A l’origine du mal, la facilité

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Par Simone Wapler Publié le 12 mai 2019 à 7h14
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Le système d’argent gratuit - le créditisme - a corrompu le capitalisme, l’économie réelle, la politique et les électeurs, c’est-à-dire nous.

Terminons ici le fil doré de mes 20 ans de chroniques.

L’ère de l’argent gratuit, instaurée depuis 1971, est la racine de toutes les crises financières qui se succèdent depuis 20 ans – et de celle qui ne tardera pas à se produire.

Mais l’argent gratuit n’a pas corrompu que l’économie. Il a aussi corrompu la politique et les électeurs.

Le créditisme a conduit à la financiarisation de l’économie. Les entreprises produisent pour des clients insolvables. Ces clients payent avec de l’argent gratuit distribué par leur gouvernement. Les ressources sont gaspillées.

De nombreuses entreprises elles-mêmes insolvables survivent grâce au créditisme. Un récent rapport de Bank of America Merril Lynch estime à 536 le nombre d’entreprises zombies cotées dans le monde, soit 13%(1).

Ces entreprises sont incapables de rembourser leurs emprunts par les profits qu’elles dégagent. Elles se contentent d’emprunter à nouveau, à un taux plus bas, pour se refinancer. Ces zombies emploient des gens, consomment de l’énergie, utilisent des machines, des services pour des activités non rentables. C’est exactement l’économie de l’URSS.

La dette mondiale atteint 250 000 Mds$, soit 3,2 fois le PIB mondial, un niveau inédit. La plupart des pays riches sont endettés comme en temps de guerre alors que nous sommes en temps de paix et prétendument dans un cycle de reprise économique. Les dettes publiques se montent à 65 000 Mds$(2).

65 000 Mds$ de corruption

Ces 65 000 Mds$ de dettes publiques matérialisent la corruption politique.

Avant le créditisme, un gouvernement ne pouvait pas distribuer de l’argent gratuit. Soit l’inflation finissait par remettre les pendules à l’heure, soit les taux d’intérêt montaient vertigineusement, dissuadant tout recours à l’emprunt.

Avec le créditisme, les belles promesses politiques se financent à taux zéro ou presque sans avoir à faire les frais d’une révolte fiscale.

A ce stade, cher lecteur, je vais quitter le monde de la finance pure pour dériver vers celui de la politique.

L’État n’investit pas. Ce n’est pas dans sa nature. Le rôle de l’État est d’abord de remplir ses missions légitimes – police, justice, armée, diplomatie. Ces missions protègent les droits naturels de chacun : liberté, propriété, sûreté et résistance à l’oppression. Elles sont déléguées à l’État car elles ne peuvent être rentable.

Les gens s’accordent en général pour dire qu’il vaut mieux que police, justice, armée et diplomatie ne soient pas des activités lucratives. C’est un consensus, comme on dit de nos jours, validé par l’Histoire.

C’est seulement ces missions légitimes qui sont du ressort de l’intérêt général et il est normal qu’elles soient financées par nos impôts.

Le mensonge de l’investissement public

Lorsque l’État prétend « investir » en dehors de ses missions légitimes, c’est un mensonge. Il dépense de l’argent et il n’y a jamais retour sur investissement. En France, l’État s’endette depuis 1974, la dette grossit depuis 45 ans, preuve que le retour sur investissement n’est jamais au rendez-vous.

A chaque fois que l’État outrepasse ses fonctions légitimes, il ne sert plus l’intérêt général. Il sert des intérêts particuliers et un système de corruption se met alors en place.

Prenons un exemple économique. Chacun de nous est consommateur. L’intérêt général est donc celui du consommateur. La production en revanche est spécialisée. Chaque producteur a donc des intérêts particuliers. Lorsque l’État subventionne un producteur ou un secteur, il sert des intérêts particuliers en détournant l’argent de nos impôts ou en s’endettant.

C’est le capitalisme de connivence qui s’instaure et non plus la concurrence honnête. Ceci a toujours existé mais il y a désormais une corruption encore plus profonde.

Le financement de la corruption par la dette publique

Autrefois, le système de corruption publique se finançait par l’impôt, par de l’argent existant. Si les impôts augmentaient trop, une révolte fiscale se chargeait de remettre l’État à sa place.

Maintenant, le système de corruption se finance par la dette publique, par l’argent du futur. Si l’on admet que la dette publique sera remboursée un jour, ce sont les générations suivantes qui acquitteront ce qui n’est qu’un stock d’impôts. Nous sommes donc dans un système où il y a taxation sans représentation des générations futures.

La taxation sans représentation est le système le plus injuste qui soit, c’est le pillage de la propriété privée.

Comment nos impôts sont dévoyés

Il y a encore plus grave. La France est championne du monde de la fiscalité et dans le peloton de tête de la dette publique.

Sur 1 000 € de dépenses publiques, moins de 120 € sont dévolues aux missions légitimes de l’État(3). Les « dépenses sociales », la redistribution envers les citoyens, représentent 575 € ; les « dépenses sectorielles », autrement dit la redistribution à des entités (entreprises, éducation, recherche), représentent 262 €.

Nos impôts et notre dette publique financent en réalité des « projets de société » qui n’ont rien à voir avec l’intérêt général, des lubies de politiciens professionnels, des utopies égalitaristes conduisant à un lamentable nivellement par le bas.

Si la distribution est injuste, c’est le cadre légal qui permet cette distribution injuste qu’il faudrait revoir : le capitalisme de connivence, les distorsions de concurrence pour satisfaire tel ou tel lobby.

Si la distribution est équitable, qu’elle récompense le talent, le travail… quelle est la raison qui justifie l’interférence de l’État ? Pourquoi ne laisse-t-on pas les gens s’enrichir, aller jusqu’au bout de leur potentiel ?

Pourquoi la politique échappe-t-elle à la généralisation des meilleures pratiques ?

La politique est un service comme un autre. Ce service consiste à assurer au mieux les fonctions légitimes de l’État. Comme pour toute activité, la généralisation des meilleures pratiques devrait être la règle.

Comment font les autres quand ils font mieux que nous ? Pourquoi ne pas s’inspirer de leurs solutions ? Pourquoi nos politiciens professionnels ne posent-ils pas les problèmes en ces termes ? D’autres pays ont résolu la question du chômage de masse, de la dégradation de l’enseignement, de l’équilibre des retraites, etc. Ils sont plus prospères que nous.

Pourquoi nos politiciens préfèrent-ils distribuer de l’argent gratuit plutôt que de nous proposer ce qui marche ailleurs et pourquoi acceptons-nous, nous-mêmes, cet argent gratuit ou sa distribution ?

Par corruption, par facilité.

Le choix de la facilité finit toujours par se payer très cher. L’argent gratuit n’existe pas. Ce qui a été pris au futur se paiera.

La prochaine fois qu’un politicien vous promettra une « niche », une subvention, une réduction d’impôts sans réduction de dépense publique, des lendemains merveilleux grâce à son jus de crâne, dites-lui que vous n’acceptez pas la corruption.


Pour plus d’informations de ce genre, c’est ici et c’est gratuit

(1) https://edition.cnn.com/2019/03/31/investing/stocks-week-ahead-zombie-companies-debt/index.html

(2) https://www.iif.com/Research/Capital-Flows-and-Debt/Global-Debt-Monitor

(3) https://www.economie.gouv.fr/fiscalite-et-depenses-publiques

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.

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