Marseille : rififi autour du McDonald’s Saint-Barthélémy

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Par Rédacteur Modifié le 25 septembre 2018 à 10h02
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3,3 MILLIONSLe Mac Donald's Saint Barthélémy aurait accumulé 3,3 millions de dettes en moins de dix ans.

Ambiance délétère dans les fast-food de Marseille. Sous couvert de défense des salariés, une poignée de syndicalistes locaux n’hésite pas à prendre en otage les employés de plusieurs restaurants McDonald's de la cité phocéenne, qu’ils empêchent de reprendre le travail.

A Marseille, « un contexte de tension, de menaces, parfois même de violences » électrise à nouveau les quartiers Nord de la ville. Rien de nouveau sous le soleil de la cité phocéenne, malheureusement abonnée aux règlements de comptes et rixes en tout genre. En ce début d’automne cependant, ce n'est pas le trafic de drogue qui plonge les quartiers déshérités de Marseille dans l'anxiété, mais la cession de six restaurants McDonald's, contre laquelle des salariés de l'enseigne de fast-food ont engagé une action en justice.

Le propriétaire des six restaurants franchisés, Jean-Pierre Brochiero, souhaite en céder cinq à un autre franchisé local, Mohammed Abbassi. Qui refuse de reprendre en l’état le sixième, dit de Saint-Barthélemy, dans les quartiers Nord, un temps promis à la société Hali Food, qui entendait le transformer en restaurant asiatique halal. Mohammed Abbassi n'en veut pas, et pour cause : ce sixième McDo croule littéralement sous les dettes : l'enseigne a accumulé 3,3 millions d'euros de pertes depuis 2009, dont près de 500 000 au titre du seul exercice 2016.

« La seule spécificité du McDo de Saint-Barthélemy est malheureusement d'ordre économique », analyse Sébastien Bordas, vice-président de McDonald's France en charge des régions du Sud. « En 2017, le franchisé a fait 410 000 euros de pertes, alors que nous l'avions pourtant exonéré de quelque 300 000 euros de loyer ». Le repreneur potentiel s'est pour sa part engagé à reprendre l'ensemble des salariés à l’exception des quatre postes de direction, qui coutent 400 000 euros par an, à sanctuariser les salaires et à ne procéder à aucun autre licenciement en 12 mois. Peu convaincus, les avocats des salariés ont présenté, début septembre, le projet global devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille, arguant d'un « plan social caché », voire d'une « escroquerie ».

Que les syndicats marseillais défendent les salariés de la chaîne, c'est leur droit, et même leur devoir. Avec des CDI largement majoritaires, une ancienneté moyenne de 15 ans, un 13e mois acquis dès un an d'ancienneté, des primes trimestrielles, une mutuelle à la charge presque exclusive des employeurs et des salaires plus élevés que dans les autres restaurants de l'enseigne, les élus du personnel des fast-food marseillais n'ont pas failli à leurs missions.

Mais il y a syndicalistes et syndicalistes. Serge Melniczuk, autre patron franchisé de la région, alerte sur les dérives dont les militants marseillais se rendent coupables : « il y a dix mecs qui utilisent leur position syndicale pour faire du chantage. Ils réclament un certain montant à l'heure pour leurs camarades, mais ils gagnent entre 5 000 et 7 000 euros, avec le téléphone et la voiture de fonction. (…) Ils ont des postes de responsables avec des mandats syndicaux, ce qui leur permet de travailler à mi-temps. Ils bloquent les restaurants et négocient leur pouvoir de nuisance en obtenant des avantages à titre personnel. (…) Quand vous payez ça se calme. L'inconvénient, c'est qu'ils en demandent toujours plus ».

A la tête de ce qui s’apparente davantage à un groupe de pression défendant ses intérêts propres plutôt que ceux des salariés, un certain Kamel Guemari. Sous-directeur junior du McDo des quartiers Nord, il n'aurait pas pointé à son poste de travail depuis des années (heures de délégation obligent) et émargerait à près de 100 000 euros de rémunération par an, soit, faut-il le préciser, considérablement plus que la moyenne des sous-directeurs de France chez McDonald’s. Non content de percevoir des rémunérations plombant les résultats de leur McDo, Kamel Guemari et ses acolytes seraient coutumiers d’intimidations. Des menaces qui ont contraint McDonald à assigner des gardes du corps à plusieurs de ses cadres locaux.

Les avantages de Kamel Guemari passent-ils avant l'intérêt collectif ?

Dans le quartier de Saint-Barthélemy, où le chômage touche près de six habitants sur dix, l'incompréhension fait désormais place à la colère. En bloquant la reprise de tous les McDonald's cédés, les syndicalistes unis autour de Kamel Guemari prennent en otage des centaines de salariés de l'enseigne. Pour défendre son confort personnel, la clique a balayé d'un revers de la main les propositions avancées par Mohammed Abbassi, semble hermétique à toutes les alternatives se proposant de remettre à flot un établissement déficitaire, si ces alternatives induisent une remise en question de ses privilèges.

Ce radicalisme inquiète les salariés des restaurants occupés, qui craignent, faute de ne pouvoir travailler, de n’être pas payés. Une délégation des salariés de Mohamed Abbassi, mobilisée mardi 18 septembre en intersyndicale (FO, CGT, CFTC-CSFV, CFE-CGC), a été reçue par la préfète déléguée à l’égalité des chances, Marie-Emmanuelle Assidon, pour lui faire part de son inquiétude. Mais, en plus de menacer directement des centaines de salariés, cette obstination met en péril un lieu qui joue un rôle important en matière de structuration sociale et d'insertion dans ce quartier difficile, abandonné des pouvoirs publics.

Fournissant un premier emploi à de nombreux jeunes non-qualifiés, le restaurant, sa pelouse et son aire de jeu sont un véritable « poumon » dans cette cité délabrée. Ironie du sort, c'est Kamel Guemari qui en parle le mieux : « C'est un lieu de rencontre, (…) la Suisse du quartier ». Sans cette possibilité, insiste le syndicaliste, « les jeunes retourneront à la délinquance ». Qu'attend donc M. Guemari pour rendre aux habitants de ce quartier ce havre de paix dont il les prive ?

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