Macron et Moscovici prêts à punir la Grande-Bretagne

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Par Eric Verhaeghe Modifié le 14 mars 2019 à 10h17
Ue Brexit Conseil Europe 1
@shutter - © Economie Matin
6,5%La Grande-Bretagne représente tout de même 6,5% de notre commerce extérieur

La Chambre des Communes a rejeté l’accord de Brexit négocié par Theresa May, sans toutefois se résigner à un Brexit sans accord. Emmanuel Macron et Pierre Moscovici en ont profité pour se montrer impitoyables et expliquer que l’accord ne pouvait pas être renégocié. En difficulté sur la scène européenne, les deux Français ne devraient rien pardonner à la perfide Albion.

Tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes britanniques. Après plusieurs mois de négociation sur le Brexit, Theresa May est revenue bredouille de son passage à la Chambre des Communes ! Par 391 voix contre 242, les députés britanniques ont refusé d’approuver le traité de séparation que leur Première Ministre avait arraché à Bruxelles.

Il n’en fallait pas plus pour que les Français jubilent en annonçant qu’il n’y avait plus rien à négocier.

Le Brexit pourrait très mal se terminer !

Premier point : la crainte d’un Brexit sans accord, même si elle fait l’objet d’un déni depuis plusieurs mois, pourrait très bien se réaliser. À quelques jours de l’échéance, les Anglais font en effet la fine bouche. Si, par un vote ce soir, ils ont de peu rejeté l’hypothèse d’un Brexit sans accord, ils ne veulent pas non plus d’un dispositif qui rétablirait une frontière intérieure en Irlande.

Il faut bien reconnaître que l’esprit tortueux des Britanniques nous laisse un peu perplexes… Car on voit mal comment nos voisins de la perfide Albion ont pu imaginer sortir du marché unique sans recréer une frontière physique avec lui… Frontière qu’ils ont par ailleurs précieusement défendue à Calais lorsqu’ils étaient encore dans l’Union. C’est vrai qu’un moment, dans la vie, on ne peut pas tout avoir. À moins d’annexer l’Irlande, l’Angleterre ne pourra éviter le rétablissement d’une frontière avec elle…

Toujours est-il que le mécanisme prévu dans le traité pour régler la question irlandaise ne plaît pas aux Anglais, qui ne veulent du coup pas signer le document négocié à Bruxelles.

Les Anglais devraient demander un délai

D’où cet étrange vote qui dit non au traité, et non à un Brexit sans traité. Le problème est que les Britanniques prêtent du même coup le flanc, assez curieusement, à tous les appétits européens. Car, dans une négociation, le premier qui explique ouvertement qu’il veut absolument un accord a perdu.

Les députés britanniques n’ont pas fait autre chose que de se tirer une balle dans le pied en commençant par rejeter l’accord négocié, et en finissant par dire qu’ils souhaitaient néanmoins un accord. Comment négocier en position de force dans ces conditions? Dans cette posture suicidaire, ils ont donc donné un mandat à Theresa May, de fait, pour, la corde au cou, retourner à Bruxelles et négocier un autre texte.

Macron et Moscovici ont aussitôt dégainé

Après des mois de déconvenue, l’occasion était trop belle pour que les Français Macron et Moscovici ne s’offrent pas un petit plaisir.

Depuis Nairobi, où il joue aux VRP de l’industrie française, Emmanuel Macron a expliqué la position de la France:

Si les Britanniques demandent un nouveau délai, cela peut être un délai technique pour mettre en oeuvre une sortie (…) mais si un délai additionnel était demandé, il faudrait alors qu’on nous explique pour quoi en faire, et en particulier qu’il apporte quelque chose, et donc que ça ne soit pas pour renégocier un accord que nous avons déjà négocié

Voilà qui s’appelle jouer la politique du pire, et ne devrait guère améliorer l’image « européenne » de notre Président.

De son côté, le commissaire français Moscovici, qui a vu la Cour des Comptes lui passer sous le nez, n’a pas fait mieux. Il a déclaré dans la journée, sur France 2:

Il y a eu plusieurs chances, le train est passé une fois, le train est passé deux fois, il y a eu deux votes tous les deux massifs du Parlement britannique, l’Union européenne a fait tout ce qu’elle a pu pour offrir des solutions, garantir, assurer, réassurer (…) Il n’y aura pas de négociations dans les jours qui viennent et d’ici au 29 mars. Maintenant il y a une autre échéance qui est un Conseil européen les 21 et 22 mars et qui aura peut-être à décider (…) d’une extension, qui doit être raisonnée.

Les deux voix françaises les plus fortes sur le sujet sont donc unanimes pour pousser à la sortie sans accord, ce qui pourrait se traduire par des conséquences un peu désagréables.

Le coût mal estimé d’un Brexit sans accord

Dans la pratique, personne n’a vraiment pris le temps, faute d’y croire sincèrement, de détailler le prix réel d’un Brexit sans accord. Du jour au lendemain, la Grande-Bretagne sortirait des traités sans solution de remplacement ni de substitution.

Beaucoup, en Europe, imaginent qu’ils seraient gagnants. C’est probablement pour cette raison que Macron comme Moscovici se montrent aujourd’hui inflexible. Sauf que… si les Britanniques perdraient leurs droits de commerce dans l’Union, l’inverse serait vrai.

On a commencé à parler de conséquences destructrices pour les pêcheurs français qui n’auraient plus accès aux eaux territoriales anglaises. On est probablement pas au bout des calculs à faire.

Les risques sociaux et politiques pris par Macron

Le Président Macron devrait se méfier de ses réflexes de matador et de fier-à-bras, car la Grande-Bretagne n’a probablement pas dit son dernier mot. Les Anglais perdront sans doute beaucoup en rompant brutalement avec leurs partenaires commerciaux, mais l’inverse est aussi vrai. Pour la France, la rupture commerciale avec la Grande-Bretagne ne sera pas neutre. Celui-ci est l’un des rares pays avec lequel nous dégageons un excédent ! Il représente tout de même 6,5% de notre commerce extérieur.

Alors que les Gilets Jaunes enregistrent un regain de soutien de la part des Français, la désinvolture avec laquelle le Président manifeste son envie de punir la Grande-Bretagne pourrait lui revenir en boomerang. Si le coût social de cette rupture devait être élevé, ceux qui l’ont souhaitée le paieront cher.

Article écrit par Eric Verhaeghe sur son blog

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Né en 1968, énarque, Eric Verhaeghe est le fondateur du cabinet d'innovation sociale Parménide. Il tient le blog "Jusqu'ici, tout va bien..." Il est de plus fondateur de Tripalio, le premier site en ligne d'information sociale. Il est également  l'auteur d'ouvrages dont " Jusqu'ici tout va bien ". Il a récemment publié: " Faut-il quitter la France ? "