En avril 2019, un groupe d’activistes écologique a déversé devant la devanture d’H&M, symbole phare de la Fast Fashion, pas moins d’1,5 tonne de vêtements usagés pour protester contre le désastre environnemental de l’industrie du textile. Deuxième industrie la plus polluante au monde, la liste des récriminations à son égard est longue : pollution, gaspillage des ressources, atteinte aux droits humains.
Aujourd’hui, sa responsabilité est également avérée dans le changement climatique prochain. Selon l’ADEME, la mode émet en effet chaque année 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre, soit davantage que les vols internationaux et le trafic maritime réunis. Pourtant connue depuis des années, la surconsommation de vêtements continue de se heurter à l’inertie de nombreux consommateurs et consommatrices avides de renouveler leurs collections. Et si une part de responsabilité incombait également au consommateur ? Et si consommer responsable, c’était aussi prendre conscience à un moment donné, de notre propre responsabilité en tant que consommateur au bout de la chaîne de valeur ?
La mode en prend pour son grade
C’est presqu’enfoncer des portes ouvertes que d’avancer que l’industrie de la mode a un bilan humain et environnemental calamiteux. A qui la faute ? La politique de la Fast Fashion adoptée par l’ensemble des grandes chaînes planétaires de prêt-à-porter qui a instauré un système du « tout rapide » et « du tout jetable » pour un seul objectif : renouveler coûte que coûte leur collection jusqu’à deux fois par semaine à des prix dérisoirement bas.
On connaît les travers de cette course folle. A commencer par les dégâts humains. En effet, la production est rendue possible par l’exploitation d’une main d’œuvre à faible coût, pour ne pas dire infantile et migrante. Zara, Celio et H&M sont des enseignes connues pour l’exploitation des enfants réfugiés syriens dans leurs ateliers turcs.
Le coût environnemental est lui aussi préoccupant. Rien qu’un jean puise jusqu’à 10 000 litres d’eau. Selon l’ADEME, la production d’une chemise en coton de 300 grammes nécessite d’extraire 79 fois son poids en matières premières. Pour des matières qui ne sont pas recyclables et finissent calcinées. Selon le World Resources Institute une benne d’habits brûle dans le monde toutes les secondes.
Une inertie irresponsable
A raison, la Fast Fashion subit depuis quelques temps les foudres médiatiques. Ce coup de projecteur récent ne cache pourtant pas un phénomène qui date. Connu depuis une bonne décennie, il continue de faire face à une forte inertie du consommateur aux mœurs matérialistes ancrés. Et qui a fait du bonheur un idéal consumériste à atteindre.
Car en dépit des problèmes, nous achetons en pleine conscience deux fois plus de vêtements qu’il y a dix ans. Au cours d’une vie, certains vêtements ne sont portés que 7 à 10 fois. Et les ménages français dépensaient en 2018, 39 milliards d'euros en articles d'habillement selon les chiffres de Consoglobe. Lors du passage en caisse, les problématiques du Bangladesh nous semblent toujours aussi loin et pas de notre ressort.
Mais si taper du poing sur les affres de Fast Fashion est légitime, que faisons-nous pour changer la donne ? Accuser le diktat de la mode, c’est aussi un moyen de déresponsabiliser nos lubies consommatrices et nos actes d’achat qui ne correspondent à aucun tangible. Mais repose en une croyance : acheter beaucoup de vêtements rendrait plus heureux. Or une étude de Greenpeace a démontré le contraire. Si la Fast Fashion nous incite à changer notre garde-robe au moins 4 fois par an, il est aussi de notre ressort de ne pas suivre sa dynamique.
Une affaire de responsabilité personnelle
En 2019, il ne fait plus de doute que la transformation profonde du secteur de la mode passera par des métamorphoses structurelles dores et déjà émergentes (économie circulaire, consommation responsable, Slow fashion, upcycling etc.). Mais elle s’accompagnera aussi d’un engagement personnel du consommateur qui prend le poids et la mesure de sa propre responsabilité dans la chaîne de consommation : un consommateur qui fait le choix de s’engager personnellement pour s’habiller autrement.
Car oui, le problème de la mode est aussi une affaire de responsabilité personnelle. En prendre conscience est le premier pas. Sans acte il n’est pas suffisant. Acheter d’occasion, sensibiliser ses amis, responsabiliser ses proches, intégrer le réflexe de la seconde main dans l’intention d’achat, revendre ses vêtements sur des plateformes, échanger entre particuliers. Ou encore surfer sur la vague du Do It Yourself pour concevoir ses propres vêtements, sont tout autant de petits gestes engagés et responsables qui à terme pourront faire changer nos société de paradigme.
L’industrie de la mode exploite les ressources environnementales tout autant que les hommes. Il lui appartient de changer. Il nous appartient d’accompagner ses transitions dans une démarche responsable, responsabilisante qui met en avant les bienfaits de l’échange, du partage, du faire plaisir et du recyclage textile.