Les sombres perspectives du dollar américain

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Par Nick Hubble Publié le 2 mai 2018 à 5h00
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@shutter - © Economie Matin
1971La fin des accords de Bretton Woods a eu lieu en 1971.

Aujourd’hui, examinons le futur du dollar américain en tant qu’étalon des marchés financiers. Si moins de dollars circulent, les marchés vont réagir.

Le dollar est la monnaie de réserve mondiale, la monnaie de la plus grande économie au monde, la monnaie du commerce international et la monnaie de « l’actif sans risque » au niveau mondial. De ce fait, lorsqu’on aborde le sujet du dollar, on aborde également beaucoup d’autres sujets. Au final, en effet, tous les investissements sont exprimés en dollars. Tous les rendements sont mesurés en se référant au rendement du bon du Trésor US, parce qu’il s’agit du taux sans risque. Toutes les matières premières sont exprimées en dollar. Lorsque la Chine achète du minerai de fer à l’Australie, elle le paie en dollars.

On peut considérer le dollar US comme le dénominateur de chaque prix, l’avocat du diable de chaque décision. Et l’alternative de toute comparaison. Résultat : le pouvoir de cette monnaie est immense. Ceci est d’autant plus évident durant une expansion ou un effondrement du marché. Lorsque le marché est en expansion, la valeur du dollar US chute. Lorsque le marché s’effondre, la valeur du dollar augmente. On pourrait comparer la valeur du dollar à celle de l’or à l’époque de l’étalon-or. Lorsqu’ils perdaient confiance dans les marchés financiers, les investisseurs laissaient tout tomber pour se précipiter vers l’or – ce qui mettait la pression sur la valeur de leur monnaie nationale en or.

En général, les gens pensent que la valeur du dollar américain reflète les évolutions des marchés à travers le monde. Mais que se passe-t-il si la situation s’inverse ? Que se passe-t-il si c’est le dollar qui se met à mener les marchés ? C’est ce que nous allons voir aujourd’hui.

Comment les Etats-Unis ont financé la mondialisation

Depuis plusieurs décennies, les dollars américains inondent l’économie mondiale. Le déficit commercial américain traduit le fait que les Américains achètent des marchandises aux autres pays et les payent en dollars. Si un autre pays faisait cela sur une longue période, la valeur de sa monnaie commencerait à chuter, parce que cela correspondrait à une hausse de l’offre de cette monnaie sur le marché mondial. Une monnaie qui chute a un effet de rééquilibrage. Au fil du temps, les importations deviennent plus chères pour les nationaux et les exportations locales deviennent moins chères pour les étrangers. Le déficit commercial finit par se rééquilibrer à mesure que les gens réagissent aux prix.

Mais il semble ne pas y avoir de rééquilibrage pour les Américains. La raison principale est que leur monnaie est très demandée. A mesure que les échanges commerciaux augmentent du fait de la mondialisation, la demande de dollars augmente également. Les dollars qui sortent des Etats-Unis sont absorbés par les autres pays qui cherchent à commercer entre eux. Par conséquent, la valeur du dollar américain ne diminue pas assez pour rééquilibrer le commerce aux Etats-Unis. Avant, on considérait cela comme un privilège. Les Américains vivent au-dessus de leurs moyens depuis des décennies. Ils consomment plus qu’ils ne produisent et se contentent d’envoyer des dollars imprimés à travers le monde. Le problème est que leur monnaie ne les punit jamais d’agir ainsi.

Un changement de perception avec l’arrivée de Trump ?

Toutefois, les perceptions changent. Les Américains ont connu suffisamment de déficits commerciaux. Trop d’emplois sont partis à l’étranger. Et voilà qu’arrive Donald Trump, ses politiques commerciales et ses décisions loufoques. Trump veut inverser le déficit commercial en ajustant les prix de la manière dont le ferait la monnaie. Le problème est que cela ne fera que réduire le commerce et détruire des emplois en Chine au lieu d’en créer aux Etats-Unis. En outre, la position de Trump est un peu bizarre étant donné que le chômage est faible aux Etats-Unis. Le commerce n’est qu’un facteur parmi une longue liste qui font que les industries et leurs emplois ne sont pas durables.

Mais en matière de politique gouvernementale, peu importe ce qui est vrai ou sensé. Le plus important est de créer de l’indignation puis de la canaliser dans les votes. Quoi qu’il en soit, si les Américains parviennent à réduire leur déficit commercial, cela impliquerait une réduction de la quantité de dollars qui irriguent le système. C’est comme si la banque centrale du commerce resserrait sa politique monétaire sur la monnaie du commerce. Moins de dollars circuleraient entre les importateurs et exportateurs dans le monde. Dans ce scénario, la valeur du dollar augmenterait. Ce qui déclenchera probablement une crise.

Pour les pays dont la dette est libellée en dollars, une hausse du dollar rendrait plus difficile son remboursement. C’est comme cela qu’a commencé la crise financière asiatique de 1997. A l’époque, le marché boursier a subi un énorme contrecoup. De manière assez ironique, un dollar plus élevé ne ferait qu’empirer le déficit commercial des Etats-Unis… Mais il n’est pas si clair que nous nous dirigeons vers un dollar plus fort de prime abord. Parce que la politique commerciale américaine n’est qu’une composante mouvante.

La malédiction de l’excédent de dollar

Il fut un temps où la livre sterling était une monnaie de réserve pour une grande zone de commerce. A mesure que la position dans le monde de la Grande-Bretagne déclinait et que la livre laissait la place au dollar américain, les Britanniques se sont retrouvés à la merci de ce que les médias ont appelé « la malédiction de l’excédent de livres sterling ». Du fait que les échanges étaient payés en livres, les pays à travers le monde détenaient de vastes quantités de livres. Mais lorsque la livre ne fut plus la monnaie commerciale privilégiée, ces réserves sont devenues beaucoup moins utiles. On craignait que les pays vendent les livres qu’ils détenaient, déclenchant un effondrement de la valeur de la livre. Tout comme une monnaie de réserve est un privilège parce que cela soutient la valeur de votre monnaie, perdre ce privilège peut devenir une malédiction.

Au final, la Grande Bretagne passa un ensemble d’accords semi-officiels pour empêcher ces pays de laisser tomber la livre. Mais il s’agissait de pays amis. Les détenteurs de dollars américains sont beaucoup moins bienveillants. En fait, il s’agit précisément des pays avec qui Trump cherche la bagarre. Les déficits commerciaux des Américains correspondent de toute évidence à ces pays qui possèdent de grandes quantités de dollars – parce que c’est comme cela que les Américains ont payé leurs déficits. La crainte est que ces pays pourraient se désengager du système de réserve du dollar. S’ils utilisent des yuans ou des euros pour commercer, ce sera le début de la malédiction de l’excédent de dollars.

Voilà pourquoi il est très important de surveiller les développements dans ce domaine. Les Chinois passent de plus en plus d’accords commerciaux libellés directement en yuans avec les exportateurs de pétrole. Ils créent de plus en plus de marchés de matières premières dont les prix sont exprimés en yuans, comme la nouvelle bourse de l’or en yuans. En Europe, l’ambition de l’euro est de devenir également une monnaie importante de commerce. Si le dollar américain commence à perdre sa domination sur le commerce, sa valeur pourrait bien flancher. Cela pourrait terriblement perturber les monnaies, les marchés financiers et les économies.

Le dollar flanche au moment même où le déficit budgétaire flambe

Au même moment, les déficits budgétaires aux Etats-Unis partent en vrille, ce qui met en danger le statut d’emprunt « sans risque » du Trésor américain. Si les bons du Trésor perdent leur position de fondement des marchés financiers, leur demande pourrait elle aussi baisser. Le gouvernement américain ne peut se permettre une hausse des taux. Une fois encore, la Chine est à la manoeuvre. Elle a cessé d’acheter des bons du Trésor US ces dernières semaines. Si l’on rassemble tous ces éléments, on peut tirer des conclusions fort intéressantes. Le socle du commerce international, des marchés financiers et de la géopolitique est le pouvoir du dollar américain, des bons du Trésor américains et des dépenses militaires américaines. Or ces trois éléments sont menacés en même temps. Hausse ou baisse du dollar ? Dans les deux cas, c’est une mauvaise nouvelle.

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Diplômé de la prestigieuse université Bond en Finance, Economie et Droit, Nick Hubble est aujourd'hui chroniqueur pour différentes publications financières en ligne telles que "The Daily Reckoning Australia" et "The Money Life Letter".