De longs cheveux, une barbe de trois jours, un look de rockeur, difficile de passer inaperçu pour cet ovni de l’internet. Le fondateur de vente-privee.com est une figure atypique de l'entreprenariat français. Sa plateforme rassemble chaque jour plus de deux millions de personnes.
69ème fortune française en 2013 avec 750 millions d’euros, élu « Businessman de l’année » par le magazine GQ en 2010, puis « personnalité de l’année » en 2011, Jacques-Antoine Granjon est le ponte du web français. Pour se hisser au sommet, il laisse derrière lui un parcours chaotique, mais qui fera de lui le self-made man qu’il est aujourd’hui.
Un démarrage difficile
Des études à Saint Louis de Gonzague, le diplôme de l’European Business School (EBS) en poche, 20 000 francs prêtés par son père et JAG, comme le surnomment ses proches, fonde Cofotex, avec un ami de l’EBS, sa première société en 1985.
Spécialiste du déstockage, Cofotex rachète des vêtements invendus et les déstocke. L’affaire fonctionne bien et en six ans, Cofotex se hisse au rang de leader européen avec un chiffre d’affaires de 80 millions de francs, puis 200 millions en 1999. En 1996, Jacques-Antoine rachète les anciennes imprimeries du Monde, sur la Plaine Saint-Denis et y installe le siège de sa société, laquelle deviendra par la suite Vente-privee.com
Etonnamment, à ses débuts, JAG rencontre des difficultés sur la toile. En 2000, il investit 1 million de francs et acquière 20% du capital d’une plateforme internet jouant l’intermédiaire entre soldeurs et marques : Just trade It. Six mois plus tard l’entreprise fait faillite. « Je n’y ai pas vraiment cru, mais les deux jeunes fondateurs m’avaient juré que leur concept allait tuer mon business », se rappelle le PDG.
Vente-privée : l’invention d’un modèle ... un peu trop tôt ?
Au lancement de son site vente-privee.com en 2001, Jacques-Antoine traverse encore des embûches. Son concept révolutionnaire de déstockage en ligne avec des ventes flash, laisse à la fois les consommateurs et les marques perplexes. « C’était le début du Web, les clients n’osaient pas laisser leur numéro de carte bleue », raconte l’un des sept fondateurs. D’autre part, les marques avaient à cette époque, peur d’écorner leur image sur le net. « Les gens n'étaient pas tous équipés en ADSL. Avant que le déclic se produise, cela nous a coûté plus que cela nous a rapporté, mais nous avons persévéré », reconnaît Jacques-Antoine. Le site enregistre des pertes record, jusqu’à 300 000 euros en 2003. Une idée novatrice, lancée un peu trop tôt peut-être.
Le site démarre réellement en 2004, grâce à la vente de lingerie. Une vente d’un stock de sous-vêtements féminins, Lise Charmel, est organisée. Tout est écoulé en un laps de temps record. Année après année, son site enregistre alors une croissance fulgurante de son chiffre d’affaires. 3,3 millions d’euros en 2003, 21 millions en 2004, 436 millions en 2007 et aujourd’hui 1,3 milliards d’euros. Un succès hors du commun.
Peu à peu, l’entreprise s’attaque à de nouveaux secteurs : voyages, bouteilles de vin, places de concerts, etc. Le site devient vite le fleuron du déstockage sur le Web. En 2006, Vente-privee s’attaque au marché européen. En 2012, au marché américain, grâce à une association avec le groupe American Express.
« Le modèle vient de mon métier d’origine, soldeur. J’ai juste utilisé l’outil Internet pour être plus efficace » confesse JAG. « Proposer des produits de marque avec un discount incroyable, cela intéresse forcément tout le monde » poursuit le PDG de Vente-privee. Les clés du succès s’expliquent par la relation soignée qu’entretient le site avec le client, la mise en scène de produits de qualité et la décote proposée sur la plateforme.
À ce jour, le site gère 13 millions de membres, plus de 1900 collaborateurs dans le monde, et expédie 75 000 colis par jour. Avec deux millions de visiteurs uniques journaliers selon Médiamétrie, c'est le premier e-commerçant généraliste français.
Un patron de gauche, tourné vers l’avenir
« Un capitaliste à tendance sociale » comme il le dit lui-même. Politiquement marqué à droite (ce dernier a voté pour Nicolas Sarkozy aux élections de 2007), JAG revendique une image de patron de gauche et se dit très proche de Didier Paillard, maire communiste de Saint-Denis. En 2010, face à un mouvement de grève de ses employés, Jacques-Antoine se rend sur place et négocie directement les revendications sociales avec son personnel. « Les conditions de travail dans les entrepôts se sont nettement améliorées depuis », note un délégué syndical CFDT.
JAG est un homme tourné vers l’avenir : le 25 octobre 2013, avec la présence d’Arnaud Montebourg, ministre du Redressement Productif, et de Sylvia Pinel, ministre du Commerce, JAG lance « Miam Miam », un site dédié à l’alimentaire qui met en avant les produits du terroir français. La plateforme permettra de créer « quelques centaines d'emplois directs et d'emplois induits auprès des petits producteurs » annonce l’entrepreneur.