Le propriétaire immobilier, éternelle vache à lait de l’Etat

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Par Patrick Coquart Publié le 22 avril 2018 à 5h00
Emmanuel Macron Immobilier Proprietaires Mesures
@shutter - © Economie Matin
80 %Le gouvernement a décidé d'exonérer 80 % des assujettis à la taxe d'habitation.

Le gouvernement prépare une loi sur le logement qui prévoit de nombreuses mesures, mais sans cohérence d’ensemble.

Appelée modestement Elan (Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique) et présenté en Conseil des ministres le 4 avril 2018, la nouvelle loi logement subira peut-être des aménagements au Parlement. Il serait fastidieux de présenter toutes les mesures de ce projet de loi. Attardons-nous sur les plus emblématiques.

Desserrer un peu le carcan réglementaire…

D’abord, intéressons-nous à celles qui semblent aller dans le bon sens. Le texte soumis au vote parlementaire propose de :

- Faire une pause normative durant le quinquennat (sauf exigences de sécurité). C’est un pas dans la bonne direction. On aurait cependant aimé que certaines des normes existantes soient supprimées. Selon une étude de la Fédération française du bâtiment (FFB) qui date de 2013, les réglementations et les normes ont fait augmenter de 30% en moyenne (entre 23% et 38%) le coût de la construction entre 2000 et 2011. Mais, semble-t-il, c’est chose impossible en France que de « toucher aux acquis ». Un moratoire suffira-t-il à simplifier la vie des bâtisseurs, surtout que celui-ci ne s’appliquera pas quand la sécurité sera en cause ? La sécurité est un argument imparable pour imposer toujours plus de contraintes, comme le renforcement du contrôle technique automobile le prouve.

- Créer un contrat de location d’une durée de un à 10 mois non renouvelable et sans dépôt de garantie pour les logements meublés. Ce nouveau bail viendra compléter le bail meublé existant d’une durée d’un an. Ainsi, si vous avez besoin d’une location pour 11 mois, vous n’aurez pas de solution. N’aurait-il pas été plus simple de rétablir la liberté contractuelle dans l’établissement des baux ? Et de permettre aux bailleurs de se libérer plus facilement des locataires indélicats ?

- Inciter fiscalement à la vente de terrains. Il est vrai qu’aujourd’hui, la rétention foncière est encouragée puisque les propriétaires ont intérêt à attendre 22 ans pour ne pas être imposés sur les plus-values. Le projet gouvernemental prévoit un abattement fiscal de 70% si des logements privés sont rapidement construits sur un terrain et même de 100% si ce sont des logements sociaux. Pourquoi accorder davantage d’importance au logement social ? La France manque-t-elle de logements sociaux, ou plutôt de logements dans les zones tendues ?

… et en même temps aggraver les maux existants

Ce projet de loi comporte aussi nombre de mauvaises mesures, comme celles visant à :

- Construire davantage de logements sociaux. A cet égard, le gouvernement fait siennes les promesses de campagne du candidat Macron, à savoir construire 80 000 logements pour les jeunes durant le quinquennat ; 50 000 logements pour les plus précaires en cinq ans ; 40 000 logements très sociaux par an. Pourtant la politique du logement social menée depuis des dizaines d’années par tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, n’a jamais réglé le problème du manque de logements dans les zones tendues. Au contraire, les quotas de logements sociaux imposés par la loi SRU de 2000 et aggravés par la loi Duflot de 2013 ont plutôt déstabilisé le marché du logement, entravé la mobilité géographique et résidentielle des locataires et renchéri le prix des logements privés.

- Expérimenter l’encadrement des loyers. L’expérimentation existe depuis 2012 dans les zones dites tendues dans lesquelles, lors de la relocation d’un logement ou du renouvellement du bail, l’évolution du loyer ne peut pas être supérieure à l’indice de référence calculé par l’INSEE. L’encadrement des loyers a été en vigueur à Paris et à Lille jusqu’à la fin 2017 après que les tribunaux administratifs ont annulé les arrêtés préfectoraux. On a observé que la mesure avait incité les bailleurs à vendre leur appartement ou à le proposer sur Airbnb plutôt que de le louer de manière « traditionnelle ».

- Renforcer les contrôles et les sanctions en matière de locations de courte durée à des fins touristiques, à l’encontre des loueurs et des sites web intermédiaires. Il s’agit de lutter contre Airbnb et ses concurrents. Mais peut-on aller contre l’air du temps ? Et surtout, peut-on lutter contre ce phénomène en renforçant constamment les droits des locataires au détriment de ceux des bailleurs ?``

Ces quelques mesures sans cohérence soufflent le chaud et le froid sur les propriétaires. En cela, ce gouvernement ne diffère pas de ses prédécesseurs. A force d’interventions publiques, la plupart du temps idéologiques, le marché de l’immobilier est complètement désorganisé en France. Les mesures prises créent des effets pervers et, pour y remédier, l’Etat prend de nouvelles dispositions qui ne font qu’ajouter au désordre.

Taxer les résidences secondaires

Comme si cela ne suffisait pas, voilà que le député Jean-René Cazeneuve (LaREM) déclare dans Le Figaro que les plus aisés devront participer au financement de la suppression de leur taxe d’habitation. Cela devient une habitude. N’a-t-on pas fait payer aux entreprises le remboursement de la taxe sur les dividendes annulée par le Conseil constitutionnel ?

Le gouvernement a décidé d’exonérer 80% des assujettis à la taxe d’habitation. Il sait que le Conseil constitutionnel veille à ce que cette disposition ne crée pas une inégalité et qu’il se réserve le droit de s’emparer à nouveau du sujet « en fonction de la façon dont sera traitée la situation des contribuables restant assujettis à la taxe d’habitation dans le cadre d’une réforme annoncée de la fiscalité locale » à horizon 2020.

Pour éviter tout incident, le gouvernement envisage donc la suppression totale de cette taxe, et son remplacement par une nouvelle taxe sur les résidences secondaires. Celles-ci, déjà surtaxées, pourraient donc l’être davantage encore afin de trouver huit milliards d’euros.

Taxer les plus-values sur la résidence principale

Ne croyez surtout pas qu’une alternance politique serait favorable aux propriétaires. Début avril, il m’a été donné d’assister à un colloque portant sur la mobilité, l’emploi et le logement. Parmi les intervenants figurait Benoist Apparu, secrétaire d’Etat puis ministre délégué au Logement dans les gouvernements Fillon entre 2009 et 2012. Il occupe aujourd’hui un poste de dirigeant dans le groupe Action Logement, un organisme paritaire chargé de gérer la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC, l’ancien 1% Logement).

Benoist Apparu a abandonné pour l’instant la vie politique mais reste néanmoins maire de Châlons-en-Champagne ; il se spécialise dans le logement. Quelle est l’idée géniale cet « expert » ? Tout bêtement de taxer les plus-values sur la résidence principale. Car pour l’ancien ministre, il n’est pas normal que certains s’enrichissent lors de la vente de celle-ci. François Mitterrand, qui fustigeait ceux « qui s’enrichissent en dormant », a donc fait des émules à droite. Le « spécialiste » du logement oublie simplement que ce sont les politiques publiques qui sont, en majeure partie, responsables de la hausse de l’immobilier car elles créent la pénurie.

Ces attaques contre l’immobilier, venant de tous les bords politiques, n’ont qu’une explication : la mort programmée (par les politiques) de l’automobile et des carburants dérivés du pétrole va priver l’Etat de milliards d’euros de rentrées fiscales. Il devient donc urgent de les remplacer. L’immobilier – ou plus exactement le propriétaire immobilier – semble le candidat idéal. D’où ces mesures qui semblent incohérentes, et qui visent d’abord à favoriser l’investissement (aides à la pierre : PLA, PTZ, Pinel, etc), pour ensuite le taxer lourdement. Attendez-vous donc à d’autres attaques en règle contre vos biens non meubles, par définition difficiles à cacher et à délocaliser. Et demandez-vous s’il n’est pas temps de repenser votre stratégie d’investissement. Pour plus d’informations, c’est ici et c’est gratuit

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Patrick Coquart est rédacteur et essayiste. Il collabore avec plusieurs think tanks sur des questions d’économie et de politiques publiques. Par ailleurs, il prête sa plume à des entreprises pour les aider à produire des contenus éditoriaux originaux (études et rapports, livres blancs, etc.). Auparavant, il a travaillé dans une organisation patronale puis un organisme paritaire avant de rejoindre le secteur du conseil en management, ressources humaines et relations sociales.