Les développeurs et leurs codes : la quintessence de la transformation digitale

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Par Bassem Asseh Modifié le 20 janvier 2019 à 11h49
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@shutter - © Economie Matin

La multiplication de la création de logiciels met plus que jamais les développeurs sur le devant de la scène. Alors qu’auparavant, associés uniquement à de simples lignes de codes, les développeurs transforment désormais non seulement les règles de tous les métiers, mais ils deviennent surtout le moteur de la transition numérique.

Il y a dix ou quinze ans, être développeur de logiciels était le point de passage obligé à la sortie d’une école d’ingénieur, avant d’évoluer vers un autre métier telle la direction de projet. Non seulement « l’informaticien », comme on disait alors, avait une image ringarde, mais il se situait au bas de l’échelle organisationnelle et il était appelé à vite passer à autre chose que le développement. Depuis, les choses ont bien changé : « l’informaticien » est devenu un « développeur », désignation autrement plus efficace. Surtout, le développeur est devenu l’acteur incontournable de la transformation numérique des entreprises, convoité et de mieux en mieux rémunéré.

La transformation des règles du métier en intelligence logicielle

Aujourd’hui, le déploiement numérique des entreprises consiste essentiellement à créer, gérer et optimiser des sites, des applications mobiles ou encore des systèmes d’information d’entreprise (logistique, comptabilité, ressources humaines…). Ainsi, pour un acteur de la grande distribution, cela comprend non seulement le site web où se fait l’acte d’achat, mais aussi toute la logistique interne et externe pour traiter les commandes et les acheminer jusqu’au client. Le rôle des développeurs consiste donc à traduire en intelligence logicielle – in fine en lignes de code – les règles métier définies par la stratégie des entreprises. Il peut s’agir, par exemple, d’une règle marketing qui consiste à recommander des ouvrages de Leïla Slimani à un client ayant acheté un livre de Virginie Despentes, dans le but d’augmenter son panier. Autre exemple : une règle logistique établissant que lorsqu’un client achète une machine à café, celle-ci doit lui être acheminée depuis l’entrepôt le plus proche du lieu de livraison de manière à assurer la livraison en 24 h. Dans ce cas, le numérique aide à fournir un meilleur niveau de service tout en réduisant les coûts de transport.

« Winner takes all » - mais quelle stratégie pour cette victoire ?

Le numérique s’affranchit des deux contraintes qui ont depuis toujours régi les interactions humaines : l’espace et le temps. Dans cette configuration, la rapidité est un facteur capital dans le succès des entreprises à conquérir de nouveaux marchés d’autant plus qu’une règle semble se vérifier dans le numérique : “winner takes all” – le gagnant rafle la mise. Pourtant, nombre d’entreprises n’ont pas encore pris la mesure de l’importance des développeurs et continuent à sous-traiter leurs systèmes informatiques. Au regard du rythme effréné du numérique qui demande une grande réactivité, il est nécessaire que se côtoient les équipes qui conçoivent les règles métiers et celles qui les déploient techniquement. L’intégration organisationnelle des développeurs à une entreprise devient progressivement une condition sine qua non de la réussite de sa transformation numérique, afin que toutes les parties prenantes partagent et mettent en œuvre la même stratégie. Dans The New Kingmakers: how developers conquered the world (O’Reilly), Stephen O’Grady mettait en lumière, dès 2013, cet essor des développeurs : “les développeurs sont le socle qui a le plus de valeur pour les entreprises d'aujourd'hui quel que soit leur secteur d'activité. [...] Les entreprises qui réussissent cherchent perpétuellement un avantage compétitif, un avant-poste qui leur permette de devancer leurs concurrents potentiels. Pour de nombreuses entreprises, les développeurs seront cet avant-poste. Les entreprises qui réussiront dans les dix prochaines années seront celles qui comprennent et apprécient à sa juste valeur l'importance des développeurs.”. Certains PDG d’entreprises, y compris en France, ne reculent désormais plus devant des séances d’initiation au développement logiciel.

La métamorphose de la chaîne de valeur en « boucle de valeur »

Historiquement, à la base du modèle des entreprises ou des secteurs économiques était la chaîne de valeur. Schématiquement, cette chaîne était constituée de maillons successifs : les matières premières, que l’on transformait puis que l’on mettait sur les marchés où la vente des services ou produits finaux générait du chiffre d’affaires. Dans ce contexte-ci l’interaction avec le client n’intervenait qu’à la dernière étape. L’irruption du numérique a bouleversé cette chaîne en établissant un rapport direct entre l’entreprise et le client où il est incité à donner son avis sur les produits ou les services, à chaque maillon, Au lieu d’une chaîne à sens unique, on voit désormais s’établir une “boucle de valeur”, un cercle vertueux qui génère de la valeur grâce à la communication et à l’interaction constantes : le client voit ses préférences prises en compte et l’entreprise collecte en retour ces informations (big data) pour améliorer son offre globale, dans une relation mutuellement bénéfique. Cette boucle de valeur n’est possible que grâce aux équipes de développement qui transforment les règles métiers destinées à affiner la connaissance des clients et à l’amélioration des services et des produits.

Le métier de développeur est aujourd’hui en constante expansion car il n’existe presque plus de secteur économique qui puisse se passer de logiciels: les artisans en utilisent pour concevoir leurs plans, les agriculteurs en utilisent pour semer et récolter, etc. Mais, plus que cela, le métier de développeur est en transformation permanente : de nouvelles technologies et de nouveaux langages apparaissent régulièrement, qui nécessitent de se former et de cultiver sa créativité ; et c’est sans doute ce qui fait la richesse de ce métier, qui commence enfin tout juste à être reconnu à sa juste valeur.

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Après un diplôme d’école de commerce obtenu à Grenoble, Bassem Asseh rejoint le cabinet de conseil Accenture. 4 ans après, il intègre le CNCC en tant que Project Manager, avant de se tourner vers les entreprises éditrices de logiciel Open-Source. C’est ainsi que, après avoir été Directeur France d’Alfresco, il prend la tête de GitHub en tant que Directeur Régional EMEA. En plus de sa fonction chez GItHub, Bassem Asseh est également adjoint du maire de Nantes, chargé du dialogue citoyen.