Le Mois Sans Tabac, défi national lancé aux fumeurs en novembre pour les inciter à essayer d’arrêter de fumer, vient de se clôturer. La sixième édition a connu une forte chute des inscrits. Une tendance qui se confirme depuis 5 ans. Ils ont été 100 000 cette année, contre 250 000 pour l’opération de 2016. Cette baisse d’affluence peut mettre en lumière l’incapacité du gouvernement français à agir efficacement contre le tabagisme.
Chaque mois de novembre depuis 2016 a lieu l’opération Mois Sans Tabac initiée par Santé Publique France et le ministère de la Santé. Il s’agit d’un défi collectif visant à inciter tous les fumeurs à arrêter de fumer pendant 30 jours avec le soutien de leurs collègues de travail et de leurs proches. Depuis sa création, plus de 900 000 personnes ont participé à l’opération. L’édition 2021 n’a cependant réuni que 100 000 participants, contre 250 000 en 2016. Comment expliquer cette chute ? Est-elle révélatrice d’une politique inefficace du gouvernement vis-à-vis du tabagisme ? Précisions.
Le Mois Sans Tabac : version française du « Stoptober » anglais à succès
L’initiative du Mois Sans Tabac est une expérience inspirée d’un dispositif similaire qui existe en outre-Manche depuis 2012 : Stoptober (contraction de « Stop » et « October ». Mis en place par le Public Health England (PHE), il fonctionne sur le même principe : une incitation à arrêter de fumer tous ensemble pendant un mois, en octobre. Ce défi de 30 jours sans cigarettes s’explique dans le fait que les symptômes de manque sont considérablement réduits et les chances d’arrêter définitivement sont 5 fois supérieures qu’au début de la période de sevrage.
Si la France s’est inspirée des Anglais, c’est que le Stoptober est un véritable succès. Le nombre de participants anglais ne cesse de croître depuis 2012. Selon l’Independant British Vape Trade Association (IBVTA), l’opération britannique a permis plus d’1 million de tentatives d’arrêt de tabac depuis sa création. Si le Mois Sans Tabac a fonctionné au démarrage, il s’affaiblit au fil des années. 250 000 participaient étaient comptabilisés en 2016. Puis 200 000 en 2019. Ils sont seulement 100 000 aujourd’hui.
Un effet d’appel qui disparait progressivement
Le Stoptober mise sur le « Personnal Quit Plan ». Il propose à chaque fumeur une méthode personnalisée pour l’accompagner à arrêter. L’opération s’appuie sur l’association de plusieurs substituts et la vape. Le ministère de la Santé britannique a annoncé que 63% des fumeurs choisissant la cigarette électronique comme méthode de sevrage ont réussi à arrêter en 2019. D’après le PHE, ce substitut nicotinique est celui qui connaît le plus grand succès au Royaume-Uni, avec 3,3 millions de vapoteurs réguliers. 900 000 anglais ont réussi à stopper totalement la cigarette et la vape en 2019.
La popularité constante du Stoptober, en contraste avec l’affaiblissement du Mois Sans Tabac, peut donc se traduire par une approche politique différente vis-à-vis des enjeux de réduction des risques dans la lutte contre le tabagisme. Alors que l’Angleterre plaide pour la mise en avant des alternatives aux cigarettes classiques dans la lutte contre les méfaits du tabac, la France mise plutôt sur un certain nombre de mesures comme le paquet neutre, l’interdiction des arômes, ou encore le prix du tabac.
Une politique publique française en matière de tabagisme dans l’impasse
De toutes les politiques menées durant le quinquennat d’Emmanuel Macron, le combat contre le tabagisme a été l’une des plus ambitieuses. La stratégie du Président de la République s’appuie sur un principe de base : la dissuasion par l’argent. En trois ans, le prix moyen d’un paquet de cigarettes a augmenté de 50%, à la suite d’une dizaine de relèvements des taxes. Cette politique a certes ses bénéfices, avec 1,5 millions de fumeurs en moins sur deux ans d’après Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santé.
Cependant, nous pouvons questionner les limites, confrontées aux réalités diverses, de l’efficacité d’une lutte contre la prévalence tabagique basée uniquement sur la fiscalité. Selon l’Institut des politiques publiques (IPP), un centre d’études universitaires indépendants lié à la Paris School of Economics, ces prix du tabac renforce les inégalités dans la mesure qu’elle conduit à appauvrir encore plus les Français les plus démunis.
Baser toute sa politique sur la hausse des prix renforce également les ventes de tabac dans les régions frontalières. La Seita, Société nationale d’exploitation industrielle des tabacs et allumettes dénonce l’explosion de l’évasion commerciale des fumeurs qui franchissent la frontière pour acheter leurs cigarettes nettement moins chères, taxes françaises obligent. « Ces achats à l’étranger génèrent chaque année 2,5 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales pour l’Etat Français et incitent simplement les fumeurs français à sortir du réseau des buralistes, pas de la cigarette », déplore Basile Vezin, porte-parole de la Seita.
Cette envolée des prix participe également au fleurissement de la criminalité organisée. L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) indique que la France est le premier marché européen des cigarettes illicites issues à la fois de la contrefaçon et de la contrebande. L’OFDT précise que ce marché représente entre 14 et 17% de la consommation de tabac de l’hexagone. Ce sont également 10 milliards d’euros de recettes fiscales qui sont perdus chaque année dans les pays de l’UE à cause de ce marché parallèle, selon l’Office européen de lutte antifraude (OLAF).