Le 16 novembre 2016, la Cour d’appel de Chambéry aurait pu reconnaître à un salarié la qualité de lanceur d’alerte en renversant la décision de première instance mais a considéré que les faits ne s’y prêtaient pas. En parallèle, par une décision du 8 décembre, le Conseil constitutionnel a validé la définition de lanceur d’alerte donnée par la loi et la procédure à suivre, considérées trop restrictives par certains.
L’exemple de l’administrateur réseaux de Tefal
Employé par la société Tefal depuis 20 ans, un administrateur réseaux ayant un droit d’accès à l’ensemble des serveurs fichiers a découvert en 2013 des documents laissant entendre que la société exerçait des pressions sur une inspectrice du travail. L’administrateur réseaux l’a contactée anonymement et lui a transmis ces documents. Les syndicats salarié et la presse ont été alertés, et l’affaire a notamment fait la Une du journal l’Humanité : « Révélations : Tefal veut briser une inspectrice du travail ».
En réaction, la société Tefal a déposé des plaintes pénales contre l’administrateur réseaux et l’inspectrice du travail en cause. Une enquête a été ouverte, et Ils ont finalement tous deux été condamnés par le Tribunal correctionnel en décembre 2015. Pour leur défense devant le juge d’appel, ils ont revendiqué le statut de lanceur d’alerte qui était alors en cours de reconnaissance par les autorités législatives.
Des juges d’appel rejetant une « défense type lanceur d’alerte »
Les chances de succès de cette stratégie de défense étaient meilleures dans le cas du salarié, ayant trouvé par hasard ces documents dans le cadre de ses fonctions et qui ne le concernaient pas directement. La société a tout de même mis en avant qu’un conflit l’opposait à l’administrateur réseaux au moment des faits. Il réclamait en effet le paiement d’heures supplémentaires et avait découvert un projet de licenciement le concernant.
C’est dans ce contexte que la Cour d’appel a estimé que l’administrateur réseaux mis en cause s’était rendu coupable d’atteinte au secret des correspondances et de maintien frauduleux dans un système informatique. L’inspectrice du travail a été condamnée des chefs de recel et de violation du secret professionnel. Ni l’un ni l’autre n’iront en prison et leurs peines respectives s’élèvent à environ 5.000 euros, ce qui n’est pas si sévère.
Un mode d’emploi complexe pour être lanceur d’alerte au sens de la loi
Cette décision de la Cour d’appel de Chambéry peut dissuader les potentiels lanceurs d’alerte-salariés de passer à l’action, puisqu’elle démontre que l’ombre d’un procès plane toujours. Mais les dispositions de la récente loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique sont dorénavant amenées à guider leur démarche. Le statut de lanceur d’alerte est dérogatoire et les conditions pour accéder au statut protecteur de lanceur d’alerte sont en conséquence strictes.
La loi prévoit en effet une procédure de signalement de l'alerte en trois phases successives. Le premier signalement doit s’adresser à l'employeur, le second auprès d'une autorité administrative ou judiciaire. Ce n’est qu’en l’absence de traitement de l’information à ce stade qu’il est possible de dénoncer les faits publiquement. L’alerte doit concerner un préjudice grave pour la société, et non une simple menace et doit être donnée par une personne physique désintéressée et de bonne foi. Cela a été validé par le Conseil constitutionnel dans une décision du 8 décembre dernier.
En conclusion, si l’année 2016 a été marquée par une reconnaissance certaine du statut de lanceur d’alerte par les autorité publiques, il apparaît toujours difficile d’échapper à une condamnation pénale pour ceux qui s’en prévalent.