Ce qui va se passer après l’adoption de la loi santé

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Par Patrick Crasnier Publié le 28 janvier 2016 à 5h00
Loi Sante Systeme Soins France
@shutter - © Economie Matin
10 %Le nombre de médecins généralistes a diminué de 10 % depuis 2007.

Le conseil constitutionnel a rendu sa décision attendue le 21 janvier 2016, il avait été saisi par plus de 60 députés et 60 sénateurs. Cette décision valide dans les grandes lignes la loi de modernisation de la santé, seul le tiers payant généralisé, disposition phare de ce projet a été retoqué en partie.

Le conseil des sages a jugé « non constitutionnel » les dispositions figurant au paragraphe 4 de l’article 83 qui devait rendre obligatoire à compter du 1er janvier 2017 le dispositif de tiers payant. La correction de cet article porte sur la part de tiers payant concernant les organismes d’assurances complémentaires, en un mot la part de remboursement des mutuelles. Le motif invoqué par le conseil constitutionnel étant que ce dispositif n’est « pas assez encadré » le législateur ayant méconnu l’étendue de sa propre compétence.

En clair, le conseil des sages a entériné ce que disent les médecins depuis plus de deux ans, un tiers payant généralisé avec plus de 500 assurances complémentaires différentes est impossible à gérer pour eux. C’est un peu une victoire pour le combat des médecins, mais à la pyrrhus. En effet le tiers payant obligatoire pour la partie de remboursement sécurité sociale est validé. Nous aurons donc en 2017, si le parti élu à ce moment là ne revient pas sur la loi, une espèce de comptabilité d’apothicaires. Les médecins feront le tiers payant pour une partie de la consultation et pas pour l’autre, exemple pour un médecin généraliste : Tiers payant pour 16 euros et quelques centimes et paiement de 6 euros et quelques centimes par le patient.

On peut tout de suite imaginer les complications sans parler des franchises médicales que l’état devra bien récupérer quelque part. Cette victoire qui n’en est pas une montre à quel point ce sujet est compliqué et relève plus de l’idéologie que de la logique. Marisol Touraine a été désavouée dans ce qui lui tenait le plus à cœur, mais où sont les véritables raisons de ce tiers payant ?

Nous pourrions croire que le tiers payant généralisé, objet de tant de controverses, n’est qu’un moyen de « rendre l’illusion de la médecine gratuite » c’est ce que le gouvernement a voulu nous faire avaler. La véritable raison sa cache ailleurs et les professions médicales le savent bien, là encore elles ne se sont pas trompées sur leurs analyses. Supprimer tout paiement par le patient (comme dans les pharmacies) c’est rendre totalement obscur les systèmes de remboursements mis en place. Plus personne ne devait savoir quel était le ticket modérateur d’une consultation (le reste à charge après passage de la sécurité sociale) Le but final de cette opération étant de faire passer « en douceur » le transfert de remboursement de la sécurité sociale vers les assurances complémentaires. Le premier pas déjà acté au 1 janvier 2016, étant de rendre ces assurances obligatoires.

Un camouflet donc pour les petites manœuvres de l’état avec nos systèmes de soins et de remboursement. Nous avons d’ailleurs entendu Monsieur Caniard, président de la mutualité, rêver que ce tiers payant généralisé soit quand même mis en place, appelant les médecins « à leurs responsabilités. Monsieur Caniard oublie une seule chose, la mutualité et son code ne sont plus d’actualité. Globalement les assurances complémentaires obéissent non plus au code de la mutualité, mais au code des assurances. Conséquence immédiate et vérifiable, des tarifs calculés en fonction du risque et plus en fonction d’une mutualisation (les vieux payent plus cher que les jeunes) bientôt des exclusions de risques trop importants comme on le voit pour les prévoyances des indépendants, et des remboursements bloqués si le risque devient trop élevé. Le rêve des assureurs étant de rendre les médecins dépendant financièrement, avec les réseaux de soins, avec les pressions sur leurs paiements.

En résumé les médecins vont devoir continuer le combat pour ne pas que ce tiers payant généralisé obligatoire ne leur soit imposé même en étant retiré de la loi. Le tiers payant existe déjà pour tous ceux qui sont pris en charge a 100% et il fonctionne bien, pour le reste les médecins refuseront d’être pieds et poings liés financièrement par les assurances qui en rêvaient déjà.

Pour le reste des articles de la loi, ils ont tous été validés, ce sera donc l’état qui dirigera la santé en France, le secret médical est mort car personne n’a saisi le conseil constitutionnel sur ce sujet, l’opposition sera donc aussi responsable de cette mort annoncée du secret médical. La liberté de soigner n’existera plus dès l’année 2016, la liberté d’installation non plus. Beaucoup de médecins n’accepteront pas cette « dictature du soin » peut être prendront-ils leur retraite en masse, sans doute certains iront soigner a l’étranger, d’autre se déconventionneront.

La mise en place de cette loi devrait se faire progressivement courant 2016 avec ses décrets d’application, la vigilance s’imposera pour vérifier comment se présentent ces décrets. Une seule chose doit être retenue à ce jour, les médecins libéraux sont dans un piège infernal qui se referme de plus en plus sur eux. Les tarifs dits « opposable » de consultation ou de soins sont bloqués depuis trop longtemps. Nous allons constater après coup que la pression mise sur les honoraires complémentaires pour dissuader le corps médical de les utiliser, sera très sensible dans les cliniques. Les chirurgiens ne pouvant pas travailler au prix qui leur est imposé, les déconventionnement des cliniques sera inéluctable. Comme les assurances complémentaires organiseront les restrictions de remboursement sauf pour ceux qui pourront se payer des assurances chères, la médecine à deux vitesses, tant déconsidérées dans les autres pays, a été inventée en France par les socialistes.

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Patrick Crasnier est diplômé en sciences humaines 3eme cycle en psychopathologie, après de longues années passées en cabinet libéral comme psychanalyste, blessé lors d’un attentat terroriste cesse cette activité en 1995. Continue comme photojournaliste, journaliste radiophonique (activités menées conjointement avec celle de psychanalyste depuis 1983) puis comme journaliste rédacteur au journal Toulousain et à l’écho des entreprises. Actuellement photojournaliste correspondant pour l’agence de presse panoramic et rédacteur dans plusieurs revues.

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