L’économie du bien et du mal #2

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Par Tomáš Sedláček Modifié le 10 mai 2013 à 5h48

Le désir de persuader
Les économistes devraient croire au pouvoir des histoires. Adam Smith y croyait. Comme il l'écrit dans sa Théorie des sentiments moraux, « le désir d'être cru, ou le désir de persuader, de diriger et d'orienter les autres, semble être l'un des plus forts de tous nos désirs naturels ».

Notez que l'auteur de cette phrase est censé avoir affirmé aussi que l'intérêt personnel est le plus fort de tous nos désirs naturels. « L'esprit humain est construit pour penser en termes narratifs », écrivaient récemment deux autres grands économistes, Robert J. Shiller et George A. Akerlof.

« Réciproquement, une grande partie de la motivation humaine vient de ce que nous vivons un récit de notre vie, une histoire que nous nous racontons à nous-mêmes et qui sert de cadre à notre motivation. Sans de tels récits, la vie risquerait de n'être qu'une "succession de misères". Il en va de même de la confiance dans une nation, une entreprise ou une institution. Les grands dirigeants sont avant tout des créateurs de récits. »

Cette citation rappelle une formule célèbre, « la vie n'est pas une succession de misères. C'est la même misère sans cesse répétée » (« Life isn't one damn thing after another. It's the same damn thing again and again »). C'est bien vu, et les mythes (nos grands récits, nos narrations) sont des « révélations, ici et maintenant, de ce qui est toujours et à jamais ». Autrement dit, les mythes sont « ce qui est toujours sans s'être jamais produit ».

Cependant, nos théories économiques modernes, fondées sur de rigoureuses modélisations, ne sont rien de plus que ces métanarrations réitérées dans une langue différente (mathématique ?). Il faut donc connaître le récit depuis ses débuts – au sens large, car il ne sera jamais un bon économiste celui qui n'est qu'un économiste.

Puisque l'économie veut tout comprendre impérialement, nous devons nous aventurer hors de notre domaine pour tenter vraiment de tout comprendre. Et s'il est vrai, fût-ce en partie, que « le salut consiste désormais à mettre fin à la pénurie matérielle, en faisant entrer l'humanité dans une ère nouvelle d'abondance économique, avec pour conséquence logique que le nouveau clergé devrait être formé d'économistes », alors nous devons être conscients de ce rôle crucial et endosser une responsabilité sociale plus large.

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Auteur du livre "L'Economie du Bien et du Mal". Ancien conseiller économique de Vaclav Havel, puis membre du Conseil national économique de la République Tchèque, Tomáš Sedláček est aujourd'hui conseiller en macro-économie à la banque tchèque CSOB.

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