La mer, l’avenir en bleu

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Par Bernard Planchais Publié le 14 juin 2016 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
70 %La mer représente 70 % de la surface de la planète.

L’actualité de ces derniers jours se concentre sur la Loi Travail, les manifestations qu’elle engendre et les mouvements de grèves qui bloquent le pays. Une fois de plus nous donnons une image négative de notre pays, non seulement au monde mais aussi à nous-même. Il n’est donc pas étonnant de sentir un certain désenchantement de la part des Français à propos de leur avenir.

L’affichage d’une vision à long terme, positive et mobilisatrice, en particulier pour les jeunes, s’impose. Et nous avons tous les atouts pour écrire cet avenir en bleu et non en noir. En effet, il existe une partie de notre monde, la plus importante mais aussi la plus méconnue, qui pourrait redonner espoir et confiance en l’avenir. Et cette partie, c’est la Mer. Encore peu exploitée, elle peut être à l’origine d’un nouveau dynamisme à la fois économique et écologique de notre pays. La Mer, qui représente 70% de la surface de la Terre, est au cœur des enjeux des 9 milliards d’êtres humains qu’elle devra faire vivre décemment en leur permettant de travailler, de se nourrir et de se soigner.

Les richesses de la Mer à conquérir !

La Mer, ce n’est pas que des souvenirs de vacances à la plage, les difficultés des pêcheurs ou les succès récents des constructeurs de paquebots ou de sous-marins. La Mer, c’est bien plus que cela… La Mer, c’est le lieu de formidables développements rendus possibles avec les technologies du XXIème siècle. Pour exemples, l’aquaculture permet déjà de produire 55% de la production mondiale de poissons. Demain, les algues constitueront une part significative de l’alimentation. Par ailleurs, les biotechnologies marines apportent des solutions nouvelles dans les domaines de la santé, comme dans la lutte contre le cancer, et de la cosmétique. La Mer, c’est non seulement 30% des réserves mondiales de pétrole et de gaz mais aussi de nouvelles formes d’énergie propre, les EMR (énergies marines renouvelables). C’est également un vaste champ d’exploration pour des minerais, en particulier les métaux rares indispensables au développement de l’industrie électronique.

La Mer, c’est un nouveau territoire à occuper, avec un nouveau modèle de développement qui prend en compte, avec une grande attention, les enjeux climatiques. Face à l’augmentation de la population dont la moitié vit aujourd’hui à moins de 100km du rivage, de plus en plus de pays se tournent vers la Mer pour installer des activités économiques : après les plateformes pétrolières, bientôt verrons-nous des ports flottants, futures zones industrielles. La sédentarisation de l’homme en mer est en marche et ne s’arrêtera pas !

La Mer a donc une place essentielle dans nos vies. Le secteur maritime représentait, en 2011, un chiffre d’affaires mondial de 1 500 milliards de dollars, ce qui le plaçait en deuxième position derrière l’agroalimentaire. Dans son rapport de 2016, l’OCDE prévoit que l’activité maritime doublera pour atteindre, en 2030, 3 000 milliards de dollars, constituant l’un des secteurs en plus forte croissance.

Quelle place pour la France ?

La France a tous les atouts. Nous possédons la deuxième zone exclusive économique (ZEE) mondiale sur tous les continents et au bord de quasiment toutes les mers du monde. D’une surface de plus de 11 millions de km2 dont la moitié se trouve dans le Pacifique, la ZEE française se positionne après celle des Etats-Unis. De plus, la France a une économie maritime qui représente 70 milliards d’euros d’activité, plus de 300 000 emplois et une des rares marines militaires à disposer d’une capacité d’intervention sur et sous toutes les mers. Par ailleurs, nos Outre-mer français sont autant de bases avancées dans cette conquête, non seulement pour les richesses de leurs zones maritimes mais aussi pour leur position stratégique au milieu des mers et le long des voies maritimes.

Prenons l’exemple du commerce mondial dont 90% transite par la mer. Son accroissement a pour conséquence l’augmentation de la taille de certains navires dont l’accès est limité à quelques ports. Ainsi la création de hub portuaire dans lesquels ces grands navires transfèrent leur chargement vers des navires de taille plus modeste devient une nécessité pour continuer à desservir la plupart des ports incapables d’accueillir ces monstres marins. Il devient alors possible de rêver à transformer certains de ces DOM/TOM en nouveau Singapour, grand hub portuaire de l’Asie.

Mais la France a des handicaps qui ralentissent le développement de son économie maritime. C’est, d’abord, la complexité administrative. Pendant que d’autres pays avancent, nous constituons de volumineux dossiers et nous nous battons pour obtenir des avis et quelques fois des décisions. C’est aussi un manque de connaissance du milieu maritime et de ses enjeux par la plupart des décideurs politiques et économiques, malgré le remarquable travail du Cluster Maritime Français. Le retard le plus flagrant reste dans le secteur des EMR. Alors que le Royaume Uni a déjà installé 5 GigaWatt (l’équivalent de 3 EPR), la France n’a pas encore démarré d’installations industrielles. La Chine, quant à elle, a bien compris ces enjeux en faisant de l’économie maritime la priorité de son 12° plan stratégique qui vient de se terminer en 2015 et dont le relais est pris par le 13° plan, et en y investissant des dizaines de milliards de dollars.

Si nous ne voulons pas rater cette formidable opportunité de laisser à nos enfants un avenir plus bleu que celui qu’ils voient dans les média et dans leur vie quotidienne, il est urgent de réagir. Ne laissons pas d’autres exploiter la Mer, en particulier l’immense partie qui nous appartient à nous, Français. Il nous faut, pour cela, partager la même vision stratégique à tous les niveaux y compris au plus haut niveau de l’Etat car la Mer n’est pas un enjeu droite/gauche. Ce n’est pas de nouveaux budgets dont nous avons besoin mais d’une vision à 30 ans voire 50 ans qui donnera confiance pour agir dans le temps présent. Avec cette vision partagée, les énergies se libèreront.

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Ancien élève de l'école polytechnique, Bernard Planchais a occupé de nombreuses fonctions dans le domaine de la défense navale. Il a notamment était directeur général délégué du groupe DCNS, ou il y a animé sa transformation d’administration en société de droit privé, le rapprochement avec Thalès France, et engagé le développement de nouvelles activités dans le domaine des énergies marines renouvelables.