Après la tragédie de Notre-Dame lundi, les cartes politiques ont été violemment rebattues comme elles le sont rarement dans une démocratie institutionnelle. La stratégie d’Emmanuel Macron pour sortir du Grand Débat s’est écroulée comme un château de carte. Un rare moment d’unité nationale a suspendu le cours de la campagne électorale et de la contestation des Gilets Jaunes. Mais tout laisse à penser que ce suspens touche à sa fin et que les exaspérations intérieures pourraient redonner de la voix. Emmanuel Macron n’a pas prévenu d’intervenir avant la fin de la Semaine Sainte. Nul ne sait si ce pari sera gagnant ou pas. Tout peut basculer ce week-end, dans un sens comme dans un autre.
Malraux avait annoncé que le vingt-et-unième siècle serait religieux ou ne serait pas. Et les événements commencent à lui donner raison! Jamais une Semaine Sainte, jamais un Week-end pascal n’avait eu une telle importance dans la vie politique de la République.
Après Notre-Dame, Macron respecte la semaine sainte
Emmanuel Macron a annoncé qu’il reportait à mardi prochain l’intervention qu’il avait initialement programmée lundi dernier. L’incendie de Notre-Dame l’a en réalité forcé à surseoir, et assez curieusement il a choisi de s’exprimer après la Semaine Sainte. C’est probablement la première fois qu’une tradition catholique dicte autant son tempo à la classe politique républicaine.
Macron nous avait parlé d’un monde nouveau. On est en réalité revenu, par la force des choses, pour ainsi dire naturellement, à un monde bien plus ancien qu’on ne le pensait, qu’on ne l’aurait imaginé.
Au fond, le deuil catholique s’est imposé, même aux laïcards qui voient dans Notre-Dame bien plus qu’un symbole chrétien. Après les affaires Barbarin et autres, l’Eglise a repris sa place en France.
Dons à Notre-Dame : un pays toujours en colère
Mais la trêve partisane qui s’est imposée durant la Semaine Sainte a un champ limité. La vivacité des polémiques qui entourent les montants des dons apportés par les plus grandes fortunes de France pour la reconstruction de la cathédrale montre que le pays, même dans le recueillement, même dans le deuil, est toujours en colère.
L’inégal partage des richesses et la contribution des plus riches à l’effort collectif demeurent au centre des passions et des mécontentements. Au lieu de flétrir ce ressenti, les élites françaises devraient plutôt s’interroger sur la profondeur du mal qui ronge désormais le pays. Et s’inquiéter de ce qu’il pourrait produire.
La situation française ne tient plus qu’à un fil
On sent bien que, politiquement, tout peut basculer d’un côté comme de l’autre. Soit Macron remporte l’adhésion du pays, soit il s’effondre face à un mouvement de rejet virulent. Entre les deux extrêmes l’issue est très incertaine. D’un côté, l’ordre intemporel, de l’autre le trouble de la colère.
Qu’adviendra-t-il? Macron, qui est arrivé au pouvoir sur un coup de poker, ne peut désormais se départir de cette ligne hasardeuse. Tout en lui, en son quinquennat, est soumis à l’incertitude et au pari.
Le risque d’un samedi très violent
Ce qui devrait faire la différence, c’est la capacité de l’Etat et du brillant Christophe Castaner, à maintenir l’ordre demain. Depuis de nombreuses semaines, une arrivée massive de black-blocks et de casseurs est annoncée dans Paris. Le samedi qui s’annonce, ce samedi de Pâques, de recueillement et d’affliction chez les Chrétiens, meurtris par l’incendie de Notre-Dame, pourrait être un samedi de violence.
Si celle-ci devait réellement se produire, si elle devait mettre le pouvoir en difficulté, nul ne sait comment les Français réagiront. Compte tenu de la colère exprimée à propos des dons des plus riches à Notre-Dame, tout laisse à penser que le parti de l’ordre ne sera pas automatiquement majoritaire.
De notre point de vue, donc, de deux choses l’une: soit l’ordre est maintenu demain et Emmanuel Macron devrait marquer positivement l’opinion. Cette option pourrait lui être très bénéfique. Soit les casseurs mettent l’ordre en échec, et beaucoup, y compris parmi les ultra-riches, penseront que le moment est désormais venu de changer de cavalier.
Sit transit gloria mundi.
Article écrit par Eric Verhaeghe sur son blog