La loi Travail n’en finit pas de prendre l’eau. Voici quelques bonnes raisons, pour les patrons, de soutenir tactiquement le mouvement de blocage de la CGT en faveur d’un retrait du texte de loi El-Khomri…
La loi Travail ne suffit pas
Si la CGT s’oppose à la loi Travail parce qu’elle va trop loin, les patrons de TPE et de PME peuvent à juste titreconsidérer qu’elle ne va pas assez loin pour eux, ou alors beaucoup trop loin pour les seules grandes entreprises. Rappelons-le, la loi Travail limite le renversement de la hiérarchie des normes aux seules entreprises disposant d’institutions représentatives du personnel et donc en capacité de négocier. L’écrasante majorité des entreprises sera exclue de ce dispositif et devra compter sur un hypothétique accord de branche pour déroger à la loi.
Cette asymétrie de droits aurait pu être gommée par l’adoption de mesures novatrices sur le mandatement ou sur la transparence dans les branches. Manifestement, le gouvernement ne l’a pas souhaité, de telle sorte que les leviers se sont multipliés pour favoriser les entreprises les moins créatrices d’emploi (accords majoritaires, possibilité de referendum), quand la voie restait bouchée pour les plus dynamiques.
On voit mal pourquoi, aujourd’hui, les entreprises qui seront pénalisées par ce texte devraient lever le petit doigt pour aider un gouvernement dont la concertation, côté patronal, s’est limitée au seul MEDEF.
Le risque du débat parlementaire
À cette insatisfaction s’ajoute un autre risque. La deuxième lecture à l’Assemblée Nationale se fera sous tension. Les « Frondeurs » ont en effet annoncé le dépôt d’une nouvelle motion de censure qui aura, cette fois, toute chance de passer en cas de réutilisation du 49-3. Manuel Valls a donc d’ores et déjà annoncé qu’il n’y aurait pas recours.
Cette information est cataclysmique pour les entreprises, dans la mesure où la deuxième lecture donnera lieu à une profusion d’amendements destructeurs. Les députés frondeurs, qui représentent très exactement 1,5% des électeurs français, devraient in fine résumer la loi aux droits nouveaux négociés par la CFDT et à quelques complications à rebours des intentions initiales affichées par le gouvernement.
Pour les entreprises, il est donc tant d’arrêter la machine à perdre avant la déroute complète.
L’ironie du sort…
L’ironie du sort veut que la contestation en France sévisse au moment où Ernst and Young sort son étude annuelle sur les investissements étrangers en Europe. Pour la France, l’annonce est très mauvaise:
Dans ce contexte, la France en a attiré 598, soit 2% de moins qu’un an auparavant. Il s’agit de la « seule et unique baisse parmi le top 15 européen », souligne EY (ex-Ernst and Young) dans son étude.
En termes d’emplois, le tableau est un petit peu plus réjouissant, ces projets ayant représenté 13.639 emplois, soit 8% de plus qu’en 2014. Toutefois, cette hausse « reste à relativiser par rapport à la dynamique européenne » (+17%), nuance EY.
Point particulièrement préoccupant, « on observe un décrochage fort de la France par rapport à ses deux concurrents », le Royaume-Uni – qui a attiré 1.065 projets – et l’Allemagne – 946 projets -, a déclaré Marc Lhermitte, associé d’EY.
– La France pénalisée par la perception négative de sa fiscalité et de « l’inflexibilité du marché du travail » –
Malgré ses efforts pour améliorer la situation, la France pâtit d’une « perception fortement dégradée » de sa compétitivité-prix dans l’ensemble : « 72% des décideurs internationaux jugent la fiscalité française peu ou pas attractive et 73% déplorent son niveau de charges sociales », indique l’étude.
L’attractivité du pays souffre aussi de « l’inflexibilité du marché du travail », avec 17% seulement des décideurs jugeant la France attractive sur ce point, de son « climat social tendu » et du manque de clarté « de son environnement politique, législatif et administratif ».
Pourtant, la perception de l’attractivité du pays s’est redressée en 2015, avec 80% des décideurs interrogés se disant « plutôt » ou « très satisfaits », soit 12 points de plus qu’en 2014. Mais interrogés sur leurs perspectives d’implantation en France à un an, ils ne sont plus que 24% à dire avoir un tel projet, contre 35% l’année précédente.
Voilà qui se passe de commentaires…
Article écrit par Eric Verhaeghe pour son blog