Euro : parité inévitable face au dollar ?

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Par Alexandre Baradez Publié le 13 mai 2015 à 4h19
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1000 MILLIARDS €La BCE a lancé un programme de rachats d'actifs historique de 1000 milliards d'euros.

Après avoir dévissé de 1.4000$ à moins de 1.0500$ entre mai 2014 et mars 2015, l’euro a entrepris une phase de rebond à proximité des 1.1400$ au bénéfice de statistiques économiques américaines mitigées et d’une amélioration progressive de la situation économique en zone euro.

Mais l’euro peut-il sur ces éléments, potentiellement transitoires aux Etats-Unis, entreprendre une nouvelle phase de hausse durable et s’éloigner de la parité ? Cela semble peu probable…

Il y a tout d’abord la question des divergences de politiques monétaires Europe/Etats-Unis. Alors que les membres du FOMC cherchent à faire converger leurs points de vue sur la date du premier relèvement de taux de la FED, la BCE s’est lancée dans un programme d’achat d’actifs (QE) de grande ampleur jusqu’en septembre 2016, visant à ramener la hausse des prix vers l’objectif de 2%. Ce qui se traduit par 60 milliards d’euros d’achats tous les mois qui viennent gonfler le bilan de la BCE. Mario Draghi a indiqué il y a quelques mois qu’il souhaitait faire évoluer la taille du bilan de la banque centrale vers les niveaux de 2012 (soit près de 3100 milliards d’euros) alors que ce bilan n’est « que » de 2370 milliards d’euros à l’heure actuelle. Il reste donc encore une marge d’évolution de près 700 milliards d’euros pour revenir sur ces niveaux…

Même si le marché a déjà en partie « pricé » le lancement du QE de la BCE, traduit par la baisse sensible de la devise européenne face au dollar en 2014 et début 2015, il va suivre avec attention l’évolution des prix en zone euro. Les derniers chiffres ont montré une stabilisation de l’inflation en avril après avoir évolué plusieurs mois en territoire négatif. La trajectoire de l’inflation depuis février (inflation négative) se redresse et tente de basculer en territoire positif, aidée en cela par la remontée des prix de l’énergie et la reprise progressive de la situation économique en zone euro. Mais cette remontée, aussi intéressante soit-elle, ne devrait pas permettre d’infléchir durablement la trajectoire de la devise européenne face au dollar.

En effet, alors que la BCE met en application son QE depuis mars seulement, outre-Atlantique la FED a déjà arrêté son troisième programme d’assouplissement quantitatif en octobre et s’est efforcée de modifier sa « forward guidance » pour préparer les marchés à une remontée de taux. Le ton des communiqués évolue régulièrement en ce sens même si l’incertitude sur la date de premier relèvement persiste. Car au-delà de ce premier relèvement, c’est bien le rythme et l’ampleur des relèvements suivants que le marché cherche à anticiper…la FED se contente de rappeler que l’évolution des taux dépend des données économiques mais même si elles sont relativement mitigées au premier trimestre 2015 en raison notamment de certains facteurs que la FED considère comme transitoires (comme le climat par exemple).

L’évolution du marché de l’emploi depuis plusieurs mois (les inscriptions au chômage moyennées sur 4 semaines sont retombées à leur plus bas niveaux depuis 2000 avec un taux de chômage désormais à 5.4%) ou encore l’évolution des salaires (salaire horaire moyen +2.2% en avril /annuel) mais aussi celle des prix, certes modeste mais freinée par l’évolution des prix de l’énergie, devraient laisser suffisamment de marge à la FED pour remonter ses taux au 2ème ou 3ème trimestre 2015. Cela sans pour autant freiner la croissance (la FED anticipe toujours une évolution du PIB avoisinant les 3% sur les 2 prochaines années).

Les derniers chiffres de l’emploi américain (créations d’emplois non agricoles) pour avril semblent confirmer une reprise au 2ème trimestre après la contre-performance économique du 1er trimestre.

A l’heure où la BCE reste focalisée sur l’expansion de son bilan, la FED réfléchit non seulement au relèvement des taux mais également au devenir des actifs stockés dans son gigantesque bilan de près de 4500 milliards de dollars. De quoi alimenter encore quelques temps l’appétit pour le dollar…

Plusieurs membres de la FED, dont la présidente Janet Yellen, se sont récemment inquiétés de la valorisation de plusieurs actifs financiers dont les actions. Continuer à maintenir une politique monétaire accommodante encore longtemps reviendrait à créer l’environnement favorable à la formation de bulles, risque que la FED devrait chercher à éviter en pilotant sa politique monétaire pour ramener un peu de volatilité sur les marchés et alimenter la mise en place de corrections sans toutefois risquer une chute brutale du prix des actifs. Une première remontée de taux créerait l’environnement idéal pour ce scénario…

Le différentiel de croissance Europe/Etats-Unis devrait également entretenir ce scénario d’une poursuite de la hausse du dollar à moyen terme. La zone euro, malgré sa situation de reprise économique, reste une des zones développées avec la croissance la plus faible. Les devises respectives devraient donc continuer à traduire ce delta de performance.

Enfin, même si la reprise européenne devrait accélérer dans les mois qui viennent avec un environnement macroéconomique favorable (pétrole bas, euro faible, taux faibles malgré remontée récente, plan d’investissement européen Juncker et QE de la BCE favorisant la reprise du crédit en zone euro), l’Europe reste évidemment soumise dans les semaines qui viennent à plusieurs incertitudes susceptibles de peser sur la devise commune. La Grèce qui voit le risque de liquidité augmenter jour après jour, avec une ultra dépendance à la BCE à court terme, et dont le calendrier de remboursement va se densifier jusqu’à cet été, pourrait sur un incident de paiement porter un coup à la reprise de l’euro face au dollar depuis quelques semaines.

La crise économique et financière grecque est également doublée d’une crise politique au niveau européen. Avec une difficulté très claire de la gauche radicale à imposer ses « lignes rouges » à des créanciers qui s’impatientent et qui voient le pays se rapprocher de la Russie dans le cadre de projets liés à l’énergie, pouvant potentiellement permettre le déblocage de financements, au moment même où l’Europe se refuse à lever toute sanction contre la Russie tant que les accords de Minsk ne seront pas respectés…

L’instabilité de la situation entre la Grèce et la troïka reste un risque baissier pour l’euro à moyen terme. Toujours au Sud, la situation politique en Espagne, même si Podemos recule dans les sondages, peut devenir un peu plus volatile à l’approche d’échéances électorales. Enfin, la victoire écrasante des conservateurs au Royaume-Uni laisse clairement entrevoir l’ouverture de négociations avec l’UE sur les conditions du maintien de Londres dans l’UE. La Commission Européenne a rapidement réagi en rappelant les quatre libertés fondamentales (libre circulation capitaux, personnes, biens et services) même si des aménagements mineurs restent toujours possibles.

Ce contexte monétaire, économique et politique est susceptible de créer les conditions d’une poursuite de la baisse de l’euro face au dollar avec comme objectif la parité.

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Diplômé de l’ESCE (Ecole Supérieure de Commerce Extérieur), Alexandre Baradez débute sa carrière chez EBG FINANCES en 2003 en tant que consultant spécialisé en défiscalisation immobilière. Il intègre le département Gestion Privée de BNP PARIBAS en 2005 où il assure la gestion et le suivi d’un portefeuille de 400 clients. En 2008, il rejoint Banque Robeco Gestion Privée où il a en charge la gestion d’un portefeuille de 650 clients. Il délivre un conseil sur OPCVM, la constitution et la gestion d’un patrimoine en exploitant l’actualité macro et micro-économique. En octobre 2009, il rejoint Saxo Bank en tant que Sales Trader et devient en 2011 Analyste Marchés de la banque dont il est l’interlocuteur privilégié auprès des medias français. Aujourd'hui, Alexandre Baradez est Responsable Analyses Marchés chez IG France.

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