Les fonds marins abritent d’importantes ressources. Longtemps considérées comme inaccessibles, elles sont désormais à portée de mains pour les États et multinationales capables d’investir massivement dans des projets d’exploration. Mais ces nouvelles opportunités génèrent de nouveaux conflits portant sur l’appartenance des eaux. Ceux-ci, à leur tour, ont entraîné l’émergence d’un droit de la mer. Principalement encadré par les conventions de Genève (1958) et par la convention de Montego Bay (1982), le droit de la mer semble pourtant inefficace pour régler des conflits multilatéraux aux lourds enjeux politiques et économiques.
La Mer de Chine, un enjeu régional
En mer de Chine méridionale aussi, le droit de la mer n’a pour l’instant pas réussi à désamorcer les tensions. Cette mer est revendiquée dans son ensemble ou partiellement par 6 pays, qui convoitent ses ressources naturelles, ses stocks halieutiques comme son sous-sol riche en hydrocarbures, ainsi que les opportunités commerciales : un tiers du commerce mondial transite sur ses eaux. Des considérations patriotiques sont mêlées aux enjeux économiques, et le droit de la mer n’a pour l’instant pas permis de trouver une solution pérenne au conflit.
En juillet dernier, la Cour permanente d’arbitrage à La Haye a tranché un différend entre les Philippines et la Chine, déclarant que cette dernière ne pouvait se prévaloir de « droits historiques » sur les eaux de la région. Mais Pékin avait déclaré à l’avance qu’elle ne reconnaîtrait pas la décision.
Si les espaces marins actuels sont sources de conflits, les futurs espaces qui seront créés par la fonte des glaces entraînent déjà une course à l’appropriation promesse de situations particulièrement tendues…
L’Arctique, un conflit futur à désamorcer dès maintenant
Selon une étude de l’Institut de géophysique américain, l’Arctique contiendrait 13 % des ressources encore non découvertes de pétrole, et 30 % de celles de gaz naturel. À cela s’ajoutent les importantes réserves halieutiques, ainsi que les opportunités que représente l’ouverture de routes commerciales sur un territoire autrefois gelé.
Plusieurs conflits ont émergé autour de la définition des frontières maritimes et des zones économiques exclusives. Ainsi, le Canada, le Danemark et la Russie prétendent tous trois à la souveraineté sur le pôle Nord devant la Commission des Nations-Unies sur le droit de la mer. De même, le Canada est aussi en conflit avec les États-Unis sur le tracé de la frontière maritime dans la mer de Beaufort, qui pourrait contenir de grandes réserves d’hydrocarbures.
Ces pays cherchent à faire valoir leurs prétentions à coup de campagnes scientifiques censées étayer leurs revendications. Le Canada aurait ainsi dépensé 200 millions de dollars dans ses recherches visant à s’approprier le pôle Nord. Les multinationales, aussi, investissent des sommes conséquentes dans leurs activités de prospection — et parfois sans résultat. Ainsi, en juin 2016, Shell a cédé ses droits sur une large zone de l’océan Arctique après avoir dépensé 5 milliards de dollars en forages infructueux.
Créé en 1996, le Conseil de l’Arctique est un organe de coopération regroupant les huit États riverains du cercle polaire ainsi que les représentants des populations autochtones. Malgré cela, il est dépourvu de tout pouvoir contraignant. Et le droit de la mer est bien incapable de trancher dans la cacophonie des voix discordantes des États souverains, des communautés autochtones, des multinationales ou encore des associations de défense de l’environnement.
Les prétentions territoriales des États riverains, mais aussi la revendication d’autres pays de leur droit à la navigation libre, sont source de conflits difficiles à résoudre. Tout comme en mer de Chine, l’Arctique illustre la force des intérêts en jeu, et les clarifications nécessaires du droit de la mer pour que celui-ci puisse répondre efficacement aux tensions. Sans un droit de la mer efficace, certaines situations pourraient devenir critiquent et lourdes de conséquences.