Impôts en France : Trop c’est trop !

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Par Marc Touati Modifié le 12 novembre 2018 à 11h53
Impots Defiscalisation Annee Blanche
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45,3%En 2017, le poids des prélèvements obligatoires était de 45,3% du PIB en France.

Trop c’est trop ! La France a beau être le deuxième pays au monde dans lequel la pression fiscale est la plus forte, cela ne semble pas suffire à ses dirigeants. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2017, le poids des prélèvements obligatoires était de 45,3 % du PIB, juste derrière le Danemark (45,9 %) et loin devant le numéro 3, en l’occurrence la Belgique (44,2 %), la moyenne de l’OCDE se situant à 34,3 %.

Impôts : la France, bientôt premier pays européen

A l’évidence, avec la nouvelle taxe sur les carburants et les autres dont on ne parle pas, tout est fait pour que la France passe à la première place dès 2018. Seulement voilà, comme dit la sagesse populaire : on ne tond pas un œuf. Certes, ce nouveau dérapage fiscal n’est pas l’apanage du Président Macron et de ses équipes. D’ailleurs, depuis quarante ans, les années passent, les gouvernements changent, mais malheureusement, les erreurs restent les mêmes. En effet, en dépit du bon sens, les dirigeants politiques de l’Hexagone essaient toujours de résoudre les problèmes économiques et financiers de la France par la même mesure : l’augmentation des impôts. A chaque fois, c’est la même ritournelle : on crée un impôt, souvent présenté comme temporaire, pour colmater une brèche, mais le « temporaire » devient du « permanent » et de nouvelles brèches apparaissent.

Ce n’est d’ailleurs pas étonnant que la France ait souvent été l’instigatrice de nouveaux impôts, qui furent ensuite exportés à travers le monde. Le plus célèbre est évidemment la Taxe sur la Valeur Ajoutée. Créée en 1954 par Maurice Lauré uniquement pour les grandes entreprises, elle fut très vite appliquée au Commerce de détail en 1966 par Valéry Giscard d’Estaing, alors Ministre des Finances. La TVA devient alors une « vache à lait » pour les finances publiques françaises, dans la mesure où elle constitue un impôt indolore car directement appliqué au prix des produits achetés. Elle constitue ainsi l’impôt le plus lucratif, mais aussi le plus inégalitaire puisqu’il est payé de la même façon quels que soient les revenus. Mais peu importe, la recette est trop bonne et le taux de TVA va être constamment augmenté : initialement fixé à 17,6 %, son taux normal va passer à 18,6 % le 1er avril 1991, puis 20,6 % à compter du 1er août 1995. Seule exception à la règle du « toujours plus d’impôt », ce taux va redescendre à 19,6 % le 1er avril 2000, pour revenir néanmoins à 20 % dès 2014. Il reste ainsi l’un des plus élevés du monde.

Quand le temporaire devient définitif : les cas de la CSG et de la CRDS

Mais l’inventivité de l’administration fiscale ne s’est évidemment pas limitée à la TVA. Ainsi, la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers), les cotisations exceptionnelles sur les alcools et tabacs, les taxes sur les assurances, sur l’immobilier, sur le patrimoine et autre ISF, devenu IFI cette année, ont alimenté les comptes publics depuis des années. Mieux, ou plutôt pire, deux impôts déterminants vont être créés dans les années 1990 pour combler le trou de la Sécurité Sociale. A chaque fois, le discours et les bonnes intentions sont les mêmes : l’impôt est temporaire et sera supprimé dès que les comptes sociaux seront assainis. Quelle arnaque ! Car ces deux impôts sont la CSG, créée par le gouvernement Rocard en novembre 1991, puis la CRDS en 1996 par le gouvernement Juppé. Dans les deux cas, la recette de l’impôt est encore plus « formidable » que d’habitude puisque son assiette concerne tous les revenus et qu’il est directement prélevé à la source. Et là encore, le « temporaire » va devenir du « définitif ».

De plus, la CSG-Rocard et la CRDS-Juppé confirment, s’il en était besoin, que la volonté d’augmenter les impôts en France dépasse les clivages politiques. La nouvelle hausse de la CSG par Emmanuel Macron en 2018 ne fait d’ailleurs que le confirmer. Cette volonté néfaste est en fait ancrée dans les gênes de nos dirigeants politiques et de nos hauts-fonctionnaires, pour qui la résolution d’un déficit ne peut pas passer par une baisse des dépenses, mais uniquement par une augmentation des impôts. Ce comportement à sens unique est tel que l’on dénombre aujourd’hui plus de 400 impôts et taxes dans notre douce France, qui est d’ailleurs logiquement devenue l’un des pays au monde où la pression fiscale est la plus forte et la plus complexe.

L'augmentation d’une pression fiscale va mécaniquement casser la croissance

Mais ce n’est pas tout, car même lorsque nos dirigeants annoncent des baisses d’impôts, ces derniers continuent d’augmenter. Ce fut par exemple le cas avec le deuxième mandat de Jacques Chirac, au cours duquel une baisse des taux d’imposition sur le revenu a certes été pratiquée, mais a été plus que compensée par l’augmentation des impôts locaux. Avec Sarkozy, la vraie-fausse suppression de la taxe professionnelle (TP) nous a encore montré que le marketing fiscal français était particulièrement puissant, puisque cette taxe a été remplacée par la Contribution économique territoriale (CET). Par charité, nous ne parlerons évidemment pas du mandat Hollande qui a écrasé davantage les contribuables français. Enfin, comme nous le craignions dès son élection, le Président Macron n’a fait qu’emboiter le pas de ses prédécesseurs, compensant la baisse de certains impôts par l’augmentation d’autres ou par la création de nouveaux. De quoi affaiblir une croissance déjà structurellement molle, voire de susciter une crise sociétale sans précédent.

Et c’est cela qui est inacceptable : car l’augmentation d’une pression fiscale qui est déjà l’une des plus élevées du monde va mécaniquement casser la croissance. Pire, elle risque d’inciter certaines personnes physiques et morales à franchir le pas de la délocalisation. « Manque de patriotisme » diront certains. Peut-être. Mais, dans un monde ouvert, on ne peut pas se voiler la face en pensant qu’une aggravation et une complexification permanente des impôts depuis plus de trente ans seront constamment acceptées sans rechigner. En vertu de l’adage historiquement vérifié du « trop d’impôt tue l’impôt », il est donc à craindre que la nouvelle hausse de la fiscalité en France réduira l’assiette fiscale et par là même les recettes de l’Etat. De ce fait, elle finira par accroître le déficit public, donc la dette, puis les taux d’intérêt, ce qui ne manquera pas d’affaiblir la croissance, donc d’aggraver encore le chômage et le déficit… et le cercle pernicieux continuera jusqu’à ce que les dirigeants français comprennent enfin que la France sera bientôt affectée par une nouvelle crise de la dette publique et in fine par un mouvement de défiance nationale et internationale durable.

Article écrit par Marc Touati ici

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Marc Touati est économiste, auteur du "dictionnaire terrifant de la dette", paru aux Editions du Moment, Président du cabinet ACDEFI, Maître de conférences à Sciences Po Paris.  

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