Le décret n°2015-1382 du 30 octobre 2015 relatif à la médiation des litiges de la consommation consacre notamment le droit pour tout consommateur de recourir gratuitement à la médiation en vue de la résolution amiable du litige qui l’oppose à un professionnel.
Depuis le 1er janvier 2016, toutes les entreprises sont donc dans l’obligation de nommer un médiateur de la consommation et d’offrir à leurs clients la possibilité de saisir ce dernier facilement et gratuitement en cas de différend. Si cette nouvelle législation sert grandement l’intérêt des consommateurs, elle peut néanmoins être problématique pour les entreprises qui auront l’obligation d’accepter la médiation quel qu’en soit l’objet et d’en assumer les frais.
Un recours quasi-illimité pour les consommateurs
Les raisons pour lesquelles les consommateurs peuvent avoir recours à la médiation sont nombreuses et peu encadrées par le texte de loi : produit défectueux ou non-conforme, service incomplet ou insatisfaisant, vice caché, pièce manquante, surfacturation, problèmes liés à la livraison, service client injoignable, etc.. De plus, la seule condition nécessaire à la saisie du médiateur est la justification d’une tentative de résolution amiable du litige sans laquelle celui-ci se verra dans l’obligation de refuser le dossier et de rediriger le consommateur mécontent vers le service clients.
En plus d’être gratuit, le recours à la médiation est donc très accessible pour tous les consommateurs, quelles que soient leurs intentions. Ainsi, même un client mal intentionné dont la plainte a été contestée de bonne foi par le service client pourra librement faire appel à la médiation… et le professionnel n’aura pas d’autre choix que de l’accepter.
Des professionnels très peu protégés
Ce genre de recours abusifs peut rapidement coûter cher à un professionnel, le prix de la médiation étant estimé entre 60 euros pour les plus petits litiges et 600 euros pour les affaires plus compliquées. Les entreprises ont donc parfois tout intérêt à céder aux exigences des consommateurs pour éviter des frais supplémentaires, surtout lorsque le montant de la médiation est supérieur à la marge faite sur l’objet du litige ou la prestation réalisée.
La législation, initialement créée pour renforcer le pouvoir des consommateurs, ne prévoit aucune mesure pour protéger les entreprises de ces recours abusifs à l’heure actuelle. Néanmoins, elle donne le droit à toutes les parties de se retirer de la médiation à tout moment sans justification nécessaire. Ainsi, seule reste pour les professionnels la possibilité de se retirer du processus dès son enclenchement. La question de la prise en charge des frais liés au travail préparatoire du médiateur et à l’analyse du dossier dans ce cas de figure reste en suspend. En revanche, rien n’empêchera alors le client de poursuivre l’entreprise en justice.
Dernier pare-feu : le service après-vente
Le meilleur moyen de limiter les recours à la médiation reste bien évidemment d’assurer à ses clients des produits et/ou un service de qualité. Mais les commerçants sérieux et honnêtes ne sont pas à l’abri des recours abusifs. Pour limiter les pertes de temps et d’argent, la solution la plus appropriée reste donc le renforcement du service client dont la mission sera d’abord d’informer les consommateurs en amont puis de les accompagner lors de leurs achats afin de s’assurer que le produit ou la prestation sera conforme à leurs attentes. Le service après-vente, surtout, représente la dernière protection de l’entreprise avant le recours à la médiation. Il est donc essentiel que celui-ci soit disponible, réactif et à l’écoute des clients mécontents afin d’éviter un envenimement de la situation et un recours à la médiation ou même à la justice.
Telle que définie aujourd’hui par la loi, la gratuité totale de la médiation pour le consommateur soulève de nombreuses questions. Dans la mesure où l’entreprise ne peut pas s’opposer à une demande de médiation, il faudra être vigilant face aux utilisations mal intentionnées ou excessives du dispositif par les consommateurs qui pourraient coûter cher aux professionnels. Une surveillance accrue de la qualité des produits et des prestations, ainsi qu’un renforcement des services à la clientèle sont donc de mise. Dans les faits, les entreprises s’opposeront sans doute tout simplement à la médiation en cas de recours frauduleux. Si la loi ne le leur permet pas, elle ne prévoit pour le moment aucune sanction. Il faudra attendre les éventuelles décisions de justice pour avoir une meilleure lisibilité des risques encourus. Force est d’ailleurs de constater que cette nouvelle législation soulève encore de nombreuses interrogations sur son application et il y a fort à parier que de nouvelles règles s’imposeront à l’usage.