Le film de Stanley Kubrick, 2001 l’Odyssée de l’Espace, au sein duquel une intelligence artificielle nommée HAL dialoguait librement avec l’hôte d’un vaisseau spatial a profondément marqué l’image collective des intelligences artificielles. Cette oeuvre émet l’hypothèse qu’un jour nous disposerons de véritables systèmes intelligents dotés de raison et capable de converser avec des humains.
Les principaux acteurs du marché ont récupéré ce fantasme collectif à travers des orchestrations plus ou moins réussies de super calculateurs dialoguant avec des humains. Les cas ne manquent pas, ainsi l’on a pu voir Watson remporter une manche du jeu télévisé Jeopardy ou encore Mark Zuckerberg échanger avec l’IA Jarvis. Mais sommes nous bien dans le réel ou dans des mises en scène d’ordinateurs dressés comme des singes savants ? Se demander s’il est possible de dialoguer librement avec une IA revient à s’interroger sur la question de la compréhension par ces systèmes de notre langage naturel.
Pas de compréhension sans un apprentissage du contexte
Une intelligence artificielle comprend-elle ce qu’on lui dit ? Pour répondre à cette question il convient de prendre du recul et d’acter que ces technologies se trouvent très clairement à une croisée de chemins. Les IA reposant uniquement sur des algorithmes apprenants, et donc sur des méthodes statistiques, peuvent être entraînées pendant des mois, elles ne pourront jamais interpréter avec une précision de 100% des éléments de dialogue ou des textes rédigés. La langue est éminemment contextuelle. C’est cette notion de contexte, de sens et donc de sémantique qui est la clé de la compréhension. Prenons un exemple pour mieux illustrer notre propos. Pour qu’une intelligence artificielle puisse comprendre que la phrase les scorpions ont terrassé les crocodiles mardi dernier ne renvoie pas à un reportage animalier mais au compte rendu d’un match de la coupe d’Afrique des Nations opposant le Lesotho à la Gambie, il est nécessaire de le lui apprendre via une base de connaissance. Ces bases, ou graphes de connaissance, permettent à l’IA de donner une signification à des termes en fonction de leur contexte.
Les IA sont des automates avant d’être des intelligences
Si les bases de connaissance les plus évoluées comptent près de 2 millions d’entrées, l’on est encore très loin du compte pour couvrir l’ensemble des significations possibles du langage naturel. S’interroger sur la taille d’une base de connaissance permettant à une intelligence artificielle de dialoguer librement avec un humain est contre productif. Le problème ne repose pas ici. Les IA doivent être comprises pour ce qu’elles sont : des automates qui réalisent des tâches données. Elles automatisent des processus dans des configurations bien définies. Ainsi Jarvis a été entraînée à donner les réponses attendues par Mark Zuckerberg : gérer la domotique de sa maison familiale, rien de plus. Le terme intelligence est in fine trompeur car il est rapporté à nos propres facultés cognitives, à notre usage du langage et donc à l’idée de raison.
Perspectives de l’intelligence artificielle
Les recherches en intelligence artificielle sont désormais menées main dans la main avec des spécialistes du langage naturel. Dès le milieu des années 70, les premières tentatives de modélisation du langage relevaient le besoin de concilier structure et sens. La voie actuelle qui consiste à nourrir les IA de bases de connaissance contextualisées porte ses fruits. C’est ainsi que les banques et les assurances sont désormais capables de traiter de manière automatique de plus en plus de flux documentaires. De la même manière, les robots en ligne déployés pour la gestion de la relation client traitent un nombre toujours plus important de demandes. Les assistants virtuels, naguère peu convaincants, permettent désormais de répondre à un nombre croissant de requêtes. La recherche en intelligence artificielle avance de plus en plus vite. Les applications de l’IA liées au langage naturel sont de plus en plus présentes dans notre quotidien. Chaque jour, la distance qui nous sépare d’une maîtrise du langage naturel par des ordinateurs se réduit.