L’économie immobilière américaine

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Par Nicolas Tarnaud Modifié le 19 mai 2016 à 14h03
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0,25%Selon une étude de l'Université de Virginie, chaque fois que les prix immobiliers augmentent de 1%, l'économie américaine s'améliore de 0,25%

La politique monétaire des années 2000

Aux États-Unis, la sensibilité entre l’immobilier résidentiel et le niveau des taux d’intérêt a toujours été très forte. L’économie immobilière américaine s’est comportée de manière paradoxale durant les années 2000. Le président de la FED, Alain Greespan, a mis en place des taux directeurs faibles afin d’influer sur la croissance américaine au lendemain de la bulle internet et des conséquences du 11 septembre 2001. Cette relance s’est faite par le crédit à des conditions jamais vues. Les taux directeurs de la FED sont passés de 6,5% fin 2000, à 1% en 2003. Le loyer de l’argent était si bon marché que les propriétaires ont arbitré l’actif de leur résidence principale, secondaire, ou locative en refinançant leurs actifs par des « refinancing », des « home equity loan » ou des « home equity line of credit ». Ils ont réinjecté ces liquidités dans l’achat de voitures neuves, de voyages, ou la rénovation de leur maison. Cette politique monétaire durablement attractive a dopé la demande de logements face à une offre moins abondante dans les états les plus urbanisés. Les taux bas ont augmenté le nombre de propriétaires [même les plus modestes] et impacté le marché immobilier neuf et ancien.

Depuis le gouvernement de Clinton en 1992, les instances américaines ont assoupli l’accès au crédit hypothécaire afin d’étendre l’accès à la propriété à l’ensemble des américains [incluant les profils les plus risqués]. Les activités de crédit hypothécaire ont impacté le marché obligataire et celui de la titrisation. Ces énormes injections de liquidités ont dynamisé les marchés actions, hypothécaires et immobiliers entre 2002 et 2007. En quelques années, des bulles financières et immobilières se sont formées. Entre 2000 et 2006, les prix de l’immobilier américain ont augmenté de près de 60% en termes nominaux. Le taux directeur de la FED est passé à 5,25% en 2006 afin de limiter l’inflation de la bourse et de l’immobilier. Cette augmentation des taux directeurs était négative pour les emprunteurs les plus vulnérables. En effet, les prêts immobiliers à taux variable étant indexés sur les taux de la FED, les emprunteurs ont vu leurs mensualités exploser à cause de la hausse de ces taux directeurs [les taux de leur prêt n’étaient pas limités, « capés » à la hausse]. Les défauts de paiement de millions de ménages américains ont entrainé des saisies immobilières en cascade.

Entre janvier 2007 et décembre 2011, il y a eu plus de 4 millions de saisies immobilières américaines [foreclosure] alors que 8,2 millions étaient toujours en cours. Ainsi, dans certaines villes des états du Nevada et de la Floride, les prix immobiliers ont chuté au-delà de 50%. Les États-Unis ont été témoins de la faillite de Lehman Brother [15 septembre 2008] et de la crise monétaire et obligataire durant cette même année. Les conséquences financières et psychologiques aux États-Unis seront immenses. Le regain d’aversion au risque a entrainé de nouvelles tensions sur les marchés actions et interbancaires mondiaux. Afin que la crise ne s’installe durablement, la FED a rabaissé de nouveau ses taux directeurs afin de relancer l’économie américaine dans les meilleurs délais. De la crise des subprime à 2016, l’économie américaine se porte aujourd’hui beaucoup mieux.

L’économie américaine

En ce mois de mai 2016, les États-Unis sont plus que jamais, la première économie mondiale. La croissance américaine est toujours au rendez-vous. Comment cette croissance [avril 2016] ne pourrait-elle pas être dynamique avec un taux de chômage à 5% ? Ce pourcentage n’a jamais été aussi faible depuis février 2008. L’économie américaine est en réalité proche du plein emploi. Ce n’est pas un hasard si aujourd’hui, les premières capitalisations mondiales et les grands acteurs du web sont américains. Les profils scientifiques et informaticiens sont très recherchés. Le PIB américain représente 1/5 du PIB mondial. Tant que les taux d’intérêt resteront bas avec une inflation maîtrisée à 2%, l’immobilier américain restera dynamique avec des valorisations élevées. Néanmoins, la FED surveille de près le niveau des marchés financiers et immobiliers. La présidente de la FED, Janet Yellen, se trouve dans l’impossibilité de relever le taux directeur par peur de provoquer une récession économique avec une correction des marchés financiers et immobiliers, bien qu’elle soit consciente de l’inefficience de la politique de taux bas, faisant ainsi courir le risque d’une bulle financière. Si le taux de chômage continuait de baisser sensiblement avec une hausse de l’inflation, Janet Yellen devra relever ses taux d’intérêt dans les prochains mois.

L’immobilier américain

L’immobilier américain a toujours été un marché hétérogène et beaucoup plus liquide qu’en France. La législation et la fiscalité fédérale facilitent les mutations immobilières des résidents et non-résidents. Les prix immobiliers varient grandement selon que l’on se trouve dans les états ruraux ou urbains. Dans les états ruraux, les prix de l’immobilier demeurent généralement stables tandis que dans les états urbains comme la Californie ou New-York, les prix sont beaucoup plus volatiles selon le dynamisme de l’offre et de la demande. Dans ces états, les prix sont élevés à cause de la rareté foncière. Durant cette période de taux bas, la prime de risque sur l’actif immobilier devra être surveillée dans les zones tendues.

La demande locative reste forte dans les métropoles américaines dynamiques comme à San-Francisco, New-York, Boston, Washington, Los Angeles, Miami, Chicago ou encore Seattle. Les talents étrangers s’installent dans des logements qu’ils louent. Ils deviendront plus tard propriétaires au moment où ils recevront leur premier bonus. Ce dernier constituera leur apport personnel [down payment] pour obtenir un prêt sur 25 ou 30 ans. Les prêts à taux fixe sur 30 ans sont actuellement à 3,50%.

Il existe une relation directe entre le prix de l’immobilier et la consommation. L’effet richesse renforce la confiance des propriétaires. Dans ces conditions, ces derniers consomment davantage. Selon une étude de l’Université de Virginie, chaque fois que les prix immobiliers augmentent de 1%, l’économie américaine s’améliore de 0,25%. La croissance économique et immobilière permet de compenser le niveau de cette taxe. Celle-ci reste particulièrement élevée dans la plupart des états. Elle représente généralement 1% du prix d’acquisition. Les travailleurs indépendants peuvent déduire les frais de ce pourcentage. Cette taxe augmente sensiblement chaque année. Les charges de copropriété pour les appartements (condominium) dans des résidences haut de gamme avec de nombreux services à la carte ne sont pas à négliger dans les villes comme New-York, San Francisco ou Miami. Les ménages américains réinvestissent dans la pierre [résidence locative et secondaire] depuis 4 trimestres. C’est un signal positif indiquant la vitalité de cette classe d’actifs. La rentabilité locative ne dépasse pas les 3% avant impôts et taxes mais l’investisseur privilégie une rentabilité en capital. C’est au moment de la revente qu’il connaîtra le taux interne de rentabilité de son investissement.

Les investisseurs étrangers

Les investisseurs étrangers sont de plus en plus nombreux à s’intéresser au marché résidentiel américain. Ils choisissent en premier lieu New-York, Miami, San Francisco et Los Angeles.

Avec des marchés financiers européens et asiatiques très volatiles, les investisseurs internationaux choisissent aujourd’hui le dollar et un sous-jacent l’immobilier. Passant devant les Canadiens, les Chinois sont devenus les plus importants acheteurs étrangers de biens immobiliers résidentiels aux Etats-Unis. Ils totalisent ainsi près de 20% de cette population avec 30 milliards de dollars investis en 2015, selon l'Association des agents immobiliers [NAR]. Les investissements chinois dans l'immobilier résidentiel aux Etats-Unis ont dépassé 93 milliards de dollars durant les 5 dernières années. D’ici 2020, les investisseurs chinois pourraient investir 218 milliards de dollars dans l’immobilier commercial et résidentiel américain selon le rapport de l’institut Asia Society et Rosen Consulting Group. Certaines populations étrangères, ayant réussi dans leur pays respectif, considèrent qu’une localisation aux Etats-Unis facilite l'obtention d'un visa, (green card) et, au final l'admission de leurs enfants dans les grandes universités américaines comme Harvard ou Princeton.

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Nicolas Tarnaud, FRICS, économiste, professeur à Financia Business School, chercheur associé au Larefi Université Bordeaux IV.