La ministre de la Santé et des solidarités envisage pour les des EHPAD, ces institutions destinées aux personnes âgées dépendantes, une tarification progressive selon les revenus. Et puis à quand une modulation du prix du kilo d’orange en fonction du montant de la pension ? On voudrait créer une différence de traitement, au sein de ces institutions, entre les pensionnaires qui paieront plein pot et ceux qui requerront l’aide d’un organisme de protection sociale, avec toutes les complications qui en résultent, il serait difficile de mieux faire.
Le traitement de la dépendance est à cheval sur l’assurance maladie et l’assurance vieillesse. Une EHPAD, c’est (en schématisant beaucoup) une maison de retraite médicalisée pour des personnes âgées qui ne sont plus en bonne santé. La prise en charge de la mauvaise santé relève de l’assurance maladie, qui (en France) rembourse les soins sans distinction de revenu. Reste l’aspect hôtelier : la vie est plus chère en institution que chez soi, mais il y a des institutions plus ou moins luxueuses, comme il y a des « chez-soi » plus ou moins vastes et confortables. C’est à l’assurance vieillesse de s’organiser pour prendre en charge un accroissement des pensions durant la période de dépendance, permettant ainsi à chacun de trouver chaussure à son pied, c’est-à-dire une EHPAD plus ou moins luxueuse selon ses moyens, et donc selon le montant de sa pension, dûment majorée dès lors que son bénéficiaire ne peut plus se débrouiller tout seul.
Le Haut-commissariat à la réforme des retraites s’efforce d’unifier nos quelque 40 régimes de retraite par répartition. Que le gouvernement en profite pour incorporer l’assurance dépendance partie dans l’assurance maladie, et partie dans l’assurance vieillesse : notre sécu est déjà assez compliquée comme cela, n’en rajoutons pas ! Et songeons aux frais de gestion : la fusion des régimes de retraites actuels fera (si elle aboutit !) gagner 2 à 3 milliards d’euros chaque année, c’est bien ; cherchons à économiser encore plus, à éviter les quelques centaines de millions d’euros de dépenses supplémentaires requis pour gérer une assurance dépendance distincte des assurances vieillesse et maladie, du fait qu’il faudrait mettre en place toute une bureaucratie supplémentaire pour gérer des modulations de prise en charge des frais d’EHPAD.
Et puis qu’Agnès Buzin ne fasse pas mettre en place une seconde « journée de solidarité » pour financer une prise en charge spécifique de la dépendance, comme elle l’envisageait en avril 2018 (Les Echos du 13 avril) : déguiser les impôts ou cotisations supplémentaires ne les empêche pas d’exister et de peser sur le pouvoir d’achat des actifs. Arrêtons les « astuces » qui sont autant de moyens de continuer à dépenser et prélever toujours plus alors que le Gouvernement et l’Elysée prétendent vouloir serrer les boulons. Le régime unique de retraites par répartition va (espérons-le !) être conçu de manière à être gérable, et donc de manière à pouvoir stopper l’inflation des dépenses en direction des personnes âgées, parce que nous ne pouvons pas charger encore et encore les épaules de nos enfants et de nos petits-enfants. Il ne faut pas inventer des subterfuges qui permettront de continuer la fuite en avant !