Marchand de biens : l’intention spéculative est établie, même si la revente intervient 30 ans après l’acquisition

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Par Thierry Bouclier Publié le 10 juillet 2021 à 10h14
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44,9%La TVA représente 44,9% des recettes fiscales de l'Etat français.

La personne physique ou morale, qui effectue des opérations d’achat en vue de la revente d’immeubles, de manière habituelle et répétitive, dans le cadre de sa profession principale, a la qualité de marchand de biens. En outre, toute personne qui, à titre privé, procède à plusieurs opérations d’achat et de revente d’immeubles, dans un but spéculatif, peut également être considérée comme ayant une activité de marchand de biens.

Deux conditions sont donc requises pour être qualifié de marchand de biens : une intention spéculative et une condition d’habitude. Les profits de revente, réalisés par les contribuables qualifiés de marchands de biens, sont imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), tandis que leurs opérations entrent dans le champ d’application de la TVA.

Au cas présent, la SCI L a fait l’objet d’une vérification de comptabilité, au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 1er juillet 2015, en matière de bénéfices industriels et commerciaux et de TVA. A la suite de ce contrôle, l’administration a estimé que la revente, le 31 mars 2015, de deux terrains à bâtir, acquis le 13 juillet 1978 et le 12 juin 1981, constituait une opération commerciale de marchand de biens assujettie à la TVA. Concomitamment, les revenus déclarés des associés de la SCI ont fait l’objet d’un contrôle à l’issue duquel l’administration a remis en cause l’absence de déclaration de la quote-part des BIC de la SCI, et assujetti en conséquence chacun des associés à une cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu. Monsieur et Madame D, contestant leur qualité de marchands de biens, ont porté le litige devant le Tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté leur demande. Ils ont fait appel devant la Cour administrative d’appel de Marseille qui, dans un arrêt n°20MA00416 du 1er juillet 2021, leur a donné raison.

Concernant l’intention spéculative, la Cour rappelle que la SCI a procédé à l’acquisition de deux terrains à bâtir le 13 juillet 1978 et le 12 juin 1981 en prenant l’engagement de les viabiliser et d’y construire des villas dans un délai de quatre ans. Elle constate que les décisions de gestion de la société consistant à inscrire, dans sa comptabilité, les terrains en stocks, à porter la TVA déductible sur les actes d’acquisition, à vendre le 3 août 2004 une parcelle pour un montant de 140.000 euros inscrit dans les produits du compte de résultat, à louer une autre partie du terrain, puis à solliciter un permis d’aménagement obtenu le 26 janvier 2012, confirment que la société avait entendu valoriser les terrains avant de les revendre. Pour la Cour, l’intention spéculative des associés est établie à la date d’acquisition des immeubles ultérieurement revendus et n’est pas remise en cause par les circonstances que la revente des parcelles est intervenue après plus de trente ans de détention dans le cadre d’une vente à un acheteur unique.

Concernant la condition d’habitude, la Cour rappelle que celle-ci s’apprécie en principe en fonction du nombre d’opérations réalisées et de leur fréquence. Elle constate que les associés de la SCI ne se sont pas livrés à titre habituel à des opérations d’achat et de revente d’immeubles. Par ailleurs, la double circonstance que l’objet social de la SCI figurant dans ses statuts ait un caractère commercial et qu’elle ait régulièrement souscrit, au titre de son activité, des déclarations de résultat professionnel, ne suffit pas à caractériser cette condition d’habitude.

La Cour en déduit que la condition d’habitude ne peut être réputée remplie et la vente des terrains à bâtir, réalisée le 31 mars 2015, ne peut être regardée comme une opération commerciale de marchand de biens.

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Maître Thierry Bouclier est avocat au barreau de Bordeaux, spécialiste en droit fiscal. Docteur en droit, a une activité partagée entre le conseil et le contentieux, tant pour les particuliers que pour les entreprises. Intervient dans tous les domaines de la fiscalité (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, TVA, impôts locaux...) nationale ou internationale. http://www.avocat-bouclier-fiscaliste-bordeaux.fr/

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