Précarité de la mobilité : comment repenser les transports de demain ?

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Par Frédérique Ville Publié le 16 mai 2017 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
23 %23% des Français auraient refusé un travail faute de moyens de transport pour s'y rendre.

Alors que le chômage a été un des sujets incontournables de l’élection présidentielle, un aspect semble avoir été relégué au second plan : l'accès au travail lié aux difficultés de mobilité des Français.

Qu'en sera-t-il pour ce nouveau quinquennat ? D'après une étude, près d'un Français sur quatre (23%) dit avoir refusé un travail ou une formation faute de moyens de transport pour s'y rendre. Si les transports en commun sont largement développés en France, il est temps de s'intéresser aux besoins réels des Français en matière de mobilité et de répondre, enfin, à leurs attentes. Et que les pouvoirs publics prennent la problématique à bras le corps.

La mobilité des Français en pleine évolution

Alors que la voiture individuelle reste le mode de transport privilégié des Français, leurs habitudes en matière de mobilité ont évolué. Ainsi, d'après une étude, 41% des interrogés optent parfois, pour leurs déplacements quotidiens, pour le vélo (personnel ou en libre-service), 31% le covoiturage ou 12% l'autopartage. Des chiffres qui augmentent d'année en année et qui montrent que le temps où les Français n'utilisaient qu'un seul moyen de transport pour se rendre au travail, pour leurs loisirs ou même partir en vacances, est révolu.

Et cette tendance va s'accentuer : lors des trois prochaines années, d'après cette même étude, un Français sur quatre envisage de combiner plusieurs modes de déplacement pour un même trajet (voiture + transport en commun, ve?lo + transport en commun, etc.), 22% pensent recourir plus fréquemment au covoiturage et 10% d'entre eux prévoient de pratiquer l'autopartage plus souvent. Cependant, cette évolution des mentalités reste insuffisante pour lutter contre les embouteillages, la pollution et favoriser l'accès à l'emploi par la mobilité dans l'Hexagone.

Les transports en pleine transformation

Si les usages ont évolué, c'est également grâce à l'arrivée de nouvelles pratiques et de nouveaux outils. La digitalisation a bien entendu grandement participé à cette transformation. Difficile de passer à côté du phénomène des VTC : Uber a bouleversé le secteur des taxis et de nombreux concurrents ont vu le jour, avec plus ou moins de succès. Cependant, les VTC ne concernent encore que le centre voire l'hyper-centre des grandes agglomérations, laissant encore de côté de nombreux voyageurs.

Les transports en commun bénéficient également de la transformation numérique. Des applications pour mieux se déplacer et synchroniser ses trajets sont accessibles dans une immense majorité de villes et il est possible de recevoir, par mail ou par SMS, un message pour être averti lorsque les lignes sont perturbées par des travaux ou des incidents.

En ville, d'autres initiatives sont à l'essai : par exemple, des navettes autonomes sont en train d'être expérimentées pour des trajets courts et particulièrement empruntés au quotidien (le long du quai Rambaud, à Lyon ou encore de la gare de Lyon à la gare Austerlitz, à Paris). Plus de chauffeurs, des véhicules propres et économiques, accessibles gratuitement toutes les 3/4 minutes… ces ruptures technologiques vont induire des façons radicalement différentes de penser les offres de mobilité. De 2020 à 2025, des solutions de plus en plus autonomes deviendront réalité.

Cependant, entre les initiatives urbano-centrées et celles qui sont encore en phase d'expérimentation, il existe des solutions accessibles, pratiques et plus économiques. Le covoiturage et l'autopartage sont - par exemple - des alternatives qui rencontrent de plus en plus d'adeptes, mais se heurtent à des limites d'infrastructures ou même parfois de méconnaissance du service.

Développer et favoriser la complémentarité des transports

Les transports en commun sont très largement développés dans les grandes agglomérations et les zones de forte densité sont évidemment celles où se développent le plus d’initiatives. Néanmoins, ce sont toutes les autres qui nécessitent un plus grand investissement des pouvoirs publics sur les nouvelles mobilités. Aux autorités et aux responsables territoriaux de s’impliquer dans les solutions alternatives pour, désengorger le trafic des centres villes, mais aussi favoriser la mobilité dans les zones peu voire pas desservies.

Par exemple, pour les entreprises qui sont excentrées ou non accessibles en transports en commun, pourquoi ne pas proposer des subventions pour favoriser le covoiturage ? En offrant une prime aux salariés qui partageraient leur véhicule pour faire le trajet de la gare la plus proche vers cette entreprise, les pouvoirs publics enverraient un signal fort aux Français. Cela diminuerait le trafic, optimiserait les temps de trajet, réduirait la pollution et diminuerait les dépenses de mobilité des Français !

Ces dernières années, plusieurs résolutions ont certes été adoptées dans ce sens : des aires de covoiturages ont vu le jour dans de nombreuses régions de l'hexagone mais ce n'est pas suffisant. Il faut désormais communiquer à l'échelle nationale, auprès des collectivités, pour développer ce genre de pratiques. Pourquoi, par exemple, ne pas s'inspirer des États-Unis, où, dans certains états, une voie de circulation est exclusivement réservée aux véhicules transportant 3 personnes ou plus ? Lors des pics de pollution, en France, les voies de bus sont accessibles aux véhicules pratiquant le covoiturage. Mais c'est encore trop rare et il faudrait généraliser ce type d'initiatives.

Il est également urgent de s'adresser aux personnes qui ne sont pas véhiculées et qui n’ont aucun moyen de transport à leur disposition pour aller travailler : en les rapprochant des conducteurs qui se déplacent seuls dans leur voiture, près de chez eux, tout le monde serait gagnant. Mais cela passe inévitablement par un changement de mentalité des Français qui n'ont pas, aujourd'hui, le réflexe du covoiturage et de l'autopartage : pourquoi ne pas lancer une campagne nationale de communication expliquant les bienfaits de ce type de transports ? Ou bien en octroyant une prime de mobilité ou une exonération fiscale, qui bénéficierait aux personnes partageant leur véhicule un certain nombre d'heures chaque année ?

On entend souvent parler de précarité énergétique : peut-être serait-il temps de lutter contre la précarité de la mobilité. Pour cela, il est indispensable que pouvoirs publics et acteurs du transport et des nouvelles mobilités se rencontrent pour repenser le quotidien des Français et changer la façon dont ils se déplaceront demain. Sans quoi les difficultés de circulation, de précarité de l'emploi dûes aux problèmes de mobilité et la pollution ne feront qu'empirer.

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Frédérique Ville est directrice générale d’iDVroom (service de covoiturage de la SNCF).