La taxation des plus-values immobilières des non-résidents est-elle illégale ?

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Par Thierry Bouclier Modifié le 22 mars 2014 à 14h06

La Cour administrative d’appel de Paris a jugé, dans un arrêt du 13 février 2014, que la plus-value immobilière réalisée par un résident suisse ne peut pas être taxée au taux de 33,33%, mais doit l’être à celui de 19%. Cette solution pourrait être étendue à tous les non-résidents et pas uniquement à ceux résidents en Suisse.

Les plus-values immobilières réalisées par les non-résidents domiciliés hors de l’Espace Economique Européen sont imposables au taux de 33,33%, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 15,5%, et éventuellement la nouvelle surtaxe, qui peut s’élever à 6%, soit un taux pouvant atteindre 54,83%.

Autrement dit, ces non-résidents supportent un taux d’imposition de 33,33% contre 19% pour les résidents français.

Toutefois, ce taux majoré est fixé « sous réserve des conventions internationales ».

Or, l’article 15-4 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 prévoit que les plus-values immobilières doivent être calculées dans les mêmes conditions pour les résidents suisses que pour les résidants français.

En d’autres termes, la plus-value immobilière réalisée par un résident suisse devrait être taxée au taux global de 34,5% (19% +15,5%), comme le serait une plus-value réalisée par un résident fiscal français, montant auquel s’ajoute éventuellement la surtaxe.

Le Conseil d’Etat s’étant déjà prononcé en ce sens dans un arrêt du 20 novembre 2013, la Cour administrative d’appel de Paris a donc rendu une décision s’inscrivant dans la continuité de cette jurisprudence.

L’administration fiscale n’a pas encore donné d’instruction quant aux demandes en restitution d’impositions payées en trop par les non-résidents. Toutefois, ceux-ci trouveront dans l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris une nouvelle base pour leur réclamation.

"L’Union Européenne prohibe « toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers »" Thierry Bouclier

Ce sont d’ailleurs tous les non-résidents domiciliés hors de l’Espace Economique Européen, et pas uniquement les résidents suisses, qui, à terme, pourraient contester l’application qui leur est faite du taux de 33,33%.

En effet, ce prélèvement constitue une entrave au principe de liberté de circulation des capitaux posé par le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne qui prohibe « toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers ».

Ce principe communautaire est donc invocable non seulement par les résidents de l'Union européenne, mais également par tout résident d'un Etat tiers.

Ainsi, un résident des Etats-Unis ou du Japon, réalisant en France des plus-values immobilières, pourraient invoquer l’incompatibilité du prélèvement de 33,33% avec le principe communautaire de libre circulation des capitaux.

L’arrêt du Conseil d’Etat du 20 novembre 2013, comme un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 17 octobre 2013, va dans ce sens.

Ainsi, et bien que la question n'ait pas été définitivement tranchée par le Conseil d'Etat s'agissant des Etats tiers, en dehors du cas particulier des résidents suisses, les non-résidents peuvent envisager dès maintenant de former une réclamation contentieuse pour obtenir le remboursement partiel du prélèvement correspondant à la différence entre 19% et 33,33%.

Les non-résidents imposés en 2013 au titre de cessions d'immeubles situés en France devront former leur réclamation avant le 31 décembre 2014.

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Maître Thierry Bouclier est avocat au barreau de Bordeaux, spécialiste en droit fiscal. Docteur en droit, a une activité partagée entre le conseil et le contentieux, tant pour les particuliers que pour les entreprises. Intervient dans tous les domaines de la fiscalité (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, TVA, impôts locaux...) nationale ou internationale. http://www.avocat-bouclier-fiscaliste-bordeaux.fr/