Temporaire et plafonnée pour les salariés des cafés, hôtels et restaurants (CHR), l’exonération des pourboires se confirme. En effet, la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale a adopté en début de semaine un amendement au projet de loi de finances (PLF) 2022 visant à défiscaliser ces derniers dans la restauration. En effet, la disposition votée précise que les “sommes remises volontairement par tout moyen, en argent comptant ou par paiement électronique et bancaire (...) entre les mains de l’employeur ou centralisées par lui (...) ou directement entre les mains du salarié” seront exonérées.
Pour faire simple, les pourboires, payés en espèces ou par carte bancaire, ne seront soumis ni à l’impôt sur le revenu ni aux prélèvements sociaux. Toutefois, pour que ce nouvel avantage n'entraîne pas de risque de substitutions en matière de paie, les Députés ont prévu de plafonner la défiscalisation à hauteur de 20% du salaire annuel brut de l’employé. Pour le moment, le Gouvernement n’a pas émis d’opinion sur cette disposition qui va plus loin que la proposition du Chef de l’Etat limitée aux pourboires versés en carte bancaire. Il faudra donc attendre l’examen en séance publique pour connaître les arbitrages entre Bercy et les parlementaires.
Une filière plus attractive ?
Mais est-ce réellement une bonne nouvelle ? Le secteur des CHR compte environ 1,2 million d’employés avec la restauration collective. Il peine à recruter en pleine reprise économique. En effet, si les Français ont renoué avec leurs terrasses, cafés et restaurants, il manque 160.000 employés pour assurer le service ! Aussi, la défiscalisation et la désocialisation des pourboires vont certainement gratifier les personnels en salle, mais rien n’est prévu pour les personnels en cuisine ou les personnels de chambre par exemple. La mesure, en plus d’être temporaire, ne va donc pas complètement rendre la filière CHR plus attractive. Ajoutons à cela que les pourboires par carte bancaire, s'ils sont très courants aux Etats-Unis, ne constituent pas une pratique usuelle en France. Rien n’empêche cependant de les développer, en rappelant d’ailleurs que les coiffeurs, livreurs de pizza ou chauffeurs de taxis peuvent également en bénéficier sans être à ce jour concernés par la mesure.
Quels impacts sur la comptabilité et la paye ?
En espèces ou par carte bancaire, il faudra de toute façon trouver une solution comptable pour isoler les pourboires du reste des encaissements. Un groupe de travail serait actuellement constitué au sein de la Fédération Bancaire Française dans cet objectif. En effet, pour rendre opérationnelle cette mesure en 2022, il conviendra de séparer le flux de l’addition de celui du pourboire. Le plus simple serait certainement une solution numérique et une adaptation des terminaux de paiement comme des caisses. Des applications sont également possibles et le versement pourrait s’opérer via le scan d’un QR Code, mais nécessitera deux actions différentes de la part du client final. Un logiciel de caisse performant permettrait en revanche de distinguer les frais de repas du pourboire, car il faudra de toute façon prévoir une ligne spéciale sur le ticket du client.
En paye, le principe sera le même : il conviendra d’isoler les pourboires et de les ventiler par serveur puis de les transférer dans le logiciel de paye pour les reverser comme il se doit aux bénéficiaires. A condition là encore que les éditeurs réalisent en amont le bon paramétrage pour “désocialiser” cette partie de la rémunération.
Ces différentes possibilités, si elles sont mises en œuvre, motiveraient environ 35% des Français, qui affirment que le manque d’argent liquide sur eux est le principal frein au pourboire. De même, 68% de nos compatriotes se disent favorables à une gratification dématérialisée. (Enquête CSA-Lyf, juillet 2021). Attendons maintenant le 19 octobre 2021 pour connaître les dispositions qui seront entérinées au PLF 2022 par les Députés. Puis, ce sera au tour de la Chambre Haute de se prononcer. En espérant que cette mesure ne paiera pas l’addition des querelles politiciennes. Car, si elle est temporaire et limitée, elle n’en revalorise pas moins le métier de garçon de café.