La portabilité au Sénégal, une fausse bonne idée ?

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Par Economie Matin Afrique Modifié le 5 janvier 2014 à 18h26

La décision prise par l’Agence de Régulation des Télécommunications du Sénégal (ARTP) de mettre en place la portabilité des numéros a fait couler beaucoup d’encre durant le mois de juillet. Chaque acteur y est allé de sa superbe lors des interventions et déclarations.
 
Pour rappel, la portabilité des numéros est la possibilité que pourrait avoir un client mobile ou fixe de changer d’opérateur tout en gardant son numéro d’appel. Elle est connue pour être un des leviers sur lesquels s’appuient les organes de régulation pour accroître le niveau de concurrence sur le marché des services de télécommunication. En effet, en permettant à un client de changer de fournisseur de services tout en gardant le même numéro, la portabilité fait sauter une des entraves majeures à un churn libre et naturel des clients.

Il semble que , après des années de tergiversations, le régulateur ait décidé de mettre en place cette portabilité. Ce qui a réjoui la plus part des acteurs du secteur, notamment les challengers de l’opérateur historique Orange qui y voient naturellement un moyen d’aller piquer des parts de marché au leader qui garde, faut le rappeler, plus de 60% des clients mobiles d’après les derniers chiffres publiés par l’ARTP. Comme cela a pu étre dit, Orange n’a pas vraiment affirmé qu’elle ne voulait pas de la portabilité, mais plus relever le fait que le dernier code des télécommunications demande à ce qu’une étude d’opportunité soit réalisée avant toute décision de mise en œuvre. Certains y verront un avis défavorable, peut-être à juste raison.
 
En ma qualité de spécialiste, et connaissant mieux de jour en jour la qualité de l’avis d’un opérateur télécom, l’opinion de tel ou tel opérateur sur la portabilité ne m’intéresse pas vraiment car dépendant généralement de sa position sur le marché concerné dans un pays donné. En effet, selon qu’il soit leader ou challenger, sa position est facilement prédictible, le leader sera plutôt réticent et le challenger franchement enthousiaste à l’idée de la mise en place de la portabilité. Ce qui par contre m’intéresse, c’est les raisons qui font qu’un régulateur connu pour être peu entreprenant décide du jour au lendemain de mettre en œuvre ce levier de régulation, et surtout pourquoi celui-là et pas un autre.
 
Le vœu déclaré de l’ARTP de voir la concurrence sur le marché du mobile atteindre un niveau semblable à celui des pays développés pourraient être aussi bien exhaussé par la création d’un cadre propice au développement des opérateurs mobiles virtuels (MVNO). Ces acteurs de niche viendraient sérieusement challenger les trois opérateurs mobiles en place. Mais le régulateur a, à la place, opté pour la portabilité qui, mise en place depuis 2007 au Maroc, y est un parfait échec car n’ayant concerné depuis 2007 que 72 000 clients sur 39 millions d’abonnés mobiles.

Fondamentalement et théoriquement, la portabilité est une excellente chose pour une concurrence effective ainsi qu’une plus grande liberté de mouvement pour le client. La seule crainte que l’on peut avoir est que l’ARTP ait pris cette décision pas forcément pour les bonnes raisons, mais juste pour montrer que l’équipe post Ndongo Diaw (ancien DG actuellement en prison pour détournement) met en place de choses modernes. Mais qu’importe, l’essentiel sera l’efficacité que pourrait avoir ce levier de régulation sur le marché.

L’autre crainte est qu’une mauvaise mise en œuvre de la portabilité engendre plus de désagréments que de bénéfices pour le client en dégradant de manière substantielle la qualité de service. En effet, sa mise en œuvre requiert une forte et sincére collaboration entre les opérateurs pour limiter les couacs. La formule la plus ambitieuse serait la mise en place d’une base de données centralisée et d’une structure indépendante formée et financée par les trois opérateurs en place. Inutile de vous préciser que la coordination nécessaire à la réalisation de cette alchimie sera loin d’être chose aisée pour le régulateur. Mais croisons les doigts pour eux…

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La rédaction d'Economie Matin Afrique