Emmanuel Macron vient de procéder à un non-remaniement ministériel, c’est-à-dire à trois remplacements techniques sans ambition et sans perspective politique. Ce mutisme inquiète dans la mesure où il laisse augurer d’un dialogue de sourds dont on voit mal l’issue.
Le non-remaniement de cette semaine coupe le souffle. Il a en effet consisté à remplacer des ministres proches de la première heure par d’autres proches de la première heure, comme si le temps était encore aux remerciements d’après-campagne. Ce faisant, ni le Président de la République ni le Premier Ministre n’ont pris soin de l’expliquer ou de lui donner un sens, comme si ce dialogue avec le pays était devenu superfétatoire.
Macron se cramponne à la technocratie
Se faisant, Emmanuel Macron a fait le choix de promouvoir, sur trois personnalités, deux proches (Cédric O et Sibeth Ndiaye) qui n’ont pas de mandat électif. Domine ici encore le mythe des experts, des spécialistes, des techniciens, qui feraient mieux que les élus.
Pour Emmanuel Macron, la promotion de proches est une évidence qui s’impose sans débat. Il s’agit ici d’une dangereuse sous-estimation des attentes que l’opinion nourrit, et qui nourrissent l’opinion. Pourquoi toujours piocher dans le même vivier des marcheurs trentenaires de la première heure ? Des spécialistes, par exemple dans le numérique, la France en est riche, qu’ils soient ou non trentenaires. Et on voit mal quelle raison « technique » justifie la nomination de Cédric O sur ce poste. Si ce n’est la proximité datant de la campagne électorale.
Ce repli systématique sur la même garde risque, à terme, de nuire fortement au Président. Pour l’extérieur, il apparait en effet comme l’homme d’une coterie. En interne, plus d’un député méritant pourrait s’étonner de se voir préférer des conseillers « planqués » aux élus.
Dans la majorité, beaucoup reprochent à Macron son ingratitude. Ce reproche ne devrait pas diminuer dans les prochaines semaines.
Le Grand Débat n’aura servi à rien
Parallèlement, Macron se replie peu à peu sur sa politique et son cap initial, et semble ne vouloir pas entendre les attentes exprimées lors du Grand Débat. C’est un peu étonnant. En l’espèce, le pouvoir fait preuve d’une espèce de déni névrotique qui pose question.
Beaucoup de conseillers de l’Elysée partent du principe que le débat est derrière eux et que la question est réglée. C’est une manière anxiogène de traiter les problèmes, consistant à les nier. On refuse de voir et on se dit que tout va bien, qu’on peut passer à autre chose.
D’où les déclarations incendiaires de Sibeth Ndiaye que nous rapportons et qui mériteraient que la presse mainstream s’y arrête un peu plus. Elles sont en effet porteuses de ruptures graves et de désordre dont le pays pourrait se repentir lourdement. Dans la pratique, beaucoup ont mis en garde Emmanuel Macron contre la tentation d’utiliser le Grand Débat pour gagner du temps et ne rien changer. Malgré ces avertissements, le Président semble bien décidé à fouler au pied l’expression populaire.
Le retour des violences pour la seconde quinzaine d’avril
Tous ces éléments montrent que, de façon déraisonnable, et dans des proportions à peine croyables, Emmanuel Macron devrait commettre l’erreur suprême d’expliquer aux Français qu’il les a faits parler pour rien pendant trois mois. Ce choix est extrêmement dangereux.
En effet, les ingrédients sont désormais réunis pour une nouvelle explosion d’ici trois ou quatre semaines, et cette explosion pourrait porter des désordres bien plus grands que la République n’est capable de les encaisser. Les blacks blocks ont en effet annoncé leur retour fin avril. Ils devraient pouvoir compter sur le soutien d’une opinion massivement frustrée par la légèreté du Président lorsqu’il s’agit de tenir ses promesses.
Qui sème le vent…
Article écrit par Eric Verhaeghe sur son blog