Le projet de loi travail est-il vraiment favorable aux entreprises ?

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Par Patrick Crasnier Publié le 21 mars 2016 à 5h00
Loi Travail Entreprises Mesures Salaries
@shutter - © Economie Matin
80 %Plus de 80 % des contrats signés en France sont des CDD.

Depuis plusieurs semaines maintenant le monde politique, médiatique, et même celui de l’entreprise est aux abois. La loi sur le travail appelé « Loi El Khomri » est dans toutes les têtes et dans toutes les actions pour ou contre.

J’ai attendu jusqu’à ce jour pour écrire mon papier tant il est difficile d’y voir clair sur ce sujet. En effet nous ne sommes informés que par les communiqués de presse du ministère, toujours très optimistes et positivant tous les articles de la loi, et par les écris des opposants, aussi peu crédibles mais dans l’autre sens. Extrêmement difficile de savoir exactement ce que dit le texte du projet de loi, après quelques recherches j’ai lu le texte officiel, plus de 145 pages très techniques, même les spécialistes du code du travail ont bien du mal à s’y retrouver.

J’ai donc tenté de faire mon chemin dans les méandres de ce texte, pour tout dire j’ai eu beaucoup de mal. Pratiquement tous les articles sont des modifications de textes existants, quelquefois portant sur un seul mot. Pour lire ce projet il est nécessaire d’avoir le code du travail dans une main et de retrouver à chaque article les textes qui seront modifiés. Ce n’est pas une refonte du code du travail mais bien une réécriture de nombreux articles pour en changer le sens, très peu ou bien beaucoup. A l’évidence Myriam El Khomri n’y est pour rien elle n’est que la « vendeuse » du texte, ne connaissant pas le code du travail il y a quelques mois il est évident que ce pavé a été écrit par des spécialistes et ce depuis longtemps.

Je ne détaillerai donc pas ce projet, déjà changé (à la marge) et pas encore présenté aux députés qui se chargeront de l’amender dans tous ses articles. Je voudrais seulement aborder le grand sujet de ce texte, presque le seul. On peut l’affirmer sans véritablement se tromper, ce texte sert exclusivement à aborder le problème des contrats de travail et du temps de travail. La guerre des syndicats contre l’article concernant les prud’hommes est totalement liée aux contrats. Posons en préalable que pour les syndicats patronaux le contrat du travail est le grand problème d’aujourd’hui. On peut l’appeler « flexibilité » cela n’y changer rien, tout le monde s’accorde, sauf les syndicats, sur le fait qu’en France il est impossible de se séparer d’un salarié, même avec de justes raisons. Un employeur ne peut licencier dans notre pays qu’avec à la clef une plainte pour licenciement abusif. La suite automatique étant un procès au tribunal des prud’hommes, un appel et pour terminer des dommages et intérêts mettant très souvent l’entreprise en danger.

Il serait simple de dire et comprendre que le problème vient des règles de ces contrats, mais en politique syndicale rien n’est simple. Les centrales syndicales, dont la représentativité est faible, surtout dans la fonction publique, ne connaissent que l’emploi a vie, Ils se battent bec et ongles pour que rien ne change. Du côté des politiques (tous depuis 30 ans) personne ne veut prendre le risque de changer quoi que ce soit dans ce domaine de peur de la guerre sociale. Alors les aménagements se font de façon partielle, difficile, incompréhensible, le code du travail est devenu illisible et inapplicable. Le projet actuel voulant nous faire croire que « on ne touche pas aux contrats » « on limite les dommages et intérêts des prud’hommes » « on facilite le licenciement économique » Rien que des mesures qui déplaisent à tout le monde sans rien arranger sur le fond.

Au regard de la multiplication des CDD et des contrats d’intérim, il est facile de comprendre que les choses pourraient changer avec d’autres méthodes. Constatant que les tribunaux de prud’hommes sont encombrés par plus de 70% de recours pour des de licenciement, il est logique de penser que là est le problème. La seule solution qui pourrait paraître acceptable et logique serait de changer le contrat de travail.

Par exemple :
Supprimer les différents contrats de travail pour n’en garder qu’un seul. Un contrat rédigé un peu comme un bail de location, renouvelable par tacite reconduction, tous les ans ou tous les 3 ans. Pour le rompre aussi bien par le salarié que par l’employeur, juste un préavis avant la date d’échéance afin de dénoncer ce contrat. Je sais, en lisant cela, que beaucoup vont bondir. Mais si un salarié doit pouvoir quitter son employeur quand il le veut (mettant quelquefois l’entreprise en difficultés) un employeur doit aussi pouvoir le faire avec la même facilité. Alors qu’aujourd’hui il doit payer des sommes importantes s’il veut mettre un terme à une collaboration. Je trouve que cette « marchandisation » du licenciement est une catastrophe pour l’emploi, une perversion d’un système de rapport entre les partis du contrat de travail. Gagner de l’argent avec un licenciement est même devenu, pour certains une « bonne affaire » mais chut ! Il ne faut pas en parler. Alors on a inventé les CDD, avec des règles, des taxes, et des difficultés, puis le licenciement « par consentement mutuel » certainement une bonne chose tant il est utilisé, mais toujours l’objet d’un chantage a l’argent. Du style je veux bien accepter une séparation amiable mais il faut payer sans quoi « les prud’hommes » alors l’entreprise cède.

Avec une telle mesure, voulue par les entreprises, mais aussi par beaucoup de salariés du privé qui réfléchissent à l’avenir, plus besoins de tant de tribunaux de prud’hommes. Ce serait plus de la moitié des contentieux qui disparaîtraient d’un seul coup. Effectivement les syndicats auraient beaucoup à y perdre, les contentieux avec les « patrons » sont leur fond de commerce. Aujourd’hui ces syndicats font de la politique en mettant dans la rue les étudiants et les lycéens, sans réfléchir à la portée de leurs actions. Pour ces syndicats rétrogrades seuls les fameux « avantages acquis » trouvent grâce à leurs yeux, faisant fi de plus de 5 millions de chômeurs, et négligeant le fait que 80% des contrats signés sont des CDD.

Alors si demain nous voulons que les entreprises (et surtout les PME) retrouvent le chemin du recrutement, si nous voulons tirer le marché du travail vers le haut, c’est une réforme en profondeur qui est nécessaire et pas celle proposée qui ne satisfait personne. Les chefs d’entreprises recruteront dès que la possibilité de sortir d’un contrat sera effective et le chômage baissera. Au lieu de cela nos gouvernants, qui ont toujours une taxe au bord des lèvres, vont taxer les CDD, résultat les entreprises n'utiliseront plus le CDD. Nombre de PME n’attendent pas de mesure pour licencier en cas de problème économique, leur seule ambition c’est de ne pas avoir de problème économique. Ils n’attendent pas non plus une bienveillance des prud’hommes ce qu’ils veulent c’est ne pas avoir besoin des tribunaux.

Réformer en profondeur c’est redonner vie a des projets importants pour le développement des entreprises, cela ne va pas non plus sans d’autres réformes. La formation professionnelle pour donner de vraies compétences aux jeunes, la suppression des ces taxes dites sociales qui pèsent sur l’entreprise de façon anormales, plus de 60% de la masse salariale (par l’employeur et le salarié) et d’autre grand sujets.

Cette réforme, personne n’est aujourd’hui capable de la mettre en place, car pour cela il faudrait du courage politique de la fermeté et une véritable volonté d’action. Aucun des prétendants pour 2017 n’a ce potentiel et pourtant, pour ce poste le contrat est un CDD.

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Patrick Crasnier est diplômé en sciences humaines 3eme cycle en psychopathologie, après de longues années passées en cabinet libéral comme psychanalyste, blessé lors d’un attentat terroriste cesse cette activité en 1995. Continue comme photojournaliste, journaliste radiophonique (activités menées conjointement avec celle de psychanalyste depuis 1983) puis comme journaliste rédacteur au journal Toulousain et à l’écho des entreprises. Actuellement photojournaliste correspondant pour l’agence de presse panoramic et rédacteur dans plusieurs revues.

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