France : pourquoi l’impôt sur le revenu est-il injuste ?

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Par Marc Albert Chaigneau Modifié le 18 juillet 2012 à 6h32

L’impôt sur le revenu (ex des personnes physiques) a été conçu pour être un impôt juste.

Fondé sur l’idée de l’égalité des citoyens dans leur contributionaux charges de la collectivité. Nombreux sont ceux qui disent et pour certains qui croient sincèrement, que c’est un impôt juste parce qu’il frappe les contribuables (citoyens assujettis à l’impôt) proportionnellement à leurs revenus du fait de sa progressivité. Les plus bas revenus en étant exonérés, les plus haut payant, sur la tranche de revenus la plus élevée, le taux le plus fort. Sur le plan théorique : c’est exact et juste.

Sur le plan pratique, dans la réalité concrète, il en va autrement.

Comme la plus grande partie de notre législation et selon la conception qui prévaut au sein des administrations, les citoyens ne sont pas traités de façon égale, mais uniforme. S’il est tenu compte des différences des montants de revenus, de certaines de celles concernant leur nature, la fiscalité ne tient jamais compte de la réalité de l’impact de l’impôt sur la situation du citoyen. Alors que c’est, au moins pour ce dernier, la principale conséquence de l’impôt, son vécu.

En effet, qu’y a-t-il de commun entre le fait, pour un ménage modeste, d’acheter ou non, une nouvelle paire de chaussures, ou de payer un séjour de vacances à un enfant, avec celui, pour une ménage très aisé, de placer une somme légèrement supérieure, dans une assurance vie, en bourse, ou de s’offrir un bijou, ou un voyage, plus coûteux ? Et pourtant les conséquences d’une charge fiscale supplémentaire sont de cet ordre. Avec évidemment une plus grande diversité et des nuances. En outre, et c’est là où la différence est encore plus grande, si un salarié ou un retraité n’a aucune maîtrise du montant et de la nature de ses revenus, il en va tout autrement des autres catégories sociales. A l’extrême et ceci a suffisamment défrayé la chronique, il est clair que les dirigeants de sociétés décident librement, avec l’accord des directoires, conseils d’administration ou de surveillance, de percevoir une rémunération fixe, proportionnelle, intéressement, « stock-options », avantages en nature, ou autres, qui modifieront radicalement la fiscalité qu’ils auront à assumer.

Ainsi, considérant le principe de la progressivité de l’impôt par rapport au revenu, l’exonération des plus modestes, les tranches, les seuils, les parts, qui paraissent juste. On doit constater qu’il ne pourrait l’être que si, et c’est là que le bât blesse, le « revenu » était une chose uniforme, ou qui ne connaîtrait pas de véritable différence de nature. L’expression monétaire l’uniformisant et non pas l’harmonisant, de façon complètement artificielle et contraire à la réalité du vécu. Il est possible d’en rester là.

De considérer que ces différences de natures constituent des obstacles insurmontables et que le système est « le meilleur possible ». Qu’il faut seulement essayer d’en réduire les injustices les plus choquantes, ou « criantes ». Il est également possible d’aller plus loin, à condition de remettre en cause le système. Ce que presque tout le monde s’interdit, par peur de l’inconnu, par manque de référence et surtout parce que ceux qui connaissent suffisamment le système pour pouvoir en faire une analyse critique font partie des bénéficiaires (J’en fais partie et ne m’en cache pas). S’il est impossible d’uniformiser les revenus, il ne serait pas très compliqué de modifier les modes de contribution.

Pour cela, il est une première étape indispensable mais qui constituerait un changement radical : l’abandon du paramètre financier comme étalon universel.

J’ai dit ailleurs, de nombreuses fois et notamment dans « Crise financière ou de société ? », tout le mal que je pense de la monnaie en tant qu’instrument de mesure. Rappelons quand même que c’est un instrument de mesure variable. Dont le cours change tous les jours et que je trouve extraordinaire que personne ne s’en émeuve, en imaginant les scandales qui pourraient résulter du fait de changer le poids du kilo ou la longueur du mètre tous les jours. Ce d’autant plus que la loi, le « cours légal de la monnaie », interdit d’en tenir compte. Comment a-t-il été possible d’inventer un système aussi absurde ? Comment est-il possible que personne ne le dénonce ? La chose me stupéfie.

Renonçant à ce paramètre, comment imaginer un mode de contribution aux charges communes ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Des charges communes à la collectivité, la commune, le département, la région, la nation. Et non des charges de « l’Etat », qui n’est que le représentant de la nation, ou des « collectivités » qui ne représentent qu’un certain nombre de citoyen et un territoire. S’il n’y a plus de paramètre financier, il ne reste d’autre solution que la contribution en « nature ». En produit ou en temps de travail, voire, pour ceux qui en feraient le choix, en monnaie qui retrouverait sa nature de moyen d’échange sans redevenir un « instrument de mesure ». Je ne mésestime pas les difficultés qu’il y aurait à mettre en place un tel système. Néanmoins, c’est le seul que j’ai pu imaginer qui soit susceptible de tendre vers une justice fiscale véritable. Qu’il est, assez curieusement, parfaitement conforme aussi bien à l’esprit qu’à la lettre de la « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ». Que rien ne s’oppose à une mise en œuvre progressive à partir de la situation existante, sans rien détruire, mais en faisant progressivement évoluer, il ne me semble pas utopique.

Imaginons donc que chaque citoyen, dès l’âge de seize ans, voire avant, consacre le quart de son temps, dix heures par semaine, au service de la collectivité. Certains, aidant les camarades plus jeunes à faire leurs devoirs. Les grands parents, retraités, ne s’occupant pas seulement de leurs petits enfants, mais de ceux des voisins, des camarades de classe. D’autres encore, accomplissant une partie des tâches nécessaires et « impossibles à financer », du système social ou de la justice, selon les désirs et les aptitudes de chacun. Aussi longtemps que l’état de santé le permettrait, sans qu’il soit question de « retraite », pour aller végéter dans des « mouroirs ». Ne plus se voir « imposer », par une administration impersonnelle, insensible et aveugle.

Mais « contribuer » selon ses désirs, ses capacités, ses compétences. Ne serait-ce pas le moyen de mettre en œuvre cette « solidarité », dont on nous rebat les oreilles pour mieux nous racketter et nous asservir ? Ne serait-ce pas le sens d’une véritable fraternité, fondatrice d’une égalité qui le serait vraiment ? Je ne brigue aucun mandat, je ne soutiens aucun candidat. Je vous demande seulement d’y réfléchir. Profondément, sérieusement.

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Marc Albert Chaigneau a été conseil de sociétés et avocat d'affaires, puis responsable juridique pendant 35 ans. De 1974 à 1998, il procède ainsi à des centaines d'analyses de sociétés, les suivant depuis la création jusqu'à la liquidation, en passant par les fusions, cessions, restructurations. Cette expérience l'a conduit à analyser méticuleusement la société dans laquelle nous vivons. Son dernier essai De la révolution à l'inversion*, publié en janvier 2014 aux éditions Edilivre propose un nouveau projet de réforme de la société. Un modèle préférable à la révolution en ce qu'il ne nécessite ni violence, ni destruction, mais seulement l'inversion d'un certain nombre de nos comportements. Inverser les comportements, pour cela inverser les raisonnements, les analyses, les rapports personnels et professionnels en se basant sur le principe de subsidiarité. Avec cet ouvrage, l'auteur nous donne les clefs pour la mise en œuvre d'une véritable démocratie : la démocratie directe, dont beaucoup avaient rêvé, mais à laquelle ils avaient renoncé, la croyant impossible à mettre en œuvre. Il nous montre comment elle serait accessible, mais nous prévient qu'elle ne le sera jamais qu'à des citoyens responsables.