Voitures connectées… Aux forces de l’ordre !

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Par Antoine Chéron Publié le 6 juin 2016 à 13h24
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cc/pixabay - © Economie Matin
500 EUROSConduire sans assurance sera passible d'une amende forfaitaire de 500 euros.

A l’occasion du projet de loi de « modernisation de la justice au XXIème siècle » passé en première lecture à l’Assemblée Nationale le 24 mai dernier, il est prévu d’améliorer la répression de certaines infractions routières. Au-delà d’une amélioration, ce projet de loi semble mettre en place un véritable système de surveillance des véhicules.

En vertu du nouvel article L. 311-1-1 du Code de la route, les agents compétents pour rechercher et constater les infractions routières, principalement les officiers, agents de la police et de la gendarmerie devraient bientôt avoir « accès aux informations et données physiques et numériques embarquées du véhicule afin de vérifier le respect » du code.

Les yeux de la police et de la gendarmerie bientôt dans nos véhicules ?

Non seulement les forces de l’ordre auront, si cet amendement passe, accès aux données générées par nos voitures pour constater qu’une infraction a bien été commise mais aussi pour les « rechercher ». Ce terme extrêmement vaste laisse entrer le ver dans la pomme, ce serait comme si nous avions dans nos voitures des radars virtuels et omniprésents.

Aujourd’hui, presque toutes les clés de voitures sont devenues des boitiers. Or, ces boitiers contiennent toutes les données embarquées de la voiture, c’est-à-dire leur géolocalisation, leur vitesse, le nombre de ceintures bouclées, etc. Les avancées technologiques de l’industrie automobiles sont immenses, et les voitures sont de plus en plus connectées. Plus leur digitalisation avance, plus les force de l’ordre auraient donc d’informations sur notre conduite.

Un communiqué de presse qui se veut rassurant

Selon les services de Sécurité routière du Ministère de l’intérieur, l’article L. 311-1-1 du Code de la route ne ferait que « faciliter le travail des forces de l’ordre dans le contrôle du numéro de série d’un véhicule afin de vérifier que celui-ci est bien autorisé à circuler ». Cela fait écho au scandale Volkswagen ayant mis en lumière que des véhicules pollueurs étaient encore nombreux sur le marché malgré les efforts des autorités européennes en matière d’écologie.

On apprend dans ce communiqué de presse du 31 mai 2016 que les force de l’ordre ont déjà commencé à développer et expérimenter des outils d’identification numérique se connectant sur la prise de diagnostic « On Board Data », dite OBD dont sont dotés tous les véhicules depuis 2004. Or, cette prise n’enregistre pas la vitesse mais permet seulement d’accéder aux numéros de série des pièces embarquées.

On essaye donc de nous faire croire que cette nouvelle disposition dont les termes sont très généraux ne permettrait que « d’éviter qu’un véhicule circule en lieu et place d’un autre véhicule ».

Pourquoi ne pas le préciser dans le texte ? En effet, sa rédaction ouvre la voie à une lecture extensive potentiellement attentatoire au respect de la vie privée.

Le potentiel démesuré du texte au regard des acquis en termes de vie privée

Pour protéger au mieux la sphère irréductible de la vie privée, c’est-à-dire l’intimité de tout un chacun, il a été jugé de manière aujourd’hui constante en matière de droit à l’image que la voiture est un lieu privé. De plus, un officier de police judiciaire ne peut fouiller une voiture si, et seulement si, il existe une raison plausible de soupçonner son propriétaire d’être responsable d’un crime ou délit. S’il n’existe aucune raison plausible de le suspecter, la fouille doit être autorisée par décision écrite et préalable du procureur de la République.

Les raisons de cet encadrement strict sont simples : l’Etat ne doit pas s’immiscer dans la vie privée de ses citoyens, il ne dispose pas d’un pouvoir de surveillance et de contrôle absolu si caractéristique des régimes totalitaires. C’est face à cet esprit « Big Brother » que le peuple s’est insurgé lors d’une manifestation le 8 juin 2014 contre le projet de loi relatif à la programmation militaire qui prévoyait une surveillance généralisée sur internet.

En conclusion, si les intentions du législateur sont seulement de permettre aux forces de l’ordre de vérifier la conformité technique des voitures aux normes de sécurité routière, et non d’avoir accès à toutes les données générées par les véhicules alors ce texte devrait être modifié en conséquence par les parlementaires.

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Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC.