La valse diplomatique des principaux dirigeants européens se poursuit pour tenter de contenir - et résoudre - la crise de la zone euro.
Prochaine étape pour François Hollande : Rome, mardi 4 septembre. Le président de la République doit s’entretenir avec Mario Monti, un président du Conseil italien engagé dans une redoutable course contre la montre où il joue son avenir politique mais, surtout, celui de son pays.
Angela Merkel souhaitait sortir du tête-à-tête franco-allemand et associer les autres grands dirigeants européens dans la recherche active de solutions efficaces aux difficultés de l'économie européenne. Dans ce scénario, Mario Monti, ancien commissaire européen, tient une place de choix. Fin diplomate, il peut s’appuyer sur une solide réputation de rigueur, tant dans son pays qu’à l’étranger, et d’un a priori favorable auprès des marchés.
Son pari politique et économique n’en apparait pas moins périlleux… À 10,8 % fin juillet, le taux de chômage en Italie est au plus haut depuis 2004. Au second trimestre 2012, le PIB était en recul de 2,5 % en rythme annuel – et le second trimestre était le quatrième trimestre de croissance négative. Le moral des ménages transalpins - dont les finances sont désormais fortement grevées par les effets de la crise - est en berne, même si cela ne les empêche pas de se montrer optimistes quant à l’avenir de l’économie nationale.
Fin août, dans le cadre de la réunion annuelle du mouvement catholique Communion et Libération, Mario Monti s’est montré résolument optimiste : "Nous sommes proches de la fin de la crise. On voit le bout du tunnel". Le 23 août, Fluvio Conti, vice-président de la Confidustria, la principale organisation patronale de la péninsule, a abondé dans le sens du président du Conseil en affirmant que la situation s’améliorait, même s’il ne pariait pas sur un retour de la croissance en 2013.
Cette année 2013 est capitale pour l'Italie. Le mois d'avril sera l’échéance principale pour Mario Monti. Au printemps de l’an prochain, se dérouleront des élections législatives avant lesquelles il devra avoir obtenu des signes probants de l’efficacité de son action, sans avoir, pour autant, soumis ses concitoyens à des remèdes trop indigestes. Une des difficultés de son pari réside dans le fait qu’il a décidé de jouer la carte de la sincérité.
Or la sincérité n’a jamais été une priorité pour les responsables politiques italiens et Mario Monti se trouvera confronté inéluctablement au cours de la campagne électorale à des adversaires tentés de jouer la carte populiste. Mario Monti a désormais moins de six mois pour obtenir des preuves tangibles du redressement.
Si la situation de l’Italie s’améliore, elle n’a surtout jamais été aussi compromise que celle des autres pays du Sud de la zone euro, et notamment de l’Espagne. Les Italiens n’ont pas à subir les effets désastreux de l’explosion de la bulle immobilière espagnole.
La situation des finances publiques est moins préoccupante que dans les autres pays de l’Europe du Sud.
Enfin, si Rome a subi les attaques des investisseurs sur les marchés financiers, leur portée est sans commune mesure avec ce qu’a connu Madrid. Il n’en reste pas moins que l’ordonnance du "Docteur Monti" contient quelques remèdes douloureux : plan de cession de participations publiques, lutte contre l’évasion fiscale, diminution des effectifs de la fonction publique et redéfinition des frontières de l’administration…
S’ils sont censés, à terme, relancer la croissance et remettre l’Italie sur les rails, ces remèdes ne seront pas sans effets sur la vie quotidienne des Italiens. À la tête de la troisième économie de la zone euro, et fort de son expérience individuelle, Mario Monti ne peut ignorer que son salut réside dans la coopération étroite avec ses partenaires, au premier rang desquels Angela Merkel, François Hollande, Mariano Rajoy mais aussi Mario Draghi.
La coordination des décisions est plus que jamais indispensable : si l’Espagne bénéficie d’un vaste plan de secours, l’Italie se retrouvera immédiatement dans la ligne de mire des opérateurs financiers. Un bien pour un mal. La valse diplomatique se poursuivra jusqu’au prochain sommet européen des 18 et 19 octobre prochains. Mais, d’ici là, il y aura eu deux échéances cruciales…
Jeudi 6 septembre, lors de sa réunion mensuelle, la Banque centrale européenne annoncera ses nouvelles décisions de politique monétaire : réduira-t-elle ses taux directeurs de 0,75 à 0,50 % ou bien annoncera-t-elle un plan visant à assister l’Espagne et l’Italie par l’achat d’obligation d’État sur les marchés obligataires ?
Par ailleurs, mercredi 12 septembre, les juges de la Cour constitutionnelle allemande, réunis à Karlsruhe pour statuer sur le pacte budgétaire, bloqueront-ils le Mécanisme européen de stabilité ? Autant d’éventualités qui influeront considérablement sur la capacité de Mario Monti à tenir le "pari fou" qu’il s’est fixé.
Franck Guillory