Vices et vertus du libre échange

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Par Captain Economics Publié le 6 septembre 2012 à 4h30

En août 2011, l'USITC (United States International Trade Commission) a publié un "petit" rapport de 182 pages intitulé "The Economic Effects of Significant U.S Import Restaints", afin d'estimer les effets sur l'ensemble de l'économie américaine d'une suppression des barrières douanières et restrictions aux importations. Pour le dire autrement, le but de cette étude est de quantifier les effets sur l'emploi, le PIB, le bien-être, les exportations et les importations d'une libéralisation unilatérale de l'économie américaine.

Comme toujours en période de crise, l'opinion publique semble davantage s'orienter vers une plus grande taxation des produits étrangers que vers une plus grande libéralisation des échanges (= baisse des taxes sur les importations). C'est bien connu, l'enfer c'est les autres ! Pourtant, la théorie économique du commerce international montre que le libre-échange améliore le bien-être total de la population. Chaque pays se spécialisant dans le bien pour lequel il a un avantage comparatif, la production totale devient alors plus efficiente grâce à une meilleure allocation des facteurs de production. La baisse des prix induite par une libéralisation des échanges entraîne un surplus pour le consommateur (hausse du pouvoir d'achat), qui est supérieure à la perte pour les producteurs domestiques et à la perte pour l'Etat (via baisse des recettes douanières). Il y a donc un gain net pour la société.

Revenons-en à la réalité. Aux États-Unis, le taux moyen pondéré de taxes sur les importations de biens étrangers est seulement de 1,3%. Ce taux est à un niveau historiquement bas (voir graphique suivant), mais cache pourtant de nombreuses disparités car certains produits comme l'éthanol, le sucre, le tabac ou le textile sont toujours très fortement taxé (fortes barrières douanières ou quotas d'importation).

Taux-Taxe USA

L'USITC a donc créé un modèle d'équilibre général (surnommé USAGE, pour U.S Applied General Equilibrium), afin de voir le gain ou la perte d'une supression totale des taxes daounières sur les produits sur lesquels il existe toujours de fortes restrictions commerciales. Alors gain ou perte ? Suspense... En cas de libéralisation unilatérale, la hausse du bien-être, mesurée par la hausse de la consommation publique et privée, pourrait atteindre 2,6 mds de dollars par an d'ici 2015 ! Le tableau ci-dessous résume les gains secteur par secteur (en millions de dollars).

Libéralisation Echange

"Bon ok, une libéralisation permettrait de baisser le prix des produits importés, et donc d'augmenter le pouvoir d'achat des ménages. Mais cela va clairement détruire de l'emploi, non?"


Il y aura il est vrai une destruction d'emplois dans les secteurs directement concernés par la suppression des barrières douanières (chez les producteurs d'ethanol, de sucre, de chaussures...). Plans de licenciement, fermetures d'entreprises... Bref, de quoi alimenter la Une des journaux pendant quelques semaines! Oui mais, à côté de ces destructions d'emploi, la hausse du pouvoir d'achat des ménages va relancer la consommation et créer des emplois dans de très nombreux autres secteurs.

Le problème principal est que la destruction d'emploi sera concentrée, visible et quasi-immédiate (par exemple une usine de chaussures qui licencie 1.000 employés), tandis que les créations d'emploi seront beaucoup plus diffuses dans le temps et dans l'espace (par exemple 1000 entreprises qui vont embaucher une personne). Au total, selon l'USITC, une libéralisation totale ET unilatérale de l'économie américaine n'aura pas d'effet sur l'emploi total (nui hausse, ni baisse), mais permettra une hausse de la production totale (meilleure allocation des facteurs de production). Les importations et les exportations augmenteront significativement; logique dans une économie plus ouverte.

Elimination Barrière

De plus, si la libéralisation n'est plus unilatérale mais bilatérale ou multilatérale (c'est à dire que d'autres pays dans le monde libéralisent aussi totalement leur économie), alors les entreprises américaines verront une hausse de leurs exportations et donc une hausse encore plus importante de la production et du PIB.

Conclusion: L'idée de protéger son économie en taxant les importations semble séduisante sur le papier, mais ne résiste pas à l'analyse économique. Il existe quelques exceptions pouvant justifier à certains moments de restreindre les échanges, comme par exemple pour protéger une industrie naissante avec un fort potentiel futur de la concurrence étrangère (pour éviter qu'elle ne disparaisse avant d'avoir acquis un avantage comparatif réel). Mais impossible pour un pays de protéger l'emploi sur le long terme en instaurant des barrières douanières. Le Captain' avait d'ailleurs rédigé une tribune sur ce sujet il y a quelques mois, au moment où certains candidats à la présidentielle évoquaient le protectionnisme comme solution à la crise (lire "Tribune: Non à la montée du protectionnisme en France!").

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Doctorant en économie à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et professeur d'économie à l'IESEG Paris, Thomas Renault est le créateur du site Captain Economics, un blog ayant pour but de démystifier l'économie, en abordant cela sans prise de tête ni prise de parti.