La nature de la monnaie selon Ludwig von Mises

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Par Jörg Guido Hülsmann Publié le 29 mars 2019 à 5h32
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@shutter - © Economie Matin

Entre les débauches monétaires des banquiers centraux et la Théorie monétaire moderne, il est utile de revoir les thèses classiques pour se vacciner contre la folie.

En tant qu’authentique disciple de Carl Menger, Ludwig von Mises débuta la présentation de sa théorie monétaire par une analyse de la nature de la monnaie. Il poursuivit par la question du pouvoir d’achat d’une monnaie et de l’effet sur le système monétaire des instruments fiduciaires, c’est-à-dire les moyens de paiement non adossés à un actif réel, ce qu’il appelait Umlaufsmittel.

Mises s’est beaucoup appuyé sur le travail de Carl Menger pour traiter du sujet de la nature de la monnaie. Carl Menger, le père fondateur de l’Ecole autrichienne d’économie, expliquait que la monnaie ne peut être définie en fonction simplement des caractéristiques physiques des métaux ou autres marchandises utilisées en tant qu’instrument d’échange.

D’après lui, pour qu’une marchandise puisse être utilisée comme une monnaie, elle doit être (1) une matière première (2) utilisée comme moyen d’échange intermédiaire (3) principalement achetée et vendue dans le but précis de pouvoir réaliser de tels échanges.

Menger a également mis en avant le fait que la monnaie émerge spontanément dans un marché libre pour apporter une solution au fait que les besoins des agents économiques coïncident rarement de façon simultanée. Un moyen d’échange intermédiaire est par exemple nécessaire lorsqu’un artisan fabricant de chaises a besoin d’acheter des œufs, mais que le fermier ne souhaite pas avoir de chaises supplémentaires, ou lorsqu’un peintre désire acheter une bière auprès d’un brasseur, mais que ce dernier n’apprécie pas son art. Ils ont donc intérêt à vendre dans un premier temps leur production en échange de matières premières, telles que le sel, le blé, ou des pièces d’argent, afin d’utiliser ultérieurement ces « instruments d’échange » pour acheter des œufs ou de la bière.

Ceci implique que l’existence d’un système monétaire est possible sans intervention du gouvernement et sans l’existence au préalable d’un contrat social.(1)

Une hiérarchie des fonctions de la monnaie

Mises a enrichi cette analyse de quatre façons.

Premièrement, il s’est opposé à l’idée que les fonctions principales de la monnaie (à savoir : moyen d’échange, réserve de valeur et unité de compte) étaient d’égale importance. Mises défendait l’idée qu’une matière première ne peut servir d’unité de compte qu’à la condition qu’elle puisse être utilisée comme moyen d’échange.

De la même façon, une matière première ne peut jouer le rôle de réserve de valeur qu’à la condition de pouvoir être facilement échangée contre quelque chose d’autre. Par conséquent, il existe une hiérarchie des fonctions qui caractérisent une monnaie : il est primordial qu’elle puisse servir en tant qu’instrument d’échange, car c’est une condition nécessaire à toutes les autres fonctions.

Deuxièmement, Mises a développé une typologie détaillée des « objets monétaires », c’est-à-dire, dans le jargon mengerien, l’ensemble des choses qui sont habituellement acceptées comme moyen de paiement. Il a fait la distinction fondamentale qui existe entre les différents types de « monnaie au sens strict » et les « substituts à la monnaie ».

La monnaie au sens le plus strict possède une valeur intrinsèque. Les substituts monétaires en revanche correspondent à des certificats adossés à une monnaie au sens strict. Ces certificats étaient généralement émis par les banques. Ils restaient ainsi échangeables au guichet de la banque émettrice contre la monnaie réelle à laquelle ils étaient adossés.

différentes formes de monnaie

Mises a utilisé certaines des idées de Böhm-Bawerk, un économiste pionnier dans l’étude économique des structures juridiques, afin d’établir cette distinction fondamentale entre la monnaie et les différentes formes de titres adossés à cette monnaie. Il souligna que « les certificats représentent un droit de disposer d’un bien sous-jacent, ils doivent être différenciés du bien en lui-même, ceci est fondamental pour comprendre leur nature et leur importance dans l’économie ».(2)

Cette distinction est d’une très grande importance à la fois pour pouvoir analyser correctement le rôle du système bancaire dans le fonctionnement du système monétaire et pour intégrer la théorie monétaire de Mises dans le cadre d’analyse des prix et de la valeur de Menger.

Mises a observé que les substituts monétaires peuvent être soit entièrement couverts par une quantité égale de monnaie en réserve (ce qu’il qualifiait de “certificats monétaires”), ou seulement partiellement couverts (ce qu’il qualifiait d’instruments fiduciaires, Umlaufsmittel). Mises a consacré la totalité du dernier tiers de son livre à l’analyse des conséquences économiques de l’utilisation de ces Umlaufsmittel.(3)

Nous couvrirons ce point très prochainement.

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Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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Jörg Guido Hülsmann est collaborateur émérite au Mises Institut. Il fut directeur de la recherche pour le Mises Fellows de 1999 à 2004. Il est également l’auteur de Mises : The Last Knight of Liberalism et de The Ethics of Money Production. Il enseigne à présent en France, à l’université d’Angers.