De nombreux analystes affirment le retour de la croissance en zone euro, illustrant par exemple leur propos avec la hausse générale des indices boursiers (accroissement de 18,42 % de l'Euro Stoxx 50 depuis le 1er janvier 2015).
Quatre principaux facteurs font qu'effectivement la situation devrait s'améliorer sur le court terme : le prix faible du pétrole, les taux d'intérêt très bas, la dépréciation de l'euro et le report dans le temps de la réduction des déficits publics. Mais quand ces éléments vont se retourner, il sera très dur de mener une politique économique contra-cyclique, d'où un risque de crise majeure.
Deux cas de figure se dessinent
- Premier cas : le prix du pétrole ne remonte pas d'ici la prochaine récession. En conséquence, il sera particulièrement difficile d'affronter cette dernière. Pourquoi ? Car la politique économique n'aura aucun levier pour l'atténuer. En effet, la politique monétaire est déjà très expansionniste (les taux sont proches de 0 et la BCE a mis en place un QE), et la politique budgétaire sera inutilisable vu les taux d'endettements actuels des Etats (dette publique de la zone euro au 3ème trimestre 2014 : 92,1 % du PIB). Une crise importante pourrait alors avoir lieu.
- Second cas : le prix du pétrole remonte avant la prochaine récession. Les 4 facteurs présentés en introduction se retourneront l'un après l'autre selon le schéma suivant :
Le prix du pétrole
Si le prix du baril de pétrole Brent valait 110 $ il y a un an, il se situe aujourd'hui à 55 $, soit moitié moins. Les pays importateurs de pétrole profitent largement de cette diminution : elle permet de réduire la facture énergétique pour les entreprises (qui accroissent leur marges et peuvent investir plus) et pour les ménages (qui peuvent consommer davantage d'autres biens et services). Ceci est donc globalement bon pour l'économie de la zone euro. Le problème est que cette situation est anormale et sera donc éphémère. En effet, d'après la loi de l'offre de la demande, le pétrole aura tendance à retrouver son prix d'équilibre puisque un prix faible provoque d'une part une baisse de l'offre pour les pays dont les coûts de production sont élevés (on le voit déjà aux Etats-Unis) et d'autre part une élévation de la demande pour les pays importateurs. Le pétrole devrait donc retrouver d'ici quelques années son cours régulier, à savoir aux alentours de 100 $.
Les taux d'intérêts très bas
Cette hausse du prix du pétrole engendrera un retour de l'inflation. Aujourd'hui, si l'inflation est négative dans la zone euro (- 0,3 % en février), c'est principalement à cause du recul du prix du pétrole : l'inflation sous-jacente se situe elle à + 0,6 % en février. La BCE devra donc arrêter son Quantitative Easing (QE) et peut-être même remonter ses taux directeurs puisque son objectif primordial est de maintenir la stabilité des prix. Si le QE s'arrête, il y aura moins de liquidités disponibles pour les investisseurs et la demande en actifs baissera. Les taux d'intérêt vont alors remonter et les primes de risque (sur les dettes des pays de la zone euro, des entreprises et des banques) qui avaient été écrasées par le QE réapparaitront. Par conséquent, les investisseurs qui avaient acquis des actifs pendant la période du QE subiront des pertes massives en capital, d'où un risque de crise financière (il sera par exemple difficile de revendre des obligations d'Etat avec des rendements à 1 % quand les nouvelles obligations proposeront des rendements à 4 %).
La baisse de l'euro
Si les taux d'intérêt sont réévalués, des capitaux vont affluer vers la zone euro. En effet, les investisseurs, qu'ils soient domestiques ou hors zone euro, seront prêts à acquérir des actifs risqués dans la zone euro dès lors qu'ils reçoivent en contrepartie des primes de risque cohérentes. Cet afflux de capitaux fera se réapprécier l'euro et les effets positifs d'un euro faible disparaitront.
Report dans le temps des déficits publics
Les pays qui ne réduisent pas leur déficit maintenant (par exemple, la France s'est engagée à respecter les critères de Maastricht concernant les déficits publics seulement d'ici 2017) devront faire face à des taux d'intérêt élevés ainsi qu'à un retour des primes de risque sur leur dette et il sera encore plus compliqué de les diminuer dans un contexte de récession. La politique budgétaire sera alors inutilisable.
En somme, si la prochaine récession a lieu après la hausse du prix du pétrole, tous les facteurs qui font que la zone euro devrait connaître des taux de croissance soutenus sur le court-terme s'inverseront et la politique économique aura très peu de manettes. La politique budgétaire sera on l'a vu inopérante. Quant à la politique monétaire, la BCE aura au mieux terminé son QE et commencera à relever ses taux, au pire elle sera juste sortie du QE et maintiendra des taux toujours proches de 0 : quoiqu'il arrive, elle ne se retrouvera pas dans les conditions d'avant crise des subprimes, où son principal taux directeur était élevé (taux repo en juillet 2008 avant la faillite de Lehman Brothers : 4,25 %) et où elle avait donc une certaine marge de manœuvre.
Dans les 2 cas présentés ci-dessus, la prochaine récession sera très difficile à contrer, d'où le risque de voir une crise de grande ampleur. La seule solution pour qu'une récession ne se profile pas dans les années à venir serait que les fondamentaux économiques repartent sur des bases solides. Mais lorsqu'on regarde dans la zone euro l'évolution des investissements productifs, des carnets de commande des entreprises industrielles, la croissance potentielle et le chômage, on voit difficilement comment l'embellie actuelle est susceptible de durer.