Repenser la solidarité pour réduire les inégalités de santé

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Par Didier Castiel Modifié le 25 juin 2013 à 5h09

Comment concilier solidarité et contrainte budgétaire dans notre système de santé ? Une réflexion sur une question épineuse : les inégalités de santé. Et une réponse en trois questions.

Un système de santé presque solidaire

En matière de santé, il est illusoire de croire que dans le pays des droits de l'homme, un homme égale un homme. Chacun naît avec un capital initial de santé qui lui est propre. Ce capital santé fluctue dans le temps et il se détériore avec l'âge, de façon différente pour chacun. Dans un système non solidaire, il appartient à chacun de s'arranger avec son état de santé, en fonction de son niveau de revenu. Il est clair qu'un individu plus aisé pourra plus facilement qu'un patient pauvre, accéder à des soins qui amélioreront son capital santé et ce, à pathologie comparable. Cette différence d'accès aux soins repose à la fois sur une question de revenu, mais aussi de culture : un patient plus aisé comprend mieux l'intérêt d'investir dans son capital santé et sait mieux utiliser les traitements.

A défaut de pouvoir égaliser les états de santé entre tous (l'espérance de vie d'un cadre est de 6 ans supérieure à celle d'un ouvrier), notre système de santé pallie ce manque en égalisant les droits à la santé : l'accès aux soins. Un système solidaire est celui qui permet un accès à la santé égal pour tous, quelque soit le niveau de revenu ou la condition sociale. Ce qui se traduit par : A chacun selon ses besoins !

Des inégalités qui perdurent

Malgré un système solidaire, les inégalités perdurent. Pire, la crise du financement actuelle est de nature à remettre en cause le principe de solidarité en réservant le financement (ressources devenues rares) aux patients dont l'amélioration de l'état de santé est la plus significative, laissant de côté les moins malades ou encore ceux dont les problèmes sociaux sont plus importants que les problèmes médicaux. Nos travaux de recherche ont montré que les patients les plus pauvres consultent aux urgences, non pas parce que leur état de santé nécessite une prise en charge rapide, mais tout simplement, parce que les soins dispensés sont gratuits. On oublie que l'hôpital, sous couvert du médical, a assuré avant tout une prise en charge sociale des personnes, notamment défavorisés. L'hôpital a d'abord été un hospice : lieu d'accueil des indigents.

Notre étude réalisée auprès d'une population hospitalisée dans un CHU parisien montrent les facteurs d'inégalité. C'est ainsi que les plus défavorisés se présentant à l'hôpital, avant de présenter des problèmes de santé, ont avant tout un problème de revenu faible, de confort intérieur du logement déficient lorsqu'il existe. Leur demande n'est pas celle d'une prise en charge médicale, mais plutôt d'un hébergement. Le problème de santé sous-jacent n'est que le prétexte en vue de demander un hébergement. Il s'agit d'une demande sociale et non médicale.
L'exclusion médicale est justement la remise en cause de la réponse à cette demande sociale, sous couvert de problèmes de financement.

Une solution médicale et sociale pour plus de solidarité

On a choisi de développer un système curatif avec un fort niveau de médecine hospitalière : on compte plus de 400 000 lits d'hospitalisation contre moins de 60 000 lits d'hébergement social. Depuis les années 1970, la réponse médicale s'est substituée à la réponse sociale. A l'époque l'hôpital en avait les moyens. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. La solution serait de transformer une partie des lits d'hospitalisation jugés excédentaires en lits d'hébergement social (moins chers et plus appropriés à la demande des patients défavorisés). Cependant, les besoins sociaux ne sont pas les mêmes dans toutes les régions. Une approche en territoires de santé est nécessaire. Ce qui signifie que le médical et le social doivent à l'avenir œuvrer ensemble. Par exemple, il est concevable qu'un patient défavorisé souffrant d'un problème de santé soit hospitalisé. Une fois le problème clinique réglé, le rétablissement doit se faire en hébergement social et non plus à l'hôpital. La consolidation ne peut intervenir quand la sortie de l'hôpital est... la rue. Cette deuxième structure est moins coûteuse que l'hôpital et répond au mieux aux besoins du patient.

Bref, nous proposons de fusionner le médical et le social pour apporter une réponse adaptée aux besoins de tous, à un moment donné. Une révolution culturelle ? Non, simplement repenser la solidarité à l'aune des évolutions socio-économiques de notre système de santé. C'est la condition de la réduction des inégalités de santé.

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Didier Castiel est enseignant-chercheur en économie de la santé à l'Université Paris-Nord 13 (UFR Santé, Médecine et Biologie Humaine). Il s'intéresse plus particulièrement aux questions de solidarité et d'inégalités dans le système de santé. Ses derniers travaux de recherche portent sur l'allocation des ressources en faveur des plus défavorisés, dans une démarche de préservation de la solidarité. Site internet : www.castiel.eu

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