L’inflation peut-elle vraiment décoller malgré le chômage ?

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Par Simone Wapler Publié le 9 décembre 2016 à 5h00
Inflation Union Europeenne Marches Croissance
@shutter - © Economie Matin
0,5 %L'inflation dans l'Union européenne a grimpé de 0,5 % environ cette année.

L’inflation remonterait selon les journaux et M. Le Marché semble y croire pour de bon. Cet impôt dont rêvent nos grands argentiers peut-il réellement nous frapper avant que la pyramide de mauvaises dettes ne s’effondre ?

L’inflation remonterait, même en Europe. M. Le Marché semble croire pour de bon à son retour. Du coup, les rendements obligataires remontent également, les 80 milliards d’euros de rachats mensuels de la BCE ne suffisent pas à calmer totalement le jeu.

L’inflation – l’impôt qui ne dit pas son nom – est une bête étrange et sournoise. Autrefois, quand la monnaie était métallique, tout était assez simple. L’inflation pouvait se produire de deux façons. Soit les métaux affluaient dans un pays (cas de l’Espagne et du Portugal au XVIème siècle qui rapportaient de l’or et de l’argent des Amériques) ; cette abondance de monnaie se traduisait assez vite par une hausse généralisée des prix qui essaimait ensuite dans les autre pays.

Soit un souverain en manque d’argent rognait ou avilissait la monnaie pour faire croire qu’il y en avait plus. Au bout d’un moment, le bon peuple ouvrait les yeux et augmentait les prix de façon à s’y retrouver. De nos jours, la monnaie étant majoritairement du crédit, le processus qui crée l’inflation est beaucoup plus compliqué à suivre. Dans la Zone euro, malgré les finances publiques désastreuses de la plupart des pays et une création monétaire (de crédit) sans précédent, la hausse des prix a été contenue.

On ne peut pas dire qu’un rythme annuel de 0,5% d’augmentation soit signe d’une grande fébrilité… Pourquoi cette modération, alors que la masse de crédit (monnaie) disponible a augmenté de façon faramineuse dans le même temps ? Parce que la monnaie (crédit) ne circule pas, est l’explication la plus couramment avancée. Elle resterait bloquée dans le système financier. Parce que le chômage maintient la pression sur les salaires est l’autre explication avancée.

Malgré ces deux explications, cette masse monétaire, au service des déficits publics, alimente aussi les « transferts sociaux », les allocations versées par les Etats providence et financées par le déficit. Ce qui est, au final, source d’inflation puisque des gens peuvent ainsi dépenser de l’argent qu’ils n’auraient pas eu autrement et qui n’existe pas réellement.

Ensuite, si les rendements obligataires des emprunts souverains montent dans certains pays mais sont maintenus artificiellement au plancher en Zone euro, les investisseurs étrangers ne voudront plus stocker de l’euro et ne seront donc plus acheteur de cette monnaie. La baisse de l’euro se traduira donc par une hausse des produits importés (pétrole) et donc de l’inflation importée. Il y a là deux causes possibles d’inflation.

Il est très difficile pour un seul esprit, même avec une batterie de statistiques sophistiquées, de prévoir les réactions de millions d’individus. Chacun vit avec son inflation. Chacun constate de son côté des hausses de dépenses contraintes (assurances, impôts et taxes, énergie,…) qui ne sont pas fidèlement reflétées par les indices des prix. Tous ceux qui travaillent dans le secteur concurrentiel font le gros dos pour encaisser ces hausses et les revendications salariales sont mises sous boisseau par le chômage.

L’Uber inflation est de 20%

Je suis cliente d’Uber et j’ai apprécié l’irruption de ce prestataire compétitif dans une capitale en manque de taxis. J’ai reçu – comme tous les clients d’Uber – la nouvelle grille de tarification.

L’inflation Uber est donc de 20% sur le prix minimum, 20% sur le prix de base, 20% sur le prix à la minute et 5% sur le prix au kilomètre. Il y a probablement dans cette hausse surtout le prix de la tracasserie administrative pour avoir attaqué la rente des taxis. Je ne pense pas que le salaire du chauffeur Uber évolue dans les mêmes proportions (je le leur demanderai, pour en avoir le coeur net). Qui va gagner de l’inflation ou de la déflation (destruction de la pyramide de mauvaises dettes que personne ne pourra rembourser) ? L’inflation peut-elle réellement décoller dans un pays comptant 10% de la population au chômage ?

L’hyperinflation est-elle possible dans un pays où les moyens de paiement sont dématérialisés, les gens enfermés dans le circuit bancaire ce qui limite la fuite devant la monnaie ? Je n’ai pas encore les réponses et c’est pour cette raison que je conserve de l’or. Nous aurons ces réponses à la fin de cette grande expérience dont nous sommes les cobayes. Cette expérimentation verra probablement la fin du créditisme et de l’Etat providence.

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Simone Wapler est directrice éditoriale des publications Agora, spécialisées dans les analyses et conseils financiers. Ingénieur de formation, elle a quitté les laboratoires pour les marchés financiers et vécu l'éclatement de la bulle internet. Grâce à son expertise, elle sert aujourd'hui, non pas la cause des multinationales ou des banquiers, mais celle des particuliers. Elle a publié "Pourquoi la France va faire faillite" (2012), "Comment l'État va faire main basse sur votre argent" (2013), "Pouvez-vous faire confiance à votre banque ?" (2014) et “La fabrique de pauvres” (2015) aux Éditions Ixelles.