Le pass numérique : la fausse bonne idée du gouvernement ?

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Par Fabrice Remy Publié le 16 septembre 2018 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
50%Plus de 50% des Français estiment que les progrès technologiques vont faire disparaître de nombreux métiers.

Depuis hier, les Français ont la possibilité de faire la demande d’un Pass Numérique avec de 10 à 20 heures de formation.

Ce pass, d’une valeur de 50 à 100 euros, doit permettre au plus grand nombre de lutter contre la fracture numérique dont souffre le pays. Avec plus de 20 % de la population qui se dit mal à l’aise avec les outils numérique, l’idée semble avoir du sens, à la base... 100 millions d’euros pour former 13 millions de personnes, en somme, moins de 8 euros par personne ? « C’est un peu court jeune homme »...

Et cette formation doit donc sensibiliser aux nouveaux outils numériques et permettre déjà de découvrir les usages fondamentaux du quotidien : utiliser un ordinateur pour chercher un emploi, faire ses courses ou gérer ses affaires administratives.... ?

Aujourd’hui, plus d’un Français sur deux* estiment que les progrès technologiques vont faire disparaître de nombreux métiers. 36% d’entre eux indiquent même que pour eux l’automatisation des tâches représente une des plus importantes menaces qui pèsent sur notre monde. Quand on sait que près d’un tiers des français actifs redoutent d’être un jour remplacés par des robots, on mesure mieux le niveau d’inquiétude et la fracture numérique dans le pays.

Au-delà de l’effet d’annonce et des chiffres impressionnants autour du budget alloué, plusieurs questions se posent sur le projet au regard de son objectif premier : réduire la fracture numérique et, en toile de fond, préparer les français aux mutations du marché de l’emploi. Face à cette mutation profonde impliquée par l’arrivée de l’intelligence artificielle, il est légitime de se demander si Le Pass Numérique n’est pas en train de camoufler une fracture bien plus béante que celle qu’on imagine, qui nécessite une politique de formation et d’accompagnement des entreprises bien plus ambitieuse ?

La fracture numérique ne se traduit plus par un découpage manichéen du monde, plaçant les personnes qui utilisent Internet tous les jours ou toutes les semaines d’un côté et les personnes frappées « d’illectronisme » de l’autre côté. La révolution que nous vivons est bien plus profonde que cela. Elle est en train de modifier structurellement notre écosystème, induisant une mutation du monde du travail qui oblige les entreprises à repenser complètement leurs stratégies de recrutement, d’évolution de carrière et de formation. Si le principe d’une remise à niveau générale pour celles et ceux qui en ont besoin n’est pas critiquable, en revanche l’affichage d’un objectif aussi ambitieux que la réduction de la fracture numérique est peu crédible aux regards des transformations en cours dans l’univers professionnel.

On peut se demander, si un pass à 50 € pour les 23 % de Français qui ne sont « pas à l’aise avec le numérique » ce n’est comme si, à l’époque de l’avènement de l’automobile, nous aurions formé les personnes à démarrer la voiture sans leur apprendre à conduire par la suite. A l’heure où plus de la moitié des métiers qui seront exercés en 2030 ne sont pas encore connus aujourd’hui, il est évident que le concept même de formation est bouleversé conduisant les entreprises à ne plus former leurs collaborateurs à apprendre de nouvelles compétences mais à leur apprendre à apprendre ce qui n’existe pas encore.

*Etude Opinion Way (janvier 2018) réalisée pour ANEO auprès d’un échantillon de 1038 personnes.

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Directeur Associé chez ANEO, Fabrice Rémy accompagne les entreprises dans le pilotage de projets de transformation digitale. Il travaille également auprès des grands groupes et ETI sur des projets d'implémentation de la culture d'innovation.