La loi du cockpit ou comment éviter de prendre des décisions absurdes

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Par Christian Morel Modifié le 27 juin 2012 à 7h58

Dans l’aéronautique, les erreurs de décision sont rares, mais, lorsqu’elles surviennent, elles se révèlent souvent dévastatrices. Pour les éviter, cette profession a été incitée à repenser radicalement ses façons d’agir. Cela l’a conduite à inventer des modes d’organisation novateurs, comme la collégialité dans le cockpit, la non-punition des erreurs et la formation systématique aux facteurs humains.

Le cockpit est un bon révélateur des atouts du travail en équipe et des effets catastrophiques de son absence, quand la hiérarchie prend le pas sur la coordination. Al Haynes, commandant de bord du vol United Airlines 232, accidenté à Sioux City le 19 juillet 1989, a réussi à sauver de nombreuses vies grâce à la collégialité qu’il a pratiquée dans le cockpit. Deux ans après l’accident, il déclarait : "Jusque vers 1980, on travaillait avec l’idée que le commandant de bord était le seul maître à bord : on faisait ce qu’il nous disait, et voilà tout. On a perdu un certain nombre d’appareils à cause de ça."

Diverses sources mettent ce constat en évidence. Je ne retiendrai ici qu’une enquête de l’agence américaine de sécurité des transports, un combat anticipateur mené par Thomas E.Lawrence, dit Lawrence d’Arabie, et la fréquence exceptionnelle des accidents de la compagnie d’aviation Korean Air (autrefois Korean Airlines) jusqu’au début des années 2000. Dans la seconde partie du livre, je généralise ce principe d’effacement de la structure hiérarchique sous l’expression de "hiérarchie restreinte impliquée".

L’agence de sécurité des transports des États-Unis s’est penchée sur les accidents d’avion des compagnies américaines entre 1978 et 1990 et a retenu ceux dans lesquels l’erreur humaine constituait la cause principale ou fortement contributive. Elle en a dénombré trente-sept, dont vingt-trois se sont soldés par la perte de vies humaines. Le résultat le plus remarquable de cette enquête concerne le grade du pilote aux commandes.

Les avions de ligne sont pilotés par un équipage comprenant deux pilotes, le commandant de bord et le copilote. Les tâches sont alternées. Pour la moitié du temps environ, c’est le commandant de bord qui pilote (le terme technique est "pilote en fonction"), tandis que le copilote gère les communications radio et quelques autres éléments. Pour l’autre moitié, la répartition des rôles est inversée. L’enquête révèle que, dans trente des trente-sept accidents concernés, c’était le commandant de bord, et non le copilote, qui était le pilote en fonction...

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Christian Morel est docteur en sciences politiques, diplômé de l'Institut d'Etudes Politiques. Il a accompli toute sa carrière comme cadre dirigeant en entreprise. Il a mené parallèlement une réflexion sociologique sur les processus de décision, qu'il poursuit aujourd'hui. Il a déjà publié aux Editions Gallimard "Les décisions absurdes" (2002) et "L'Enfer de l'information ordinaire" (2007).