Alors même que le gouvernement songe à instaurer le prélèvement de l’impôt à la source dès 2018 - à défaut de 2017 comme souhaité au départ - de nombreuses contraintes, liées notamment à la singularité que présente chaque foyer fiscal, apparaissent clairement.
Si la méthode peut être efficace et simple à mettre en place dans le cas d’une personne célibataire, percevant uniquement des revenus issus d’un seul employeur, elle ne l’est plus dès lors que le foyer fiscal compte plusieurs personnes ou que d’autres sources de revenus entrent en compte… sans parler de tous les avantages particuliers, comme les crédits d’impôts, par exemple.
Une opération compliquée à mettre œuvre et qui pose un problème de confidentialité
Le sujet a été maintes fois pensé, débattu et envisagé au cours des quinquennats précédents. Et pour cause… S’il est jugé indispensable pour certains - la France reste l’un des derniers pays de l’OCDE à ne pas l’avoir instauré -, pour d’autres (plus lucides ?), le projet est une aberration.
Premier problème évoqué par ces derniers : sa mise en œuvre qui fait actuellement débat au plus haut niveau. De quelle manière l’Etat va-t-il procéder pour instaurer ce prélèvement à la source sans léser le contribuable, ni voir sa dette augmenter en concédant une année blanche dépourvue d’impôt ? Dans l’incapacité d’engager concrètement le prélèvement à la source en 2016 ou 2017, la mise en place progressive de la procédure dès 2018 qui s’étalerait sur trois ou quatre ans est l’une des propositions qui pourraient être retenues par le gouvernement. Grâce à cet étalement, la double imposition (faire payer au contribuable à la fois l’impôt de l’année N-1 et celui de l’année N), ne serait heureusement plus de mise.
Ce dispositif pose toutefois un autre problème relatif à la protection de la confidentialité des informations fiscales du contribuable. En effet, qu’il s’agisse de l’employeur ou du banquier, le tiers payeur chargé de prélever le montant de l’impôt au moment du versement au contribuable des revenus sur lesquels porte l’impôt sera informé de la situation personnelle du contribuable (nombre de parts ; autres sources de revenus existantes…). Qu’en est-il de la confidentialité de sa situation économique, de sa situation fiscale ? L’employeur ne sera-t-il pas tenté de limiter une augmentation de rémunération considérant les salaires globaux du ménage ? Tout ceci peut se révéler très délicat pour le contribuable.
Une méthode qui ne favorise pas la valeur travail : quelle est le prix de ce qui passe inaperçu ?
Avec l’instauration d’un tel dispositif la valeur travail est, elle aussi, malmenée. En effet, comment le contribuable peut-il prendre conscience de la valeur de l’impôt s’il ne le voit « plus passer » ? Dès lors qu’il n’a plus conscience de l’importance de l’impôt qui résulte en partie des revenus découlant de son travail, son œil est moins critique. Le risque subsidiaire qui en résulte concerne principalement le salarié qui n’aura plus conscience, à terme, de la réelle pression fiscale à laquelle il est soumis. A l’instar des charges (CSG, notamment) qu’il occulte totalement, du fait qu’elles sont ponctionnées directement sur sa rémunération, il finira par faire abstraction de l’impôt prélevé.
On peut imaginer que c’est bien là l’idée générale du gouvernement actuel : fusionner charges sociales et impôt sur le revenu dans le but de ne plus pouvoir dissocier les deux. Ce qui, dans le cas des non-résidents, par exemple, permettra de leur faire payer des charges sociales sans qu’un contrôle préalable puisse être facilement effectué.
A travers ces dérives, le contribuable perdra de vue, à terme, la responsabilité qui est la sienne : vérifier ce qu’il doit ou non payer au titre de l’impôt. Bien entendu, il en gardera le pouvoir mais en perdra forcément l’usage. Et la démarche citoyenne qui consiste à déclarer ses revenus n’aura dès lors plus de valeur !
Si, à première vue, ce dispositif, proposé au nom de la modernité, va dans le bon sens (gain de temps pour le contribuable, limitation des éventuelles erreurs lors de l’établissement de la déclaration préalable…), il cantonne le contribuable à un rôle passif, l’empêchant de gérer librement ses affaires privées, y compris sa propre imposition fiscale. En quelque sorte, le meilleur des mondes.