Moins d’instabilités et de spoliations financières par deux taux directeurs

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Par Dominique Michaut Publié le 28 septembre 2017 à 5h00
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Moins d’instabilités et de spoliations financières par deux taux directeurs - © Economie Matin
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Il y a inévitablement en économie une servitude volontaire à des taux directeurs, quels qu’ils soient. Et au premier rang de ces instruments, il y aurait fatalement des taux d’intérêt, par nécessités de nos jours premièrement monétaires.

C’est, fort normalement, qu’il est suspect d’aller à l’encontre des options fondamentales sur lesquelles prennent appui les Banques centrales, le FMI et les instituts d’études économiques dont les rapports font le plus autorité. Voyons quand même que dans ces milieux et d’autres, le credo dominant reste beaucoup plus créditiste que capitaliste : pour aller vers le plein-emploi et relever le défi de la transition énergétique, dit ce credo, davantage de crédit sous toutes ses formes doit venir se loger dans le financement des entreprises. Il n’en existe pas moins, comme en réserve, une autre option : pour en arriver plus certainement au plein-emploi et à un haut degré de subsidiarité puis s’en écarter le moins longtemps possible, c’est davantage de placements en capital que de crédit qui doit venir renforcer le financement des entreprises, les petites et moyennes en tête.

Solidité, salubrité, objectivité

Soit deux nations appartenant à la même zone monétaire, ou bien deux régions d’une nation qui a en propre sa monnaie légale. Dans les deux nations ou régions, les poids des stocks d’épargne placée et les poids respectifs des charges publiques et des investissements publics sont, supposons-le, très proches. Mais dans l’une, la proportion d’épargne placée en capital est nettement plus grande que dans l’autre, étant entendu qu’il s’agit du capital au sens univoque de ce concept en économie objective (Economie Matin du 7 avril, exclusion du quasi-capital Economie Matin du 13 avril)

Il est hautement probable qu’à moyen et long termes la croissance économique sera plus grande dans cette nation ou région que dans l’autre, même si dans un premier temps les taux d’augmentation des investissements des entreprises implantées dans les espaces comparés sont à peu près les mêmes. Car une moindre proportion de crédit dans le financement des entreprises, banques commerciales comprises, contribue : 1) à réduire l’accumulation de créances irrécouvrables dans l’ensemble du circuit économique – la crise de 2008 n’a pas dérogé à la règle en ayant eu pour cause un amoncellement de dettes insolvables – ; 2) à rendre de plus en plus d’emplois moins précaires ; 3) à mieux soutenir l’élévation du revenu total du travail et du salaire médian.

Une nation et une union de nations accroissent la probabilité qui vient d’être dite si elles axent leur mentalité sur la solidité et la salubrité de leurs productions, qualités qui ne peuvent devenir patentes que par le sérieux de leurs entreprises et de leur gestion des finances publiques. Elles s’y tiennent mieux si elles prennent avec de grandes pincettes ce que l’économie politique subjective prétend rationnel et si elles s’astreignent au plus possible d’objectivité, y compris en matière de taux directeurs de leur économie.

Taux moyen national de capitalisation (TMNC)

Les qualités qui viennent d’être évoquées sont cohérentes. La finance axée sur l’obtention de plus-values quitte à ce que soit au détriment des rendements des placements en capital (Economie Matin du 27 octobre) met à mal cette cohérence, comme déjà l’assertion néoclassique sur le but standard de l’entreprise la fourvoie (Economie Matin du 2 mars). Au contraire, cette cohérence est renforcée lorsque dans une nation ou une union de nations émerge enfin ou de nouveau la volonté collective d’un fort taux moyen national de capitalisation – en abrégé TMNC – tout en ne vouant que de modérément à très modérément ce type de placement au chalutage de plus-values.

Les taux dits en économie objective de capitalisation se trouvent aux bilans des entreprises. C’est un ratio justement dit d’autonomie : dans le financement d’une entreprise, donc au passif de son bilan, rapport entre le capital tout compris (la situation nette) et le total du financement à l’instant considéré. Pour qu’un TMNC s’élève, l’endettement de toute durée des entreprises doit augmenter moins vite que le stock d’épargne placée directement en capital.

Vouloir un fort TMNC procède d’un choix de régime économique dans lequel le financement direct est privilégié. C’est afin que des pouvoirs d’impulsion et d’arbitrage auparavant captés par des intermédiaires financiers reviennent à la population. Cette dernière exerce alors sa gouvernance en fonction de ce que lui paraissent être ses intérêts dans un système économique dont elle comprend mieux les circuits logiques. De sa propre initiative, elle comble le manque de placement en capital pour financer la création d’emplois par les entreprises et pour obtenir davantage d’augmentation du revenu par tête. Elle perçoit plus clairement pourquoi le débridage monétaire, le laxisme budgétaire et l’excitation de la consommation sont en définitive autant de moyens de lui confisquer des pouvoirs économiques qui lui reviennent.

Taux moyen national de profit (TMNP)

Depuis les années 1970 et 1980, l’évolution de nos mœurs financières et commerciales a été telle que nous avons en grande partie perdu le sens du prix, en tant que rapport d’échange économique exprimé en quantité de monnaie ou en pourcentage d’une valeur elle-même exprimée en quantité de monnaie (taux de profit et d’intérêts). La discipline des prix à des fins de comparaison aisée entre des offres concurrentes s’est affaissée, et bien des médias poussent à la roue en tressant des couronnes de lauriers aux marchés mués en foires à la frime. Pendant ce temps-là, un défaut congénital n’a pas été corrigé.

Ce défaut est celui de l’absence de normalisation du taux de profit sur capital (Economie Matin du 11 mai). Nous sommes tellement habitués à cette absence que nous ne voyons plus de quoi elle prive. Ce quoi n’en est pas moins très concret et très politique. Pour ce qui est du très concret, mettons-nous dans la peau d’un actionnaire individuel de plusieurs entreprises qui versent des dividendes ou affichent l’intention de le faire dès qu’elles seront structurellement bénéficiaires. En l’état toujours actuel des pratiques, le service de dividendes n’est pas soumis à l’obligation d’annonce du taux normalisé de profit sur capital qui correspond au montant servi. Il est pourtant d’utilité publique patente qu’il puisse y avoir dans les entreprises qui servent du profit aussi bien des sociétés cotées en bourse que non cotées en bourse et, parmi ces dernières, aussi des sociétés anonymes simplifiées ou des sociétés à responsabilité limitée que des sociétés coopératives ou mutualistes. Ne pas se rendre à cette utilité revient à dénier que le profit au sens univoque que prend ce mot en économie objective (Economie Matin du 27 avril) est un prix et de plus un prix étalonneur.

Quand ses taux directeurs sont d’intérêt, la financiarisation spolie

À force d’avoir les yeux de Chimène pour l’utilité telle que le marginalisme l’a mythifiée, on en arrive à se rendre aveugle à des nécessités objectives. L’instauration de la publication périodique du taux moyen national de profit– en abrégé TMNP, étant bien entendu qu’il s’agit d’un taux normalisé de profit sur capital – fait partie de ces nécessités. La préparation que cette instauration nécessitera sera, je le répète, celle d’un prix étalonneur d’autres prix, dont les taux d’intérêt et la plupart des crédits, j’indiquerai dans deux papiers à suivre selon quelles règles. Cela me conduira à faire ressortir pourquoi la financiarisation à taux directeur d’intérêt réduit sensiblement les pouvoirs économiques du corps social.

Prendre pour taux directeur le TMNP, complémentairement au TMNC, vise en effet le minimum de confiscations de pouvoirs de stimulation et d’arbitrage par une oligarchie autarcique manœuvrant à sa guise les réglages de la machine économique. Hors de la défense d’intérêts catégoriels, où sont les bonnes raisons de repousser l’adoption de ces deux taux directeurs, le TMNC et le TMNP ?

Référence

Les considérations exposées dans cet article sont extraites de mon Précis d’économie objective, chapitre 10, L’intérêt (4 pages dans sa version web sur les points ci-dessus abordés).

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Dominique Michaut a été directeur des études du Centre consulaire de formation de Metz puis conseiller de gestion, principalement auprès d’entreprises. Depuis 2014, il administre le site L’économie demain, dédié à la publication d’un précis d’économie objective (préface de Jacques Bichot).

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