’État serait une mesure innovante, adaptée, efficace. Chaque citoyen peut en soutenir le principe.

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Maître Laurent Denis pratique et enseigne le droit. Conjuguant expérience bancaire et exercice juridique, il contribue aux nouvelles formes d'activités bancaires et financières, spécialement dans les domaines des crédits et de l'intermédiation. Auteur de plusieurs ouvrages, dont, avec Bruno Rouleau, consultant, « Courtiers en crédits et IOBSP : défenseurs d’intérêts » (juin 2018), lequel dépeint la profession d’IOBSP, analyse la situation présente et ses perspectives, pour détailler concrètement les pistes d’amélioration de son efficacité au service de l’économie. Son site : www.endroit-avocat.fr.