Les excès du marketing politique : Le ciblage (4/6)

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Par Alain Astouric Publié le 22 janvier 2016 à 5h00
France Politique Marketing Communication Cible
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1984Le métier de spin doctor et la notion de marketing politique naissent réellement en 1984 avec Ronald Reagan.

Après avoir incité le candidat à séduire plutôt que convaincre (I), puis lui avoir préconisé d’asséner son thème du moment (II) et de cultiver l’art de passer dans les médias (III), le marketing politique lui commande, en un quatrième temps, de s’adresser prioritairement à ses propres partisans pour leur dire (surtout) ce qu’ils veulent entendre.

Cette façon de faire permet à la femme ou à l’homme politique de réserver ses forces pour la séduction des hésitants. Une technique que l’on appelle, non sans délicatesse, le siphonage des indécis (!). Indécis particulièrement convoités car ce sont souvent leurs voix qui font la différence à l’arrivée.

Pour la même raison le candidat, la candidate n’a pas à s’égarer dans une vaine conquête des opposants puisque le marketing part du principe qu’il est inutile de chercher à recruter dans le camp adverse. Ce serait perdre son temps, la durée d’une campagne ne suffisant pas à faire passer un électeur de gauche à droite, ou l’inverse. En revanche c’est à l’intérieur d’un camp –là où la bataille est quelquefois la plus violente– que le candidat doit plaire, c’est donc surtout là que le marketing joue. Y compris, si nécessaire, en considérant l’électorat potentiel comme une somme de segments (hommes, femmes, jeunes …) afin d’engager une communication personnalisée et ainsi couvrir au mieux le « marché ».

Tout cela explique le succès, sur Internet et sur certaines chaînes TV, des publicités politiques contextuelles et géographiques. C’est-à-dire, soit des annonces dont le contenu est adapté en fonction des mots se trouvant sur la page lue, soit des liens publicitaires contextuels qui s'affichent à proximité des résultats d’une recherche. Soit encore, des spots adaptés au profil politique du téléspectateur potentiel d’une chaîne donnée. Le succès, aussi, sur certaines chaînes régionales des annonces et spots personnalisés suivant la localisation géographique des visiteurs. Ce qui favorise la publicité politique locale. Toujours en ce qui concerne Internet, étant donné qu’il n’est pas bien difficile d’assister à un meeting de l’adversaire muni d’une caméra, d’en extraire quelques moments d'approximation pour les ressortir hors contexte et en faire un buzz en défaveur du concurrent, la plupart des équipes de campagne ne s’en privent pas.

En revanche, un candidat peut faire monter un buzz allant dans son propre sens (comme le ferait une marque), en enrôlant des sympathisants suffisamment intéressés par la chose publique et qui acceptent de se comporter en relais d’opinion. Un procédé qui donne aux partis l’espoir de séduire de nouveaux adhérents, ou au moins de remobiliser leurs troupes. Bien utilisée cette technique du buzz favorable, en créant des liens entre des gens qui sans cela ne se seraient pas rencontrés, peut faciliter la création d’un réseau communautaire pour ne pas dire celle d’un Parti de masse.

Enfin, la diffusion de vidéos sur le Net, que ce soit pour les vœux de début d’année, à l’occasion d’une commémoration ou pour marquer un événement ou un autre, en n’hésitant pas à user suivant le cas de dérision, d’humour ou de parodie, par exemple avec un lip dub (Clip utilisant la synchronisation labiale sur une chanson connue) est devenue pour « les politiques » une tribune incontournable.

On a indéniablement là des pratiques nettement plus centrées sur les effets de l’image, que sur la réflexion et l’argumentation et à l’occasion desquelles le décor et la mise en scène deviennent au moins aussi importants que le fond. À ceux qui lui reprocheraient alors de chercher à vendre des idées, pourtant déterminantes pour la société, comme on vendrait un quelconque produit. Plus exactement encore, comme on développerait une marque avec son logo, sa typographie, son slogan, son positionnement, ses valeurs le marketing politique rétorque qu’il ne fait par là que se placer en osmose avec l'opinion dont il respecte la souveraineté.

Dans cette logique, dans « sa » logique, non seulement il conseille ouvertement de ne chercher qu’à plaire mais il prétend simultanément qu’il n'y a pas d'autre vérité que celle du citoyen lorsqu’elle est révélée par les sondages et autres analyses sociologiques. En retenant cette perspective, le marketing politique a beau tenter de répondre à quelque picotement secret d’un reste de conscience, il oublie cependant de considérer une dimension capitale : en démocratie la recherche à tout crin du consensus a pour effet d’économiser la réflexion, de court-circuiter le débat d’idées pourtant si utile à la vie démocratique elle-même. Finalement, on le voit bien ici, le marketing politique ne fait qu’adapter un produit à un marché. C’est tout.

C’est tout et ce n’est pas très brillant. Car, de ce qui précède il peut en effet se dégager le constat troublant que lorsque les sondages ont force de loi, lorsque l'opinion remplace la citoyenneté et lorsque « le politique » ne cherche plus à proposer des programmes, des idées, un projet de société, mais s’applique seulement à dire plus ou moins ce que les gens ont envie d'entendre, il a déjà singulièrement versé dans le populisme. Pire, en répétant les mêmes slogans simplistes, il approche de près la propagande.

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