L’IA, vers une augmentation du QI de l’homme

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Par Stéphane Roder Publié le 20 août 2019 à 6h57
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@shutter - © Economie Matin

Concernant l'intelligence artificielle, seuls les discours anxiogènes ont eu voix au chapitre ces deux dernières années. Tantôt nous allions être éradiqués par le Terminator sévèrement fâché contre nous, tantôt cette technologie allait faire courir le monde à sa perte pour d'obscures raisons que préparaient secrètement de lointains GAFA. Il est pourtant un sujet qui n'a pas du tout été abordé : les bienfaits de l'intelligence artificielle dans l'entreprise, pour l'entreprise mais surtout pour ses collaborateurs.

Loin de vouloir reprendre ici tous les poncifs, il en est un que nous ne soupçonnions peut-être pas mais qui nous permettra sans aucun doute de dépasser nos préjugés et de massivement déployer cette technologie. En s'adaptant à un nouveau cadre de travail dans lequel l'intelligence artificielle aura pris en charge des tâches rébarbatives, répétitives, pénibles, l'humain va voir ses capacités d'abstraction encore se développer favorisant ainsi la progression de son QI (quotient intellectuel).

Nous sommes semblables à quelques mutations près à l'Homo Sapiens né il y a 300.000 ans. En effet, une étude, publiée en 2008 dans la revue Science, a été réalisée sur l'ADN de près d'un millier d'individus : la comparaison de 650 000 nucléotides chez 938 individus appartenant à 51 ethnies a montré que le génome des humains est identique à 99,9 %, soit un niveau de similitude qui ne se retrouve que rarement chez les mammifères. Elle est explicable par l'extrême jeunesse de l'Homme moderne car près de 300.000 ans ne sont pas suffisants pour produire une grande variabilité génétique. Il en est bien sûr de même pour notre cerveau, nous avons le même cerveau que les premiers Homo Sapiens avec un volume de 1350 cm3 et une consommation de 20 Watts.

Or il n'a échappé à personne que nos premiers ancêtres Homo Sapiens ne prenaient pas d'avion, n'avaient pas d'ordinateur, pas d'internet, pas de médicament à base de molécules synthétiques et ne connaissaient pas la mécanique quantique. Mais alors qu'a-t-il pu arriver à l'Homo Sapiens pour que son intelligence évolue jusqu'à s'accélérer ces 200 dernières années ? L'éducation et la nutrition me direz-vous ? Oui mais cela ne suffit pas à expliquer ce phénomène car pendant la première partie du 20éme siècle, alors que nos sociétés développées bénéficiaient toutes d'une même éducation, le QI progressait encore.

C'est ce que l'on appelle « l'effet Flynn » du nom de son génial découvreur. L'« effet Flynn » constitue l'un des phénomènes les plus intrigants et probablement la découverte la plus importante des recherches récentes en psychologie cognitive. En 1984, à la suite d'une analyse de 73 études américaines publiées entre 1932 et 1978, J.-R. Flynn note une augmentation de 3 à 5 points du QI par décennie aux tests d'intelligence les plus utilisés. Cette progression du QI constatée dans les pays développés au long du XXe siècle a été confirmée par de nombreuses recherches. L'explication est multifactorielle et intègre bien sur l'évolution de l'éducation, de la nourriture et bien d'autres facteurs, mais en analysant les tests, les chercheurs ont remarqué que les gains étaient largement concentrés dans les tests faisant appel aux capacités d'abstraction. Cet élément peut nous éclairer sur la nature du changement ayant eu lieu au cours du siècle dernier.

Il faut reprendre les travaux d'Alexandre Luria (1902-1977), célèbre neurologue et psychologue Russe, sur des paysans Russes analphabètes pour comprendre le lien entre l'environnement de travail et le niveau d'abstraction. Leurs préoccupations étant uniquement concrètes du fait de la matérialité de leur vie quotidienne, il leur était pratiquement impossible d'avoir un raisonnement faisant appel à une quelconque abstraction. Ancrée dans le concret, leur intelligence était fort bien adaptée à leur réalité quotidienne. En somme, Alexandre Luria a démontré que la notion d'intelligence se rapproche ici de la notion d'adaptation.

Au-delà de l'apport majeur de l'éducation, c'est donc l'environnement de travail de l'Homme qui a aussi forger son esprit et grâce aux expériences de Luria, il est possible d'interpréter une partie de l'effet Flynn comme une résultante de l'évolution des conditions de travail de l'Homme. Moins l'Homme a été soumis à la matérialité du fait de la mécanisation de son environnement de travail, plus ses capacités d'abstraction ont évolué faisant ainsi flamber son QI à l'origine de l'effet Flynn.

L'intelligence artificielle peut être considérée comme une nouvelle forme de mécanisation de l'environnement de travail de l'homme. En effet, en venant assister, automatiser et optimiser, l'IA va révolutionner tous les métiers, mais surtout faire baisser la pénibilité en venant effectuer les tâches répétitives et faire baisser le niveau de stress tout en augmentant la qualité de la production.

Contrairement à la digitalisation à outrance des usages dans le grand public, l'entreprise en est encore, toutes choses égales par ailleurs, à l'âge de pierre. Les tâches manuelles sont encore légion et sont une source non seulement de stress du fait du peu d'intérêt de ces tâches mais aussi considérées par les intéressés comme une perte de temps. L'affectation comptable reste réalisée à la main après lecture par un humain de la facture, le contrôle de la paye est effectué tous les mois par un contrôleur de paye qui compare deux écrans quand ce n'est pas du papier. L'intelligence artificielle prendra en charge ces micro-tâches. Elle viendra assister les métiers dans des tâches pénibles comme par exemple les recherches de décisions de justice qui prenaient avant une bonne partie de la nuit de nos juristes sans pour autant être le fruit de leur raisonnement mais nécessaire à l'élaboration de leurs précieux conseils.

Cette prise en charge par l'intelligence artificielle de ces tâches ingrates sans aucun intérêt est aussi une forme de distanciation vis à vis de la matérialité quotidienne du travail actuel dans l'entreprise. Cette libération favorisera donc l'évolution des capacités d'abstraction et l'effet Flynn, une nouvelle fois, permettra à l'homme de faire progresser son intelligence.

Cette vision positive de l'apport de l'intelligence artificielle est loin de celles de ses détracteurs que nous n'avons que trop entendu. L'intelligence artificielle, qui n'est autre qu'une nouvelle façon de programmer et d'amener de la valeur est une étape majeure dans l'évolution de l'entreprise comme a pu l'être l'arrivée de la bureautique en d'autres temps. Au-delà de l'aspect économique qui sera un des moteurs de cette nouvelle transformation, l'intelligence artificielle est donc un fantastique progrès pour nos entreprises comme il le sera pour notre société. Il ne faut pas en avoir peur bien au contraire.

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Stéphane Roder est PDG de The AI Builders. Passionné d'Intelligence artificielle, a dédié sa carrière à cette technologie. Son 1er opus « Le Guide pratique de l'IA dans l'entreprise – Anticiper les transformations, mettre en place des solutions » qui vient de paraître aux éditions Eyrolles, rencontre un vif succès. Dirigeant de filiales de groupes du CAC 40 et entrepreneur à succès, son parcours professionnel lui a permis d'acquérir une grande expertise technique et métier. Afin d'aider les entreprises dans cette transition par l'IA, il fonde AI Builders, sa société de conseil indépendante entièrement dédiée à l'Intelligence Artificielle. Son objectif ? Accompagner les entreprises en leur permettant d'intégrer l'IA dans leur roadmap de transformation digitale pour qu'elles disposent d'une vision ROIste de cet apport à leur core business.

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