Méconnu du grand public, Patrick Drahi, patron de Numericable, attise aujourd’hui l’attention. La faute à des introductions en bourse (réussies) et à son appétit (considérable) pour les affaires. Ambitieux et iconoclaste, ses nombreux succès s’enchainent à un rythme soutenu et effacent ses échecs, au point de devenir aujourd’hui l’un des géants du câble et du très haut débit. Portait.
De Patrick Drahi, on ne connaissait que fort peu de choses. Il aura fallu l’introduction en bourse de Numericable en novembre dernier, puis celle d’Altice, sa holding, prévue pour le 31 janvier prochain, pour remédier quelque peu à cette absence entretenue de notoriété. Car Patrick Drahi n’a que faire de la médiatisation. Son truc, c’est les affaires.
Diplômé de Polytechnique, promotion 1983, il intègre d’abord Phillips. Dans l’austérité d’Eindhoven, il est chef de produit, chargé d’un récepteur pour la télévision par satellite. De cette première expérience, Patrick Drahi ne gardera que la confirmation de son appétence pour les télécoms, domaine dans lequel il a tout de même un doctorat d’optique. Cependant, le salariat n’est pas pour lui. « Je ne supportais pas l’autorité », explique-t-il au Point. « Je suis un entrepreneur ». Le mot est lâché.
Dès lors, peu importe les risques et les dettes, Patrick Drahi a ses projets et sa vision : le câble. A l’époque, en dépit des investissements du Gouvernement pour couvrir les grandes villes, l’engouement n’est pas au rendez-vous. L’actuel actionnaire majoritaire de Numericable commence la conquête du marché par le Sud-Est. « Je vendais mon abonnement 79 francs pour 40 chaines. Mais surtout, j’avais câblé les HLM et j’ai été le premier à mettre les chaines arabes sur le câble en France », se rappelle Patrick Drahi.
Au tournant des années 2000, Patrick Drahi vend ses réseaux câblés au Néerlandais UPC juste avant l’éclatement de la bulle Internet. Les 40 millions d’euros empochés dans l’opération lui serviront à reconquérir un marché effondré. En 2001, il crée Altice, holding de droit luxembourgeois, et, associé aux fonds Cinven et Carlyle, il se lance dans une série d’acquisitions. Rapidement, Noos, Numericable, FT Câble et Completel sont avalés. « Je me souviens de l’association des opérateurs historiques du câble. Il y avait France Télécom, la CGE, EDF, Canal+, Suez, la Caisse des Dépôts… Ils nous regardaient de haut au début. Ils nous mettaient des bâtons dans les roues… Je les ai tous rachetés ! », conclut Drahi.
La suite est légèrement plus connue. L’épisode Noos est un échec et la marque est abandonnée. A l’inverse, le développement de Numericable pour les particuliers et de Completel pour les professionnels sont des succès. Au total, ces deux entités réalisent un chiffre d’affaires d’1,3 milliard d’euros. En outre, Patrick Drahi s’est lancé au moment opportun dans la fibre optique et domine aujourd’hui largement ses concurrents concernant le nombre d’abonnés.
Plus à l’aise dans l’ombre que dans la lumière, le patron d’Altice ne peut désormais plus faire l’économie d’une certaine notoriété. Fin 2013, l’introduction en bourse de Numericable est une réussite : avec plus de 650 millions d’euros levés, il s’agit même de la plus importante opération boursière française depuis 2009. De plus, en janvier, Altice, dont l’introduction en bourse à Amsterdam est imminente, a été autorisé par l’Autorité de la concurrence à prendre le contrôle exclusif de Numericable, dont il était déjà le principal actionnaire.
« Sa vision de long terme se combine à un sens du timing exceptionnel. Il parvient à vendre et à acheter au bon moment », explique un financier. Et ça n’est probablement pas prêt de s’arrêter. Depuis quelques semaines, la presse fait grand bruit d’une possible acquisition de SFR. Info ou intox, il est encore trop tôt pour le dire. Toutefois, une telle fusion aurait de quoi bénéficier aux deux parties, qui pourraient mettre en commun leurs abonnés et partager les investissements dans la fibre optique. En ligne de mire, déloger Iliad et Xavier Niel de leur place de numéro 2 de l’ADSL et du très haut débit. « Tant que je gagne, je joue », résume simplement Patrick Drahi.