Aux Etats-Unis, le National Bureau of Economic Reserach (NBER) vient d'officialiser l'entrée de l'économie en récession en mars dernier. L'information vaut plus qu'un simple haussement d'épaule. Le NBER pointe trois choses importantes pour les marchés : des caractéristiques et une dynamique très différentes des épisodes précédents, une chute de l'activité à la profondeur inhabituelle et la brièveté probable du mouvement. On pourrait ajouter que le retournement économique touche une proportion extrêmement élevée, et jamais observée, de pays autour du globe.
Il faut aussi noter que l'épidémie de COVID-19 continue de se développer dans le monde émergent hors Chine et que les tensions commerciales entre les Etats-Unis et l'Europe semblent réapparaître.
Sur les marchés, on a mis de côté la question de l'épidémie de coronavirus, au titre d'une situation bien améliorée en Europe continentale et en voie d'amélioration au Royaume-Uni et en Amérique du Nord. Avec, au final, une sortie du confinement qui permet le redémarrage de la croissance économique. Comment ne pas cependant remarquer que cet ensemble ne pèse qu'un peu moins de 50% de l'économie mondiale. Quid de l'autre « grosse » moitié ? On sait que la Chine est en avance sur l'Europe dans ce processus de reprise (15% du total). Que se passe-t-il dans le reste du monde émergent ? En fait, les pays concernés apparaissent comme la dernière étape de la diffusion du COVID-19. Leur part dans le nombre mondial de nouveaux cas (selon notre échantillon) est passé de 18% à la mi-avril à 40% à l'heure actuelle.
Dans nombre de ces pays, le pic de la maladie n'est probablement pas atteint. De plus, il est possible que tous les malades ne soient pas comptabilisés. Avec quelles conséquences sur le calendrier d'évolution de la crise sanitaire et par-delà sur celui de la réouverture de l'économie ? Ces points ne doivent pas être oubliés. En fait, davantage de soutien des pays riches permettrait de créer une meilleure visibilité et de rassurer sur la conjoncture locale et, par ricochet et au moins en partie, mondiale. Y aura-t-il une petite part de leurs plans de relance réservée à cela ? Il faut en la matière remarquer que l'essentiel des mesures de relance est pour le moment logé dans les pays développés, pas les émergents ; disons, en suivant une estimation de la banque UBS, 3/4 versus 1/4.
Passons de la réalité observée à sa stylisation ; l'effort de conceptualisation servant à analyser et donc à plus facilement anticiper. Aux Etats-Unis, le Comité de datation des cycles conjoncturels du National Bureau of Economic Research (NBER) vient d'annoncer que l'économie du pays était entrée en récession en mars de cette année(ou, sur une base trimestrielle, en T1 2020). La belle affaire ; peut-on avoir envie de dire. Comme si on ne l'avait pas deviné ! Essayons toutefois d'aller au-delà du « haussement d'épaule » et insistons sur quelques points de diagnostic qui font sens pour les marchés. D'abord et bien sûr, ce retournement a des origines différentes des précédents. L'épidémie et la réponse apportée donnent à celui-ci des caractéristiques et engendrent une dynamique, les deux tout à fait différentes de ce qui a été observé auparavant. Ensuite, il se pourrait bien que l'épisode récessif soit particulièrement court. De fait, si on en croit une vue très consensuelle, le retour de la croissance en territoire positif interviendrait dès le troisième trimestre de cette année. Il n'empêche que la violence de la baisse aura été historiquement exceptionnelle.
Enfin, s'il est possible d'apporter un complément au communiqué du NBER, il faut remarquer que presque tous les pays du monde enregistreront une croissance économique négative cette année ; 93% d'entre eux, dixit la Banque Mondiale. Une fois encore, l'épisode en cours est historique.
Une conclusion paraît s'imposer : on manque de références pour se projeter dans l'après la crise exceptionnelle traversée à l'heure actuelle. Attention à ne pas se perdre dans cette nouvelle terra incognita que nous sommes tous en train d'explorer. Certaines des pistes suivies par l'investisseur apparaitront comme des impasses.
Changeons de sujet et ré-ouvrons le dossier des tensions économiques et commerciales. Sur la période récente, c'est le couple sino-américain qui est sur le devant de la scène. On en a beaucoup parlé. Il est à craindre que l'attention se porte aussi sur la dispute entre les Etats-Unis et l'Europe. Dans une ambiance diplomatique lourde, avec une Allemagne qui a l'impression que la Maison Blanche essaie de l'affaiblir par rapport à la Russie (pour faire simple), le Président Trump fait ressurgir la menace d'une sur-taxation des voitures européennes importées et la Commission de Bruxelles arrive à la conclusion qu'aucune « paix » ne pourra être signée sur le dossier aéronautique avant l'élection présidentielle américaine de novembre prochain. Cela signifie qu'en juillet, après la condamnation des Etats-Unis par l'Organisation Mondiale du Commerce au titre des aides apportées à Boeing, l'Europe augmentera certains de ses droits de douane. Avec quelle réaction de Washington ?
Finissons par rappeler que c'est ce soir que la Fed américaine livrera les conclusions de son comité de politique monétaire. On le devine, aucune décision forte ne serait annoncée, qu'il s'agisse du niveau du taux directeur ou des programmes d'achat de titres ou de soutien au crédit bancaire. Comme on le disait lundi, il faudra être attentif à quatre points :
· Les perspectives économiques dressées : un prudent optimisme devrait dominer ;
· La forward guidance (guidage prospectif) : sera-t-elle précisée avec soit des éléments de calendrier, soit des cibles en matière de chômage et d'inflation ? Peut-être ;
· Les prévisions : elles ne devraient pas être très différentes du consensus ;
· La trajectoire attendue du taux des fonds fédéraux : sans doute pas de hausse d'ici à fin 2022.