Quelques pistes politiques pour sortir rapidement de la crise des Gilets Jaunes

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 19 mars 2019 à 9h42
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@shutter - © Economie Matin
70 MILLIARDS €Emmanuel Macron pourrait fixer un objectif de 50% maximum du PIB consacré aux dépenses publiques à l?horizon 2022, soit une baisse des dépenses d'environ 70 milliards.

À la faveur de l’arrivée du printemps, la crise des Gilets Jaunes a rebondi, et nous pronostiquons que le printemps lui-même devrait être chaud, voire très chaud pour Emmanuel Macron. Les lignes qui vont suivre proposent des idées pour sortir de la crise sans recourir ni au referendum ni à la dissolution de l’Assemblée Nationale. Elles ne sont évidemment que des embryons... mais...

Le premier conseil que l’on voudrait ici donner à Emmanuel Macron est d’agir vite. Son silence actuel, long, quasi-mutique, est dangereux non seulement pour son mandat, mais pour les institutions elles-mêmes. C’est le silence des gens butés qui sont dans le déni des réalités, et qui s’enferment, s’emmurent, dans leurs certitudes plutôt que de modifier leur conduite.

Nul ne sait où ce silence peut mener le pays et les institutions. Une colère s’exprime depuis quatre mois, il faut désormais y répondre. Le besoin est d’autant plus fort qu’Édouard Philippe ne contrôle plus guère son équipe, désormais criblée de couacs (lire sur ce point nos articles sur le couac des retraites et sur les pesticides).

Oser tout de suite un geste symbolique de reconnaissance

Premier point, il est indispensable, urgent, absolument nécessaire, qu’Emmanuel Macron ouvre un dialogue avec tout le pays, c’est-à-dire aussi avec les Gilets Jaunes. Nul ne sait pourquoi il a, cet automne, renoncé à ce geste (voir ici l’article que nous consacrons aux revirements inexpliqués d’Emmanuel Macron dans la gestion de cette crise, et qui pèsent lourd dans la violence actuelle). Il faut que, dès cette semaine, il reçoive une délégation de Gilets Jaunes et qu’il s’affiche à leurs côtés, pour sortir de la spirale du mépris qui s’est ouverte en novembre, et qui suscite une immense haine chez beaucoup de petites gens.

Transformer les échéances contraintes en opportunité

Dans la foulée de ce geste d’ouverture, Emmanuel Macron doit annoncer un remaniement ministériel. Cette annonce est de toute façon dictée par le calendrier électoral. La campagne pour les européennes obligera à remplacer Nathalie Loiseau, et probablement d’autres ministres (dont Brune Poirson). L’investiture d’un candidat à Paris obligera à remplacer au moins un autre ministre (Benjamin Griveaux ou Mounir Mahjoubi).

La période rend donc naturel un changement d’équipe. Le bon sens commanderait ici d’entamer un virage systémique dans la gouvernance et dans l’orientation économique du gouvernement, en écartant Édouard Philippe et en choisissant une personnalité plus liante.

Les observateurs auront noté que François Bayrou piaffe d’impatience et apporte des idées. S’il n’avait pas quelques ennuis judiciaires sur les emplois fictifs au Parlement européen, il serait un candidat de choix.

Balayer l’escalier de l’État par le haut

Parallèlement, le Président de la République a tout à fait la faculté d’adopter des textes sous sa propre autorité, indépendamment d’un projet gouvernemental construit. Il peut par exemple anticiper une prochaine réforme de l’État balayant l’escalier de la fonction publique par le haut.

En l’espèce, il pourrait faire oeuvre d’exemplarité en fixant à tous les directeurs d’administration centrale de l’État des objectifs financiers et de qualité de service à respecter dans les dix-huit mois. Lorsque le gouvernement serait constitué, une réforme de la fonction publique supprimerait la garantie de l’emploi pour les hauts fonctionnaires. Ceux qui n’auraient pas atteint leurs objectifs financiers (de réduction des dépenses, s’entend), seraient tout simplement licenciés de la fonction publique.

Pour beaucoup de Français, ce geste montrerait que les élites prennent leur part. Il rétablirait la confiance.

Proposer un pacte de liberté et de responsabilité aux Français

Le mouvement des Gilets Jaunes est né du ras-le-bol fiscal. Les Français considèrent qu’ils payent trop d’impôts, et ils ont raison. Pour baisser la pression fiscale, il faut diminuer les dépenses. Avec 57% du PIB « mutualisé » en dépenses publiques, la France est très en-dessous de l’effort consenti par ses concurrents.

Emmanuel Macron pourrait fixer un objectif de 50% maximum du PIB consacré aux dépenses publiques à l’horizon 2022, soit une baisse des dépenses d’environ 70 milliards. Cette baisse interviendrait à hauteur de 20 milliards pour l’État, de 10 milliards pour les collectivités, et de 40 milliards pour la sécurité sociale.

Elle serait permise notamment par une privatisation des hôpitaux publics hors centres hospitaliers universitaires (CHU), qui resteraient une prérogative d’État. Elle serait par ailleurs permise par une sévère cure d’amaigrissement de l’inutile administration préfectorale, qui déléguerait ses fonctions aux collectivités territoriales.

Cette mesure permettrait de supprimer au moins 50.000 emplois en une seule année.

Pour plus de détails, je renvoie à mon papier consacré à la baisse des dépenses publiques.

S’agissant des mesures à prendre pour la sécurité sociale, je renvoie ici à mon papier consacré à la fin du monopole de l’assurance maladie et à la création d’un revenu universel. Dans cette logique, les Français retrouveraient la liberté de choisir certaines dépenses imposées aujourd’hui par l’État, sous le couvert de monopoles coûteux et castrateurs. En ce sens, ils retrouveraient de la respiration fiscale et des responsabilités accrues sur leur propre vie.

Simplifier radicalement la fiscalité

Loin de la résignation frileuse d’un Édouard Philippe qui annonçait ne pas vouloir d’une réforme fiscale systémique (trop compliquée à faire selon lui), il faut désormais s’engager dans une simplification fiscale radicale. Aux centaines d’impôts existants, il faut substituer trois grands impôts simples:

  • un impôt universel sur les personnes physiques, avec deux ou trois taux, mais qui porterait sur tous les revenus et respecterait un bouclier d’imposition maximale de 50% des revenus globaux (y compris pour les travailleurs indépendants, dépenses sociales comprises)
  • un impôt universel sur les entreprises, compatible avec la réforme ACCIS, qui modifierait la logique française actuelle, fondée sur des taux élevés et une assiette restreinte. L’objectif serait que toutes les entreprises paient selon leur capacité.
  • un impôt universel simple permettant de financer les dépenses locales, et sur lequel une grande concertation avec les maires pourraient être lancées. L’objectif incident serait de remettre en cause l’absurde réforme régionale de François Hollande, et de « purger » le mille-feuilles des intercommunalités, qui coûte cher et ne rapporte rien.

Une fois cette simplification pratiquée, l’ensemble DGFIP et URSSAF serait ramené à 50.000 fonctionnaires au maximum.

Nous sommes convaincus que ces grands chantiers auraient de nombreuses vertus. Ils montreraient aux Français que leur ras-le-bol fiscal a été entendu. Il créerait une dynamique collective positive et redonnerait à chacun une envie de France.

Article écrit par Eric Verhaeghe sur son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "