Victoire ! La France a récemment emprunté à des taux négatifs, ce qui signifie que des investisseurs ont accepté de payer pour pouvoir prêter à la France près de 6 milliards d’euros.
Situation plutôt originale qui contraste avec celle des pays du Sud de l’Europe. Paris rejoint ainsi un club très fermé, composé de l’Allemagne, des Pays-Bas ou encore de l’Autriche. Ces pays parviennent en effet, depuis le début de l’année, à placer eux aussi leurs bons du Trésor à des taux négatifs.
Les investisseurs dont nous parlons sont pour la plupart des banques et des fonds de pension qui ont souvent pour règle d’avoir dans leurs portefeuilles des placements sûrs. Les emprunts à court terme d’un pays qui, comme la France, détient un triple A auprès de deux agences de notation sur trois, apportent cette sécurité tant prisée en temps de doute.
Cette qualité de placement se faisant de plus en plus rare, les investisseurs se rabattent sur les quelques émissions de bons dans lesquels ils ont encore confiance. Ils constituent des valeurs refuge dont la détention mérite, à leurs yeux, de perdre une partie de leur mise.
Voilà pour l’interprétation positive de la situation. Malheureusement, la partie immergée de l’iceberg est bien plus menaçante.
On peut aisément s’imaginer que le moteur de ces investissements ne soit finalement pas tellement la confiance dans la stabilité de l’économie française, mais plutôt la méfiance vis-à-vis de celle des autres pays européens, notamment ceux du Sud. Le choix de la France devient un choix par défaut. Ce n’est peut être pas tant que les choses vont bien à Paris, mais plutôt que la France bénéficie de l’agonie de ses voisins proches.
Il faut aussi rappeler que les bons du Trésor à court terme sont des assurances tous risques dans des stratégies d’investissement global. Ces taux négatifs ne peuvent se comprendre qu’au sein d’une analyse globale, comprenant tous les autres placements, dont ceux à long terme qui servent, eux, à gagner plus en prenant des risques.
Ce sont donc ces emprunts à long terme qui indiquent réellement si les marchés ont confiance ou non dans la dette d’un pays. Ceux là restent positifs (à 2,7 % pour les emprunts à 10 ans) et compensent largement les taux négatifs des emprunts à court terme.
Pire, il est possible d’interpréter ces taux négatifs comme révélateurs d’une préférence pour le court terme, donc d’une peur du long terme. En somme, nous vivrions le calme avant la tempête.
Peut être avons-nous crié « victoire » trop vite, car bien loin de l’embrassade de félicitations que nous croyions recevoir des marchés, nous avons reçu de leur part le baiser de la mort.
Pascal de Lima et Gwenaël Le Sausse "co-auteur".
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