Le journal Le Monde relaye une décision du Conseil constitutionnel selon laquelle un gardé à vue est désormais contraint par la loi de donner son code pour déverrouiller son smartphone, sous peine de poursuites, ce qui serait contraire au droit de se taire. La décision fait suite à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Tout gardé à vue doit donner le code pour dévérouiller son smartphone
Le Conseil constitutionnel oblige désormais toute personne en garde à vue à donner son code pour déverrouiller son téléphone, dans une décision - passée totalement inaperçue - le 30 mars, comme le relaie Le Monde, dans son édition du lundi 16 avril. Cette décision fait suite à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), portant sur l’article 434-15-2 du code pénal qui punit de trois ans d’emprisonnement et de 270.000 euros d’amende le refus de remettre aux autorités judiciaires « une convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit ».
« Cet article, apparu dans la loi antiterroriste de novembre 2001 qui avait suivi les attentats du 11 septembre 2001, est aujourd’hui utilisé pour tout type de délit », précise Le Monde. L'avocat, Karim Morand-Lahouazi, à l'orgine de la question, estime que cette obligation est contraire au droit de se taire. Reste à savoir si la décision du Conseil constitutionnel sera suivie par la Cour européenne des droits de l’Homme qui consacre le fait de de ne pas s’auto-incriminer, poursuit le quotidien.
Le droit au silence en question
Toutefois, maître Eolas, pseudo d’un avocat-blogueur nuance sur RTL.fr : « Si on prend garde, l'infraction ne s'applique pas si un officier de la police judiciaire demande en garde à vue de lui communiquer le code ». Et d’ajouter qu'il faudrait que le gardé à vue ne réponde pas « non » pour refuser de donner son code, mais plutôt : « Je garde le silence ». L'avocat au barreau de Paris en conclut que « le droit de garder le silence est une parade efficace dans un premier temps ».
Le représentant du gouvernement à l'audience a reconnu que « la seule interprétation qui permette de rendre cet article conforme à la Constitution est de dire qu’elle exclut son application à des personnes suspectées d’avoir elles-mêmes commis une infraction », selon le quotidien. On pourrait ainsi exiger le code auprès d'un tiers mais pas auprès de la personne incriminée, qui a droit au silence. Mais le Conseil constitutionnel s'en est donc tenu à une interprétation plus sécuritaire, déclarant l'article litigieux du code pénal conforme à la Constitution : « Les dispositions contestées ne portent pas atteinte au droit de ne pas s'accuser ni au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances ».