Une récente étude de BPI France place de front, parmi les leviers de la relocalisation industrielle mise à l’agenda par la crise sanitaire, la sortie « d’une logique unique de coûts » et le choix d’une « tendance durable en phase avec la transition climatique ». L’industrie aurait donc vocation à devenir écologique, pour ainsi dire de son propre mouvement. La perspective est séduisante. Elle demande à être nuancée.
Le secteur de l’énergie, un exemple type des enjeux en présence
Non pas que de grands progrès ne soient pas actuellement réalisés. À commencer dans l’énergie, sans doute le secteur où le sentiment de l’urgence d’agir est le mieux partagé. Les exemples dont la division Industrie de SPIE Industrie & Tertiaire peut directement témoigner sont nombreux. Nous intervenons tantôt pour accompagner le déploiement à grande échelle de technologies mâtures, comme l’éolien offshore au large de Saint-Nazaire qui alimentera bientôt en électricité un cinquième des foyers de Loire-Atlantique, tantôt pour faire progresser des prototypes, comme ces ombrières photovoltaïques compatibles avec l’activité agricole. Par nature, la production d’énergies renouvelables est localisée et, leurs coûts de revient rivalisant désormais avec les autres sources d’énergie, leur développement ne peut que s’accélérer.
Le cas de l’hydrogène est représentatif des défis que doit encore relever l’industrie, tous secteurs confondus. Justement parce qu’il permet de stocker puis de redistribuer l’électricité renouvelable produite au gré des éléments, le développement de l’hydrogène vert paraît inéluctable. Le problème est qu’il reste aujourd’hui trois à quatre fois plus cher que l’hydrogène gris, issu de ressources fossiles. Il faut donc accompagner son décollage, comme il a fallu accompagner ceux de l’éolien et du solaire. Avec un plan d’actions doté de 7 milliards, l’État fait sa part du chemin. Ces aides s’ajoutent aux nouveaux systèmes de pilotage et de monitoring qui permettent d’hybrider autant de technologies que nécessaire pour créer, à l’échelle des sites, des mix économiquement acceptables.
Volontarisme écologique à concilier avec pragmatisme économique
Car, qu’on le veuille ou non, l’industrie ne peut pas faire l’économie du pragmatisme. On lui a parfois reproché de n’être guidée que par les coûts pour obtenir le temps de retour sur investissement le plus court possible. Elle n’était que le reflet d’une époque avide d’une croissance plus quantitative que qualitative. Il me semble que nous n’en sommes plus tout à fait là. Quand on considère l’exemple tant débattu de la valorisation boursière de Tesla – valorisation dont le rapport avec le nombre de véhicules vendus se retrouve parfois inversée en comparaison des autres constructeurs – on mesure combien, dans les esprits, la notion de performance économique s’est transformée, intégrant à un degré jamais atteint le fait d’être « dans le sens de l’histoire ». Les Chantiers de l’Atlantique s’apprêtent ainsi à mettre à l’eau un prototype de paquebot à voiles rigides dotées d’un pilotage automatique électrique pour réduire de 40% les émissions de CO2 de ce type de navire. Le retour sur investissement n’est pas pour demain mais le message de ce leader mondial est clair quant à sa détermination à créer les conditions de sa pérennité.
Ce message vaut d’ailleurs autant pour l’interne que pour l’externe, alors qu’il reste difficile pour l’industrie de recruter les talents dont elle a besoin. Je suis frappé de trouver de plus en plus souvent, dans les CV des jeunes ingénieurs qui sortent des meilleures écoles, la « transition écologique » ou les « énergies vertes » rangés parmi les hobbies, aux côtés des voyages ou de la musique, ce qui en dit long sur la charge affective qu’ils y associent.
L’intégration de ces nouveaux talents reste donc pour nous un levier majeur qui nous permettra d’être un exemple et un leader dans une industrie volontaire, solidaire et responsable.